Le ténor de la musique andalouse de l’école Sanâa, Noureddine Saoudi, est décédé hier matin, à l’âge de 70 ans, suite à un tragique accident de moto, survenu sur la route Tipasa-Alger. Il sera inhumé aujourd'hui au cimetière d’El Kettar à Alger.
Grande onde de choc hier matin, à l’annonce de la mort du maître incontesté de la musique andalouse. Noureddine Saoudi, ce grand monsieur de l’art, a consacré toute sa vie à la recherche et à la musique. Cet artiste exceptionnel à la plume élégante et à la voix unique était doté de grandes qualités humaines.
Humble et modeste à la fois, il n’était pas avare en conseils en direction des jeunes apprenants de la musique andalouse. Toujours disponible, à l’écoute et prévenant à l’égard d’autrui, Noureddine Saoudi avait cette sagesse – que seuls les grands hommes détiennent – avec un sourire qui ne le quittait presque jamais. La courtoisie et l’élégance de ce brillant artiste, docteur en géologie et chercheur en préhistoire, n’avaient pas d’égales.
De nombreux et poignants hommages se sont multipliés à l'annonce de la disparition de cet homme parti trop tôt. Exprimant sa consternation et sa vive émotion à la suite de ce tragique drame, l’ensemble de la corporation artistique et universitaire a loué le talent de ce virtuose de la musique andalouse, qui a su tisser les mélodies à la perfection.
Il a su, en effet, avec brio fructifier et transmettre le patrimoine musical algérien avec fidélité. Pour le doyen des musiciens algériens Mohamed Khaznadji, Noureddine Saoudi est un pionnier de la musique andalouse, dont le talent et la passion ont marqué de nombreux esprits. «Noureddine Saoudi a laissé une empreinte indélébile dans le monde de la musique classique et plus précisément andalouse.
Sa contribution inestimable à cet art continuera de vivre à travers ses œuvres et les nombreux artistes qu’il a inspirés. Nous partageons votre peine et espérons que vous trouverez un certain réconfort dans les souvenirs précieux que vous garderez de lui. Nos pensées et nos prières vous accompagnent en cette période difficile. Que son âme repose en paix. Avec toute notre compassion et notre sympathie», lit-on.
Artiste engagé
L’ambassadeur Kamel Bouchama écrit sur la Toile : «Que dire de cette triste nouvelle...? Y a-t-il des expressions qui puissent me soulager quand j’apprends le départ brusque du Dr Noureddine Saoudi, mon ami – et l’ami de tous pour ne pas être égoïste –, l’homme de culture, l’artiste engagé, l’anthropologue, le musicien à la voix suave ?
En cette douloureuse circonstance, je partage la peine de sa famille, de ses proches, et je comprends leur douleur..., leur immense douleur... Ainsi, de Damas, je présente à tous ceux qui l’ont aimé, mes sincères et fraternelles condoléances.»
L’interprète de musique andalouse Lila Borsali a appris avec beaucoup d’émotion la disparition du grand ami et compagnon de route Noureddine Saoudi. «C’est sous le choc de cette terrible nouvelle que je rédige ce message de condoléances à sa famille pour lui dire que je partage sa douleur… mais les mots me manquent pour exprimer ma propre douleur !
Noureddine, tu as été un grand ami, un frère, un compagnon de route, et il n’y a qu’une phrase, une seule qui martèle pour l’instant ma pensée : tu es parti trop tôt, tu es parti trop tôt… Mais, sois en sûr, je garderai longtemps en mémoire tous les moments où, mus par la même passion pour notre patrimoine musical andalou, nous avons pu discuter, échanger nos points de vue, nos connaissances en la matière.»
Et d’ajouter : «Je prendrai soin de ne jamais laisser s’effacer l’image d’un très grand artiste, celle d’un érudit, celle d’un compositeur, celle aussi d’un analyste dont les points de vue marqueront de leurs traces toute approche de notre beau patrimoine musical ! Noureddine, tu fais indéniablement partie de ces êtres d’exception que la vie nous donne à apprécier, et je suis heureuse que beaucoup de circonstances m’aient donné la possibilité de te rencontrer et d’apprécier à sa juste valeur ton amitié. Tu seras toujours présent dans mes meilleurs souvenirs…» atteste-t-elle.
