La contestation historique des étudiants américains contre le génocide à Ghaza s’étend désormais à plusieurs universités, malgré la répression de ce mouvement qui a abouti à plus d’une centaine d’arrestations parmi les manifestants.
De l’université de Columbia, à celle de Harvard et de George Washington, en passant par les universités du Texas à Austin, du Sud de la Géorgie, de Pennsylvanie, d’Atlanta, du Sud de la Californie, de Boston, ou encore l’université de Princeton pour ne citer que celles-ci, les camps de solidarité avec la Palestine, la contestation a brassé large parmi les étudiants mais aussi les enseignants et les «camps de solidarité avec la Palestine» ont poussé comme des champignons dans des dizaines de campus universitaires à travers de nombreux Etats.
L’évolution rapide de ce mouvement qui rappelle les manifestations qui ont mis fin à la guerre au Vietnam et à l’apartheid en Afrique du Sud, a fait trembler l’administration américaine, qui le présente comme «violent» « antisémite », voire même « erroriste», afin de justifier le recours, à la force pour le réprimer. Des images de policiers avec des matraques tabassant des étudiants de l’université de Columbia qui réclamaient la fin du génocide à Ghaza et le désinvestissement israélien de leur établissement, ont choqué plus d’un et suscité un vaste mouvement de solidarité parmi les étudiants mais aussi les enseignants avec les manifestants. Dans l’Etat du Texas l’université a fait appel à la garde nationale pour faire évacuer l’université d’Austin.
Au moins 108 étudiants ont été arrêtés, lors des heurts violents avec la garde nationale, qui compte une quarantaine de blessés, selon les médias américains. La prestigieuse Harvard Yard, toujours première dans le classement des universités américaines, a rejoint la contestation, mercredi dernier, soit au lendemain de la suspension de son Comité de solidarité avec la Palestine.
Comme dans tous les campus contestataires, les étudiants ont installé le camp de solidarité avec Ghaza, dans l’enceinte même, qui a drainé une foule très nombreuse notamment d’enseignants et ce malgré les menaces de l’administration «d’agir». Jeudi dernier, deux nouvelles universités sont venues renforcer le mouvement de colère, qui a pris naissance à l’université de Columbia, de New York, il y a deux semaines, avant de s’étendre. En face, l’establishment américain voit mal cette contestation contre Israël, et à travers lui, le sionisme. Le démocrates que républicains, présentent comme un danger.
Le président de la Chambre des représentants américains, le républicain, Mike Johnson, va très loin, en exhortant le président Biden « à mobiliser la Garde nationale dans les universités souffrant de ce virus de l’antisémitisme ». Une phrase qui a raisonné dans les oreilles des anciennes générations, ayant vécu, dans cette même université, l’intervention brutale de la garde nationale, lors de la mobilisation contre la guerre au Vietnam, en mai 1970, durant laquelle 4 étudiants ont été tués et 9 autres blessés.
En ravivant un souvenir aussi douloureux, Mike Johnson n’a fait que renforcer la détermination des manifestants à poursuivre leur mouvement, qu’il (Johnson) a qualifié de « haine » et « d’antisémitisme » , suscitant la colère des étudiants auxquels le délais donné pour démonter les tentes de solidarité installées dans le campus devait expirer hier après une prolongation de 48 heures.
En soutien à ces derniers, jeudi, tôt dans la matinée, des centaines d’étudiants se sont rassemblés sur les campus des universités de Georgetown et George Washington à Washington, DC, en scandant des morts d’ordre en faveur de l’arrêt de la guerre à Ghaza et en brandissant des pancartes avec des écrits pro-palestiniens.
Mike Johnson ravive le souvenir des manifestations contre la guerre au Vietnam
Là aussi, l’administration a exigé des manifestants de démonter les tentes installées dans le campus, sous peine d’être arrêtés par la police qui s’est déployée en nombre impressionnant autour de l’université. Depuis jeudi, les campus solidaires avec la Palestine ont vécu une tension terrible, tantôt suscitée par des sionistes, tantôt par l’administration, tantôt par les services de police ou de la garde nationale. De Los Angeles à New York, en passant par Austin, Boston, Chicago et Atlanta, la protestation estudiantine contre la guerre à Ghaza, a pris de l’ampleur y compris dans les universités internationales comme Harvard, Yale et Princeton où des slogans contre le soutien militaire des USA à Israël, n’est plus un tabou, et ce malgré la répression policière utilisée pour réduire au silence les contestataires.
