Macron et Le Pen se sont affrontés, mercredi soir, en direct à la télévision française. Le Président sortant a faiblement réagi aux idées xénophobes de la candidate d’extrême droite.
Le Monde l’écrit sur un ton de regret : «Le débat n’a pas vraiment eu lieu sur un des sujets pourtant au cœur de la matrice du RN, aux relents xénophobes, et au fondement de son programme. M. Macron n’a pas affiché le souhait d’aller franchement combattre Mme Le Pen sur ce terrain, en ne l’attaquant pas par le droit, pas plus que sur les valeurs.»
C’est jeudi matin, en campagne à Saint-Denis (où le candidat de la gauche radicale Mélenchon était arrivé en tête le 10 avril), que le président-candidat Emmanuel Macron a joué les prolongations en réponse à Marine Le Pen en considérant qu’«on ne résout aucun problème en séparant notre société».
Précisant : «L’ensemble des habitants (des quartiers populaires) sont une chance pour notre République (…). On a beaucoup stigmatisé ces habitants en clivant notre société, notre discussion d’hier a pu le montrer.» Sur le terrain réel, il a renvoyé l’extrême droite dans ses cordes en disant : «Nous ne devons pas nous habituer à la montée des idées d’extrême droite. Il y a des différences de valeurs et d’ordre dans les catégories d’idées.»
LE PEN : «LE VOILE EST UN UNIFORME IMPOSE PAR LES ISLAMISTES »
Lors du débat, Marine Le Pen avait affirmé qu’elle ne luttait pas «contre la religion de l’islam, je lutte contre l’idéologie islamiste, qui s’attaque à l’égalité hommes-femmes, à la laïcité, à la démocratie, et qui cherche à imposer une loi religieuse qui s’appelle la charia». Elle avait dit vouloir la fermeture des «570 mosquées radicales. Nous ne sommes pas assez fermes sur ce sujet».
Macron lui ayant opposé ses chiffres : «Sur les 2623 mosquées et salles de prière, près de 90 étaient soupçonnées de séparatisme au début 2021. 36 sont restées ouvertes, car la loi de la République y était respectée, 22 ont été fermées et 31 font l’objet d’investigations plus poussées.»
Marine Le Pen a surtout réaffirmé son objectif de l’interdiction du voile dans l’espace public : «Je pense que le voile est un uniforme imposé par les islamistes. Il faut libérer l’ensemble de ces femmes, et pour cela, je pense qu’il faut interdire le voile.» Emmanuel Macron l’avait d’une certaine façon recadrée en lui reprochant d’être «passée au terrorisme, pour revenir à l’islamisme, et pour aller vers les étrangers». «Vous créez un système d’équivalence par votre cheminement qui confond tous les problèmes et qui les entretient». Indiquant que pour sa part il n’y aurait en aucune façon «d’interdiction de quelconque signe religieux dans l’espace public».
«VOUS ALLEZ CRÉER LA GUERRE CIVILE»
Ajoutant : «La laïcité ce n’est pas combattre une religion, c’est un principe de liberté.» «Si vous rentrez dans cette logique, vous ferez ensuite interdire la kippa, un signe religieux… Vous allez créer la guerre civile si vous faites ça. Ce que vous dites est très grave.»
Autre sujet de friction entre les deux candidats à la Présidence, la question de l’immigration et du droit d’asile.
Le président-candidat a fait la part des choses entre l’immigration économique, «dont on a besoin. Cette immigration est régulée avec des titres de séjour, il faut qu’elle continue», et pour l’immigration clandestine, il estime que le pays «doit mieux protéger ses frontières».
Marine Le Pen, dont le but était de développer tous les aspects de son programme, a remis sur le tapis son projet de référendum sur l’immigration, pour supprimer le droit du sol : «Afin de changer les règles en cours, afin de réviser la Constitution.
Dans ce référendum, il y a l’expulsion des criminels et délinquants étrangers, la suppression du droit du sol, la mise en œuvre de la priorité nationale au logement et à l’emploi, le renvoi des clandestins chez eux, la modification du droit d’asile.» Pour elle, «l’immigration est un problème qui fait dépenser beaucoup d’énergie dans notre société».
Sans lui répondre sur le fond nauséabond d’une telle proposition, Emmanuel Macron a défendu l’impossibilité juridique d’un tel référendum qui passerait par-dessus les instances parlementaires, canal obligé de lecture du projet soumis ensuite directement au peuple. «Vous n’avez pas lu ma loi», répond Le Pen. «Si, mais j’ai la Constitution», rétorque Macron. Des formules ciselées, en attendant la sanction des urnes dimanche soir.
Paris
De notre bureau Walid Mebarek