Cela peut sembler surprenant pour une thèse de doctorat, une première de surcroît au sein de la faculté des hydrocarbures, des énergies renouvelables, des sciences de la terre et de l’univers de l’université Kasdi Merbah de Ouargla, soutenue il y a à peine un mois par le docteur Mustapha Dida, cadre dans une entreprise du secteur des hydrocarbures. Il propose de revenir à un système ancestral de refroidissement de l’eau et de conservation des fruits et légumes dans les zones sahariennes basé tout simplement sur la toile de jute. Détails.
Il y a même consacré plusieurs années et effectué une sérieuse étude expérimentale d’un système de refroidissement passif visant l’amélioration de l’efficacité des modules dans les régions chaudes et arides dans des conditions de fonctionnement extérieures réelles extrêmes, couronnées par deux publications scientifiques dans des revues spécialisées de renommée internationale.
Le système de refroidissement expérimental, proposé par le docteur Dida, repose donc sur un mécanisme d’évaporation d’eau en combinaison avec l’action capillaire de la toile de jute, un matériau bon marché, perméable et biodégradable respectueux de l’environnement attaché directement à la surface arrière du module photovoltaïque. Les conclusions de l’expérimentation montrent une réduction significative de la température de 26% obtenue avec l’aide du système de refroidissement par évaporation utilisé.
En pratique, la température de fonctionnement variait de 54,2°C à 76,4°C et la température moyenne était autour de 66,4 °C pour le module de référence. Alors qu’avec le système de refroidissement usant de la toile de jute, la température du module variait entre 44 °C à 55,8 °C tandis que la moyenne de la température était d’environ 49,3 °C. Selon le Dr Dida, la méthode de refroidissement développée est capable de maintenir une température uniforme sur le module photovoltaïque même à midi où la température ambiante est des plus élevées.
De plus, ce système se caractérise par la conservation de l’eau utilisée dans le refroidissement, un processus permettant donc également une économie de l’eau puisque la consommation n’était que de 0,39 l/h contribuant fortement à la protection contre la dégradation thermique, à la fiabilité et à l’amélioration du rendement des systèmes photovoltaïques, en particulier dans les zones chaudes et arides où l’eau se fait rare.
Aussi, et en raison de la réduction de température acquise par le refroidissement à base de toile jute, une amélioration considérable de la puissance de sortie du module photovoltaïque et une efficacité de conversion ont été atteints puisque la sortie maximale de la puissance est passée de 58,11 W à 65,07 W, ce qui équivaut à 12% d’amélioration de la puissance de sortie. De plus, l’augmentation du rendement électrique a varié entre 9 et 14,75% tout au long de la journée.
Dr Dida estime que selon les résultats expérimentaux obtenus, il pourrait être conclu que le système de refroidissement proposé a montré une grande efficacité dans la régulation thermique et l’amélioration de l’efficacité du module photovoltaïque. Il a été observé que l’amélioration de l’efficacité obtenue dans cette étude est parmi les plus élevées par rapport aux études précédentes.
De plus, ce système présente de nombreux avantages notamment d’être respectueux de l’environnement, silencieux, à faible coût d’investissement et surtout faible consommation d’eau. Pour la suite de la thèse de doctorat qui s’inscrit résolument dans l’expérimentation et la durée, le Dr Khelifa Abdelkrim, membre du jury de soutenance représentant l’Unité de recherche appliquée en énergies renouvelables (URAER) de Ghardaïa qui a proposé d’accueillir et accompagner les travaux de modélisation du système de refroidissement des panneaux photovoltaïques à la toile de jute qui vise les notamment l’amélioration des rendements et de la durée de vie de ces panneaux utilisés pour la fourniture d’électricité dans les zones enclavées du sud du pays, facilitant ainsi la vie aux population nomades et semi-nomades mais aussi la production d’eau d’irrigation avec une facture énergétique réduite dans les surfaces agricoles dédiées aux cultures stratégiques notamment sous les conditions climatiques les plus chaudes, Ouargla ayant été le terrain d’expérimentation de ce système.
La toile de jute
La fibre de jute est obtenue de l’écorce du jute, qui désigne à la fois les fibres et la plante dont ils sont issus, principalement produite en Inde et au Bangladesh. Longue, douce et brillante elle est entre autres utilisée pour faire des sacs en toile de jute ou encore comme géotextile, un des plus anciens qui soient.
Résistante, son utilisation est très large. Elle peut être utilisée pour le jardinage, la création ou encore la décoration et… le refroidissement puisqu’elle maintient l’humidité, protège du dessèchement et du froid. Au sol, sur terre, la toile de jute permet à l’eau de pénétrer plus facilement, de maintenir l’humidité et réduire l’évaporation, tout en restant neutre pour l’environnement.
Au Sud, la toile de jute est aussi bien utilisée pour refroidir l’eau que pour la conservation des fruits et légumes mais aussi pour se protéger des insectes et reptiles pendant la saison estivale en installant des morceaux de tissu humidifiés dans les coins cardinaux des habitations pour attirer les prédateurs à la recherche de fraîcheur et d’humidité et s’en débarrasser. H. A.