L’adaptation étant une exigence en ce monde turbulent et incertain où toute nation qui n’avance pas recule forcément, l’évolution d’une société plus ouverte, plus individualiste exige des traitements plus personnalisés, avec comme toile de fond une croissance plus sélective et rendant urgent de mieux articuler les rôles respectifs et complémentaires de l’Etat et du marché. C’est faute de comprendre l’essence du fonctionnement de la société qu’au lieu de résoudre les problèmes, les actions au gré de la conjoncture les amplifient à moyen terme, expliquant qu’après plusieurs décennies d’indépendance politique, nous avons toujours une économie de nature publique rentière où 97/98% des recettes en devises provenant des hydrocarbures avec les dérivés. Il faut poser bien les problèmes ce qui implique de définir la nature de l’Etat dans le développement économique et social, où les axes ont été développés dans deux de mes ouvrages parus à l’Office de des Publications Universitaires OPU entre 1981 et 1982 et repris dans les éditions Amazon Paris en 2019, mais avons-nous été écouté ?
1.-Le patriotisme économique ne saurait s’assimiler au tout Etat
1.1-Il ne peut y avoir de développement et mobilisation des citoyens sans projet de société. Il n’y a pas de citoyens sans projet social et il n’y a pas de projet économique durable qui ne soit pas lié à un projet social. Il s’agit de restaurer à l’Etat sa vocation naturelle, le soumettre au principe d’efficacité conçu selon une démarche démocratique, la puissance publique dépendant trop des corporations rentières, ce qui conduit à un éparpillement et un accroissement de la dépense publique, avec un gaspillage des ressources financières. D’où l’urgence du renouveau du service public et l’optimisation de l’effet de la dépense publique en introduisant plus de rigueur budgétaire et renforcer les organismes de contrôle techniques devant éviter le télescopage d’institutions éparses, fruit de compromis de forces politiques, devant dynamiser la Cour des comptes prévue dans la Constitution, alors que l’on installe d’autres institutions concurrentes. Le handicap majeur de toute société est l’intervention autoritaire, vision du passé, des pouvoirs publics, ce qui ne saurait signifier la fin du rôle de l’Etat stratégique en économie de marché en tant que régulateur et protecteur des plus démunis. Cette intervention, en cas de malaise social, cristallise le mécontentement populaire sur le pouvoir d’Etat et aboutit à un affrontement direct entre la puissance publique et l’opinion sans qu’intervienne la moindre médiation. En fait, l’objectif stratégique est de redonner confiance à la population algérienne en instaurant un Etat de droit, base du retour â la confiance passant par des actions concrètes de luttes contre la corruption, le favoritisme, le régionalisme, les relations de clientèles occultes qui ont remplacé les relations contractuelles transparentes, avec l’application de la règle de Peter qui fait que l’on gravite dans la hiérarchie en fonction de sa servitude et de son degré d’incompétence. Les réformes politiques, sociales et économiques sont indispensables pour s’adapter tant à aux nouvelles mutations mondiales (les cyberattaques, les drones dans le domaine militaire) qu’aux mutations internes où la société a subi une transformation morphologique depuis l’indépendance politique où la jeunesse majoritaire n’a pas les mêmes comportements que ses aînés ne croyant pas aux discours déphasés des réalités. Le cadre macroéconomique relativement stabilisé grâce aux recettes des hydrocarbures, est éphémère sans de profondes réformes de structures, devant intégrer la sphère informelle non par des mesures autoritaires bureaucratiques ne collant pas avec la réalité du terrain, mais par des mécanismes transparents afin de redonner confiance. Cela implique la refonte du système financier -douanier, fiscal- l’administration et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Comme il y a lieu de ne pas confondre restructuration industrielle qui n’est qu’un élément - de la restructuration globale de l’économie objectif stratégique des réformes, étant inapproprié de parler de politique industrielle globale en ce XXIe siècle mais de politique d’entreprises s’insérant dans de vastes réseaux. C’est faute de compréhension de ces nouvelles mutations que le bilan de ces dernières années est mitigé croyant que c’est en promulguant des codes d’investissement avec ce perpétuel changement de cadres juridiques où dans les pays développés n’existent pas de codes. Dans les pays développés qui attirent le plus les IDE , on laisse laissant jouer les relations entreprises/banques et que tout choix d’un projet est dicté par le marché local et international. Comme ils ‘agit d’éviter ce mythe, de croire que c’est en changeant d’organisations que l’on résout les problèmes fondamentaux du pays, illusion de la mentalité bureaucratique , comme également cette vision purement monétariste d’instabilité du taux de change pour combler artificiellement le déficit budgétaire, ce qui laisse perplexe tout investisseur créateur de valeur ajoutée durable.