Selon les médias américains, ils étaient plus d’une centaine à avoir été embarqués par la garde nationale, prés de l’Emerson collège de Boston, alors qu’à l’université du Texas, à Austin, les membres de la garde nationale, venus à dos de cheval, ont arrêté des dizaines d’étudiants.
Leurs camarades de l’université Emory d’Atlanta, ont quant à eux été expulsé brutalement de leur campus par la police, alors que ceux de Princeton, dans le New Jersey, ont été violemment pris à partie par les policier au moment où ils installaient le camp de solidarité avec la Palestine. «Nous refusons de permettre que les affaires continuent comme d’habitude face à la complicité de Northwestern», ont déclaré dans un communiqué commun, les associations, « Educators for Justice in Palestine, « l’Union de libération des étudiants et « Jewish Voice for Peace ».
Le Conseil islamique américain (CIA), a sévèrement critiqué le recours à la force policière pour étouffer les voix discordantes en soulignant « qu’il en va de même pour la diffamation et la mise en danger d’étudiants juifs, musulmans et palestiniens (...) sur la base de remarques suspectes et incendiaires faites par quelques individus masqués non identifiés à l’extérieur du campus », a déclaré dans un communiqué, Afaf Nasher, directrice exécutive du CAI, à New York. Elle a exhorté «l’autorité d’enseignement» de l’université Columbia à «s’opposer aux mesures de déploiement de la garde nationale, à la militarisation de l’institution universitaire et le déploiement de la police contre les étudiants qui manifestent pacifiquement».
Le corps enseignant de Columbia a quant à lui a décidé de ne pas reprendre le travail jusqu’à samedi en raison des réponses militaires aux manifestations pour Ghaza. «Celles-ci ne comportent ni menace ni violence et n’empêche pas l’enseignement», ont écrit les enseignants dans une déclaration diffusée par les médias américains.
Ces réactions ont été dirigées contre le recours de l’administration des campus universitaires aux forces militaires et policières pour réprimer la contestation contre Israël, la guerre qu’il mène contre Ghaza et le soutien dont il bénéficie, est exprimé d’ailleurs, par les nombreux membres du Congrès, qui accusent les manifestants pro-palestiniens « d’antisémitisme ».
Biden condamne des manifestations « antisémites »
Accusation reprise aussi par le président Biden, en disant : « je condamne les manifestations antisémites, c’est pourquoi j’ai mis en place un programme pour y faire face. Je condamne également ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe avec les Palestiniens ». Ce qui est certain, c’est que ce vent de contestation ne s’est pas arrêté et chaque jour, de nouveaux campus rallient les manifestants en dépit de toutes les menaces et la répression dont ils font l’objet ».
Aujourd’hui, le mouvement estudiantin américain ne fait que remettre en cause le consensus pro-israélien de la classe politique américaine qui apparait au grand jour dans la guerre génocidaire menée contre la population de Ghaza. .
Ce qui est considéré comme une menace contre laquelle l’administration n’hésitera pas à recourir à la répression, avec la menace d’intervention de la garde nationale, sur fond d’accusations antisémites. Une répression décriée par de nombreuses ONG, dont Amnesty International qui dans un communiqué a condamné les Etats-Unis pour leur traitement qualifié de « raciste et oppressif » des manifestations.
L’ONG a déclaré que « ces pratiques s’opposent à la nécessité pour les universités de « faciliter et protéger le droit de protestation de leurs étudiants », ajoutant : « les administrations universitaires ont déployé de grands efforts pour réprimer les manifestations, en impliquant même les autorités locales et en exigeant des arrestations, tout en punissant les étudiants qui participent à des manifestations pacifiques ».
Amnesty a condamné la position des administrations de certaines universités de premier plan aux États-Unis, notamment de Colombie et du Texas, et leur recours à la police pour disperser les manifestants soutenant la Palestine et l’arrestation d’un certain nombre d’étudiants qui participaient à ces rassemblements ».