Le journaliste de la chaîne française TV5 Monde, Mohamed Kaci, est convoqué aujourd'hui, mardi 28 novembre, à la direction des ressources humaines de la chaîne, une semaine après la publication d’un communiqué le désavouant après son interview du 15 novembre du porte-parole de l’armée israélienne, Olivier Rafowicz. Hier, les journalistes de TV5 Monde devaient se réunir pour interpeller la direction de la chaîne au sujet du cas de leur collègue.
L’interview en question ayant été diffusée en direct dans le journal quotidien «Le 64’ – le monde en français» a confronté Olivier Rafowicz au sujet de l'attaque de l'hôpital Al Shifa à Ghaza. La tension est rapidement montée, les échanges devenant tendus lorsque Kaci a questionné Rafowicz sur l'urgence humanitaire à Ghaza. Celui-ci est monté au créneau : «Est-ce que vous prenez l’Etat d’Israël pour un Etat qui ne connaît pas les règles de la démocratie et du droit international ? Nous sommes une armée d’un Etat démocratique face au fascisme islamiste intégriste le plus horrible.»
Imperturbable, Mohamed Kaci, a interrogé : «Mais entrer dans un hôpital, ça correspond selon vous au respect des règles du droit international, en particulier humanitaire ?» Le prenant à partie comme «journaliste», «être humain», «habitant en Europe», le porte-parole a enchaîné en accusant le Hamas : «Vous connaissez le Hamas, vous avez vu ce qu’ils ont fait. Ils ont massacré des enfants, éventré des femmes, brûlé des gens, brûlé des maisons. Vous croyez qu’ils se comportent selon le droit international ?
Qu’ils se comportent selon la justice, selon le respect du droit humain ?» Ce à quoi Mohamed Kaci a répondu en demandant : «Donc vous vous comportez comme le Hamas, c’est ce que vous me dites ce soir ?» Suite à cela, le militaire s’est voulu intimidant. «Là vous vous comportez maintenant non pas comme un journaliste mais comme quelqu’un qui est pour une position politique», a accusé Olivier Rafowicz. «Alors reprenez votre propos pour qu’on le comprenne», glisse Kaci. Et l’interviewé de rétorquer : «Non, reprenez, vous, votre propos pour que je le comprenne.»
Le journaliste a remercié son invité et est passé à un autre sujet. Lundi 20 novembre, TV5 Monde a publiquement exprimé des regrets quant à la manière dont l'interview a été menée. Pour TV5 Monde, «les règles journalistes, applicables à toute interview, n’ont pas été respectées«. «L’entretien ne s’est pas terminé selon les normes en vigueur de maîtrise de l’antenne mais de façon trop abrupte. Ce que la direction de l’information de TV5 Monde regrette profondément», peut-on lire dans le communiqué en question.
Selon une source proche du dossier, le porte-parole de l'armée israélienne aurait contacté le directeur de la rédaction de TV5 Monde le 16 novembre, au lendemain de l'interview, pour exprimer des plaintes. En réponse, la direction a publié un communiqué désavouant le journaliste. L'ensemble de l'équipe éditoriale de TV5 Monde soutient Kaci, nous dit-on. Une lettre aurait été adressée à Françoise Joly, directrice de l'information de la chaîne, la semaine dernière, mais elle n'a reçu aucune réponse.
Ces actions soulèvent des questions quant à l'indépendance de l'information au sein de TV5. Les réseaux sociaux ont aussitôt été inondés de témoignages de solidarité envers Mohamed Kaci, dépassant en nombre les critiques. De nombreux internautes estiment que le journaliste a simplement fait son travail en respectant les règles journalistiques.
Les syndicats de journalistes, y compris la SNME-CFDT de TV5 Monde, ont exprimé leur soutien total envers leur collègue. Ils estiment que le journaliste a respecté la charte de déontologie de Munich, référence européenne en matière de journalisme, et qu'il ne devrait pas être sanctionné pour avoir exercé son rôle de manière professionnelle.
«Il n’est pas admissible de considérer qu’un journaliste est partisan quand il pose une question qui dérange son interlocuteur», plaidait le syndicat. Et de préciser : «A l’heure du lynchage sur les réseaux sociaux, désigner le journaliste par son nom le livre à une potentielle vindicte.»
Il est à noter que cette affaire s'inscrit dans un contexte médiatique français agité, avec des précédents récents, tels que la controverse autour de l'humoriste Guillaume Meurice, lâché par la direction de France Inter pour une chronique satirique sur Benyamin Netanyahu. Les débats sur les chaînes télévisées françaises sont également pointés du doigt tant elles paraissent alignées sur la position israélienne.