1.2- Pour renouer avec la croissance s’impose la cohérence, la visibilité autour d’objectifs stratégiques précis datés dans le temps sous-tendue par une nouvelle organisation institutionnelle dé-bureaucratisée et décentralisés ( cinq à six grands pôles et éco-pôles régionaux). A cela s’ajoute la lutte contre la bureaucratie néfaste qui produit la sphère informelle et la corruption, tant centrale que locale qui explique le faible flux d’investissement étranger et du privé national hors hydrocarbures pourtant indispensable pour renouer avec la croissance et donc d’atténuer les tensions sociales, malgré les importantes potentialités de l’Algérie. L’on ne peut continuer à assainir des entreprises non compétitives conduisant au suicide économique qui a coûté au Trésor public, selon le Premier ministère( source APS) , durant les trente dernières années à fin 2020, environ 250 milliards de dollars et les réévaluations répétées durant la dernière décennie plus de 40 milliards de dollars. Cela montre que ce n’est pas dû essentiellement au capital-argent, lais devant éviter l’amalgame cela ne saurait signifier pas la fin du rôle de l’Etat régulateur car le marché a besoin d’être encadré, le tout marché n’existant nulle part même pas aux USA . Le rôle de l’Etat régulateur est important mais devant changer de logiciels, largement influencé par l’internationalisation, devant tenir compte donc de cette dure réalité, malgré la crise mondiale, d’une économie de plus en plus globalisée. L’Etat doit favoriser la bonne gouvernance, condition de l’efficacité économique pour une croissance durable reposant sur l’entreprise qu’elle soit publique ou privée dans une économie ouverte et son fondement le savoir tout en garantissant le principe d’équité. Il s’agit de mettre fin au manque de cohérence et de visibilité, du fait de la neutralisation des rapports de force, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulée par les tenants de l’import et de la sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale, créatrice de richesses indispensable pour un développement durable .
2.-Les axes stratégiques axes de la nouvelle politique socio-économique.
2..1- La politique économique 2023/2025 doit tenir compte de l’adaptation aux mutations mondiales dont la transition numérique , énergétique et la lute contre le réchauffement climatique qui menace l’humanité, donc avoir un nouveau modèle de production et de consommation, tout projet devant correspondre aux avantages comparatifs du pays où l’espace naturel de l’Algérie est l’Afrique et l’espace méditerranéen. L’Algérie ne dispose pas d’autres alternatives que l’adaptation aux nouvelles réalités mondiales où avec le réchauffement climatique qui menace l’humanité et les tensions géostratégiques actuelles, le monde ne sera plus jamais comme avant, dont l’émergence des BRICS , qui renvoie à une nouvelle architecture des relations internationales. Prétendre que les réformes et l’insertion de ‘l’Algérie dans la nouvelle division internationale du travail aliènent le développement du pays et les libertés, vision qu’ont abandonné même les fondateurs du communisme, la Russie et la Chine, s’orientant vers une économie de marché maitrisée, c’est ignorer une évidence : sans insertion dans l’économie mondiale, l’Algérie serait bien davantage ballottée par les vents des marchés ?le commerce international n’étant pas un jeu à sommes nulles. L’ouverture peut être douloureuse à court terme car elle impose des changements mais elle est bénéfique à moyen et long terme. La compétition dans une économie globale fait que chacun a le monde pour marché et tous les consommateurs pour clients devant s’intégrer à une économie dominée par le consommateur mondial et arbitrée par les marchés financiers. Il y a lieu de revoir les concepts erronés de stratégie industrielle et d’imaginer une nouvelle politique de l’entreprise. Car à l’intérieur des entreprises se mettent en œuvre de nouveaux modes d’organisation éloignés du taylorisme, des grosses sociétés avec leurs lourdeurs bureaucratiques, fondées sur le raccourcissement des chaînes hiérarchiques, sur l’amélioration de la qualification, sur l’implication des personnes, sur la décentralisation interne et la gestion prévisionnelle des compétences. Pour impulser le développement , Il y a lieu de garantir les grands équilibres macroéconomiques condition de l’attrait de tout investissement porteur à moyen terme, réduire des déficits publics et réaliser la mutation nécessaire des services publics marchands. La conception passée sur une superposition forte entre secteur public, entreprise publique, monopole, activité limitée du territoire national doit faire place à l’efficacité de gestion, à la concurrence des services collectifs. C’est que les nouvelles mutations remettent en cause le traitement statistique global qui correspond de moins en moins à la réalité plus complexe, supposant d’ailleurs une structure indépendante du gouvernement comme l’atteste actuellement l’effritement du système d’information.
