C’est un pan entier des annales de la télévision, la radio et le théâtre qui vient de s’en aller. Il incarnait un idéal culturel, une bonhomie et une modestie. Et surtout être au service de l’art sans calcul ni strapontin, ni cupidité, ni expédient. Mohamed Hilmi, l’homme au rêve, mon, notre rêve fou : fou rire, faire rire le public, est décédé hier matin. Il avait 90 ans.
La disparition – information donnée par la Radio nationale citant la télévision étatique – du comédien Mohamed Hilmi, et ce, seulement cinq mois après le décès de son frère, Saïd Hilmi, grand comédien, a peiné les Algériens, anonymes, ses collègues, des admirateurs, des anciens et même le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est fendu d’un message élogieux et laudatif de condoléances à sa mémoire : «Une icône de la scène artistique algérienne vient de nous quitter après avoir contribué, par son talent et sa créativité, à l'enrichissement de la production télévisuelle et cinématographique pendant de longues années, marquant de son empreinte plusieurs œuvres artistiques de qualité, ayant gagné le respect et l'estime du grand public et des hommes de la culture et de l'art de notre pays…».
Mohamed Hilmi est un enfant d’Azzefoun. Il y est né en 1931. Il débutera sa carrière artistique en 1947, par de petits rôles au théâtre, notamment dans la pièce Ould Rlil. Son baptême du feu, sa planche de salut, fut le 4e art. A 17 ans, il rejoindra la troupe de l’Opéra d’Alger sous la direction de Mahieddine Bachtarzi. Tout en exerçant pour le théâtre radiophonique sous la férule de Réda Falaki, il écrira et concevra des pièces radiophoniques en kabyle – chaîne kabyle – en donnant la réplique aux grands comédiens Rouiched et Cheikh Norredine et travaillant avec le grand Abder Isker.
«Un enfant de la télé»
Mohamed Hilmi est, en fait, un «enfant de la télé». Après l’indépendance, il est l’auteur de nombreux sketches qui utilisent la chansonnette et s’impose comme le roi de la parodie, des comédies musicales pastichées. Il se lance ensuite dans la réalisation de téléfilms, courts et moyens métrages : Chkoune Yassbag, El Ghoumouq, EChitta, Matfahmine, Listihlak, L’Après-pétrole (1986).
En 1993, il est cinéaste. Il signera un long métrage EI Ouelf Essaib et une comédie satirique – éditée à compte d’auteur – Démocra-cirque ou le cri du silence. En 2007, Mohamed Hilmi avait réalisé aussi une série documentaire Les Ondes de l’histoire, s’articulant sur 10 épisodes d’une durée de 30 minutes, écrite par lui-même, parrainée alors par Keltoum, Habib Réda, Nouria et le grand maître du wahrani, Blaoui El Houari, et coproduit par l’EPTV et l’ENRS (Radio algérienne). Il faut souligner que Mohamed Hilmi était aussi un fin lettré. Il publiera les ouvrages De la flûte du berger aux planches sacrées, Parcours miraculeux et Le Présent du passé, chez Casbah Editions.
«Avant de partir rejoindre mes aînés, là-haut»
«J’ai relaté, dans les deux livres de mes mémoires, l’histoire du théâtre. Car les derniers survivants sont eux-mêmes hantés par la menace de l’oubli… Mes collègues sont morts sans laisser de trace. Aussi, c’est un devoir de mémoire que de réaliser un feuilleton sur l’histoire du théâtre algérien, un témoignage de mon vivant. Je vais avoir 77 ans le 15 février (2007).
Le temps passe vite. Et je voudrais achever cette mission avant de partir rejoindre mes aînés, là-haut. Le manque de sources d’information m’interpelle. Si je meurs, l’oubli va balayer tout le passé… Une belle initiative réhabilitant une partie importante de notre culture de par un acte de sauvegarde du patrimoine national qui dangereusement est menacé par l’oubli et l’usure du temps», nous avait confié le regretté Mohamed Hilmi dans El Watan datant du 18 décembre 2007. Le défunt devait être inhumé hier après-midi, au cimetière de Sidi M’hamed.