Une inimitable voix de ténor
Dans un autre message émouvant, l’universitaire et chercheur Ahmed Brara témoigne : «En sa personne, le pays vient de perdre un brillant chercheur universitaire en géologie et en préhistoire et un de nos rares érudits, interprète avec une inimitable voix de ténor et un compositeur en musique andalouse.
Un être multi-talentueux, tout à la fois chercheur, musicien, interprète, compositeur, formateur, animateur radio et bien d’autres activités. Il était un des seuls qui pouvait prétendre, grâce à son érudition et son niveau de connaissances en musicologie, composer des noubas, à hauteur de celles existantes.
Le destin nous prive d’un être exceptionnel dont le pays a fortement besoin. Il continuera à vivre ad vitam dans le cœur des Algériens à travers ses legs scientifiques et musicaux. La communauté des chercheurs permanents, déjà peu nombreuse, portera ton deuil et te regrettera à jamais. Rebbi yerahmek khouya Noureddine.
Dors en Paix et que la terre te soit douce et légère, mon frère.» Abondant dans le même sens, le directeur des éditions Chiheb, Azzedddine Guerfi, déclare que «Noureddine Saoudi nous a quittés, laissant un vide immense dans nos vies». «Son esprit curieux et créatif se reflétait dans tout ce qu’il entreprenait. Sa générosité et son humanité ont laissé une empreinte indélébile sur tous ceux qui l’ont connu.»
Pour sa part, un autre ami du défunt estime que c’est une immense perte pour sa famille et la culture algérienne. «Talentueux, généreux, il avait mis l’Opéra Ouled Fayet à la disposition de la culture et des familles durant la période où il était directeur, nos enfants qui l’ont côtoyé et pour qui il était un modèle vont le regretter.»
Pour rappel, le musicien et musicologue Noureddine Saoudi animait une mission hebdomadaire «Nouba Andaloussia» sur les ondes de la Chaîne 3. Il a occupé, également, le poste de directeur de l’Opéra d’Alger. Le musicien est né à Alger, dans une famille baignée de poésies, celle de Ben-Guitoun. Il se plaisait à le rappeler à chaque rencontre et occasion qu’il était l’un des descendants directs de ce poète notoire. Enfant, Noureddine manifeste très tôt des prédispositions musicales.
Il fut l’élève des derniers grands maîtres de l’école algéroise, qu’il se plaît à qualifier de «mémoire vivante d’une partie de mes racines». Ses professeurs Abdelkrim M’hamsadji, Abdelkrim Dali, Abderahmane Belhocine et Abderrezzak Fekhardji lui ont prodigué le meilleur enseignement. Il décroche le 1er prix du Conservatoire d’Alger 1974. Quatre ans plus tard, il est nommé professeur, avant de rejoindre la prestigieuse association El Fekhardjia, où il anime la classe moyenne. Il est membre fondateur et l’initiateur du nom de l’association Essendoussia, pour laquelle il a consacré des efforts remarquables.
Professeur et chef d’orchestre, il obtient avec cette association le 1er prix lors de deux éditions du Festival du printemps musical d’Alger en 1987 et 1988, et enregistre cinq œuvres de musique andalouse dans les modes zidane, raml el maya, ghrib et h’sine et dhil.
Il est, en outre, l’origine de la création de la fusion andalou-fado. Nouredddine Saoudi est également docteur en géologie du quaternaire et chercheur en préhistoire. Il a occupé, par le passé, le poste de directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques, le CNRPAH de 1994 à 2001.
Il a, également, publié, plusieurs articles scientifiques dans la revue Libyca et un ouvrage intitulé Pliocène et Pléistocène inférieur et moyen du Sahel occidental d’Alger, publié aux éditions ENAL. Que l’artiste Noureddine Saoudi repose en paix parmi les étoiles. Sincères condoléances à sa famille.