2.2- La société de marché incitant naturellement à plus d’efforts et de dynamisme, la solidarité dans la compétition implique de cesser d’exclure sous peine de devenir une société de décadence, les problèmes devant donc être absorbés différemment passant par une réflexion collective sur la justice au sens sociétal. Force est de reconnaître qu’avec la baisse de la salarisation due à l’accroissement du chômage, cela pèse sur le compte de la sécurité sociale et par la présence à la fois des dépenses de transfert et leur mode de financement, le déficit croissant des caisses de retraite étant comblé par la rente des hydrocarbures Aussi, la pérennité du système risque d’être menacée à moyen terme et nécessite de profondes réformes structurelles .Ce n’est pas un changement d’assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes mais dans la maîtrise de la dépense, aussi bien la dépense globale que la dépense remboursée, car dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n’est pas celui nécessairement qui finance, et cela n’est pas neutre pour l’activité productive. Aussi, l’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier une restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, supposant des enquêtes ciblées sur le terrain. Aussi, pour éviter les effets pervers du marché, l’action régulatrice de l’Etat est nécessaire pour assurer la cohésion sociale afin d’ éviter qu’une économie qui produit la richesse ne détruise les liens sociaux dans un univers où la plupart des structures d’encadrement, (familles, religion, syndicats) sont faibles surtout où bon nombre d’organisations sont des appendices bureaucratiques sans impacts de mobilisation, monnayant leurs soutiens contre une fraction de la rente pétrolière et gazière. C’est que l’Algérie a vécu sur un modèle égalitaire simple, l’Etat propriétaire gestionnaire régentant l’ensemble de l’activité économique et sociale réduction des inégalités, développement des prestations sociales pour tous, bien que certains contestent que ce modèle ait été équitable malgré d’importants transferts sociaux et subventions de 1970 à 2023( 500 milliards de dinars pour 2023) mais non ciblés. L’universalité de la justice n’existant pas, elle dépend du moment daté et du mouvement historique. Une société dynamique en forte croissance offre des espoirs individuels plus grands en tolérant certaines inégalités qu’une société dont l’économie en stagnation où l’avenir est incertain. Paradoxalement, en dynamique, certaines inégalités à court terme profitent aux plus défavorisés à moyen terme si l’on respecte les droits fondamentaux, bien qu’il faille éviter une domination excessive de l’argent sur la vie sociale. Dans un tel contexte, il faut identifier les inégalités qui doivent être combattues (inefficaces et injustes) et trouver le niveau acceptable d’inégalités nécessaires pour assurer le dynamisme de l’économie. Il ne sera plus question de la simple égalité d’accès à des prestations banalisées mais l’équité par la discrimination positive privilégiant le renforcement des relations professionnelles, la relance des négociations collectives branches par branches grâce à de nouvelles méthodes de travail fondées sur l’innovation continue. L’on devra tenir compte de la forte pression démographique ( plus de 50 millions d’habitants en 2030) et avoir un taux de croissance sur plusieurs années de 8/9%, accroître l’offre interne par des entreprises compétitives afin d’améliorer le pouvoir d’achat et de lutter contre l’inflation, absorber le flux additionnel de 350.000/400.000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel, incluant le sureffectifs des administrations et entreprises publiques et sous estimant la demande féminine. Or, le taux d’emploi , c’est une loi économique universelle est fonction du taux de croissance et des structures sectoriels des taux de productivité, nécessitant une nouvelle approche de la politique de l’emploi couplée avec une nouvelle politique fiscale et une l’éducation de qualité s’appuyant sur les nouvelles technologies , pivot de tout processus de développement. D’une manière générale, la notion d’équité a changé et l’accès à l’emploi doit être une priorité car la protection sociale avec la préférence de la distribution de revenus à l’emploi, contribue implicitement à favoriser le chômage. Le rôle primordial pour l’emploi est d’introduire l’initiative économique de tout le monde et les capacités entrepreneuriales caractérisées par les prises de risques industriels et économiques, devant éviter la vision matérielle du passé, et prendre en compte l’immatériel créateur de valeur ajoutée croissante, la solution la plus sûre étant de s’appuyer sur la qualification, la professionnalité des salariés allant de pair avec la spécialisation de l’économie. L’avenir est dans les gisements importants d’emplois sur les activités de services. Dans ce cadre, il y a urgence d’avoir un système d’éducation évolutif s’adaptant à la nouvelle conjoncture internationale par des réformes depuis le primaire jusqu’au supérieur en passant par la formation professionnelle par une formation permanente afin d’éviter des diplômés chômeurs, étant souhaitable une décentralisation de la gestion de l’éducation afin de faire jouer la concurrence régionale et son adaptation aux besoins de la société.
En conclusion, le compromis des années 2023/2025/2030 devra concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité. Il faut éviter toute ambiguïté : l’égalité n’est pas celle du modèle de 1963-2022 mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat providence de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant à la nécessaire refondation de l’Etat. L’Algérie peut, avec ses moyens matériels et surtout humains, retrouver une croissance forte, impliquant la démocratisation des décisions politiques et économiques, tenant compte de notre riche anthropologie culturelle, loin des injonctions administratives de peu d’impacts. L’Algérie, pays à fortes potentialités, reconnu par la communauté internationale comme acteur de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine s’adaptera- t –elle aux nouvelles mutations où , en ce XXIe siècle, les batailles économiques de se remporteront grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir ? Son devenir sera du ressort des seuls algériens.. Professeur Abderrahmane Mebtoul