Le développement n’est pas une question d’argent. C’est avant tout une question d’hommes, de bons gestionnaires.
Cette règle se confirme encore une fois à Boumerdès, une wilaya très riche qui bénéficie chaque année d’importantes enveloppes financières pour améliorer le vécu de ses populations, mais le bilan laisse à désirer dans plusieurs secteurs. L’inertie et la défaillance de certains responsables ont compromis la réalisation de dizaines de projets hautement importants. Examiné il y a quelques jours en session de l’APW, le compte administratif de l’année écoulée fait ressortir des chiffres ahurissants sur l’état de développement au niveau local.
Selon ce rapport, plus de 73% du budget d’équipement, soit 6,56 milliards de dinars (656 milliards de centimes), n’ont pas été consommés. En termes de projets, seulement 43 parmi les 184 opérations prévues ont été achevées, alors que 141 autres n’ont pas encore démarré, bien que la plupart remonte à plusieurs années. Même le programme des zones d’ombre patine. En 2017, les autorités ont alloué plus de 3,2 milliards de centimes pour désenclaver les régions isolées de la wilaya, mais le gros de ce montant reste à ce jour dans les caisses. Idem pour beaucoup d’autres opérations liées à l’AEP, le gaz, l’assainissement, l’état des routes, l’éclairage public, la scolarité des enfants et la promotion des activités sportives. Durant les années précédentes, pas moins de 43 milliards de centimes ont été mobilisés pour améliorer l’alimentation en eau potable dans les localités affectées par la pénurie.
Néanmoins, seulement 13 milliards ont été dépensés. L’échec est cuisant. Et le wali, Yahia Yahiaten, le reconnaît à demi-mot en le justifiant en partie par «la résiliation de nombreux marchés en raison de l’augmentation des prix des matériaux de construction et autres, comme le bitume». Certains élus trouvent néanmoins cet «argument insuffisant», évoquant «des manquements et des négligences à plusieurs niveaux».
Aujourd’hui, des milliers de foyers de la région tardent aussi à être raccordés aux réseaux de gaz, d’électricité et d’assainissement, malgré l’affectation de plus de 340 milliards à cet effet. La direction de l’énergie a bénéficié, à elle seule, de 300 milliards de centimes, mais la concrétisation des objectifs inscrits bute sur l’inefficacité des outils de réalisation, notamment Sonelgaz, a laissé entendre Moussa Bibi, premier responsable du secteur. Le département de l’éducation a eu droit entre 2019-2021 à 17,5 milliards sur le budget de wilaya pour la réhabilitation des écoles dégradées et doter certaines en cantines.
Là aussi, l’argent n’est pas utilisé pour améliorer les conditions de scolarité des élèves. Même chose pour les enveloppes allouées (30 milliards environ) pour la réalisation et l’aménagement de stades de proximité, dont 70% ne sont pas encore consommés au grand dam des milliers de jeunes rongés par l’oisiveté. S’agissant du volet fonctionnement, le bilan de l’administration a toujours été positif avec des dépenses dépassant cette fois 95% des montants dégagés. Ce chapitre a coûté 622 milliards au Trésor public durant l’exercice précédent, précise-t-on dans le compte administratif. Il faut dire que ces chiffres concernent uniquement les projets financés par le CGSCL (ex-FCCL) et le budget de wilaya.
Le constat est valable également pour les projets sectoriels qui, eux aussi, ne sont pas épargnés par les blocages dus aux lourdeurs bureaucratiques, les problèmes d’accès au foncier, la défaillance des entreprises, les oppositions de propriétaires terriens ou encore la réévaluation des montants des marchés. Cela sans oublier l’instabilité administrative qui se vérifie à travers les changements répétitifs des directeurs de l’exécutif et la suspension des chefs de service à tour de bras. La direction des Domaines, une institution incontournable pour le lancement du moindre projet et la promotion des investissements, a vu se succéder à sa tête plus de 10 responsables depuis 2015. Il faut dire que ce triste constat n’est pas nouveau. On se rappelle que jamais le taux de consommation du budget n’a dépassé 60%.
Cette année, force est de constater que la plupart des projets achevés ont curieusement trait aux opérations d’équipement et d’entretien des administrations de wilaya, de la résidence officielle ou de la maison d’hôtes. Les responsables locaux se soucient-ils autant de leur confort que des conditions de vie parfois précaires de leurs administrés ?