L’Association Fort de Cherchell, présidée par le médecin orthopédiste, Dr Rachid Bellahcène, qui se compose essentiellement d’un effectif mixte d’universitaires, scientifiques et chercheurs, soutenue par d’autres associations locales, avait saisi (dernier courrier, ndlr) la direction de la culture et des arts de la wilaya de Tipasa le 9 septembre 2020, dossier à l’appui, exhortant le secteur d’étudier la situation de Dar Errachidia, un patrimoine architectural, culturel et historique au passé extrêmement riche.
La bâtisse depuis les dernières années est dans un état lamentable. Elle a été érigée en R+1. Elle est localisée au quartier populaire Aïn K’Sibah. La ville de Cherchell était pourvue d’une école coranique à la rue Pasteur, après la transformation d’une maison. L’encadrement pédagogique et administratif était assuré par des hommes sages, en l’occurrence Cheikh Ali El Maghribi, Cheikh Sid-Ahmed Nouar et Cheikh Hirèche Smaïl. Un citoyen bienfaiteur venu de Biskra qui portait le pseudonyme Soltane Etmar (Roi des dattes, ndlr) se marie avec la fille de Cheikh Sid Ahmed Nouar. Il décide de s’installer à Cherchell.
De son gré, il achète une maison au style arabo-musulman dans le quartier Aïn K’Sibah. Cette belle maison d’une superficie de 180 m2 s’articule autour de trois chambres spacieuses au rez-de-chaussée et de deux autres grandes chambres au 1er étage. A l’instar des autres maisons du quartier populaire, cette maison est pourvue d’un puits et d’autres arbres, le citronnier, le jasmin. Soltane Etmar prend l’initiative de céder gracieusement ce bien immobilier à la société civile locale pour un enseignement au profit des enfants.
Juste après la cession de Dar Errachidia signée chez le notaire Gilbert Tuiquat le 21 janvier 1943, le transfert de l’école avait eu lieu rapidement de la rue Pasteur vers Dar Errachidia. Il faut préciser que le titre initial de propriété de cette demeure avait été signé le 13 août 1907. Cheikh Ali Chentir venu de Béjaïa est le directeur et enseignant à la fois dans cette école, son épouse Mezéghrani Kheira issue de la ville de Cherchell, Benmokadem Assia militante, Chettab Ali, Ferraz Mohamed Salah, Nouar Sid Ahmed et enfin Cheikh Khaled.
On enseignait les sourates du Coran, le calcul, l’éducation civique, l’étude de texte, la grammaire, la conjugaison, la langue arabe, la dictée, la langue arabe. L’enseignement était payant, afin d’assurer l’entretien de cette école et le paiement des éducateurs. Les enfants des familles précaires étaient dans l’incapacité d’intégrer Dar Errachidia. L’enseignement oscillait entre le niveau un et cinq.
La France coloniale ne voyait pas de bon œil les activités de cette école, d’autant plus qu’elle est mitoyenne avec le domicile de l’héroïne Yamina Oudaï et celle d’Imalayène, père de Assia Djebbar. Le rôle de cette école coranique durant la guerre de libération nationale était stratégique. Certains anciens élèves sont tombés au champ d’honneur, d’autres devenus des moudjahidine.
Dès l’Indépendance, les autorités locales décident de fermer la Mederssa Dar Errachidia. Son esthétique, son architecture et son histoire ne laissent pas indifférentes les personnes soucieuses pour la préservation de la mémoire, de la réhabilitation et le classement de ce patrimoine culturel.
La délibération de la délégation spéciale de Cherchell date du 26 mars 1964 a été approuvée par le sous-préfet (chef daïra, ndlr) au début du mois d’avril 1964. L’acte de donation de la société civile immobilière musulmane cherchelloise, présidée par Hadj El Ghobrini Mohamed, en présence des membres de son bureau, au profit de la commune de Cherchell, a été signé chez le notaire Sahraoui-Tahar Mohamed.
A présent, certains membres du mouvement associatif culturel local comptent donner une seconde vie à cette infrastructure fermée depuis des décennies, enfouie au milieu d’une zone historique, de surcroît un quartier résidentiel construit durant «la colonisation» ottomane. Les architectes de l’association Fort de Cherchell viennent de concevoir un plan d’aménagement, d’ailleurs proposé aux autorités de la wilaya de Tipasa, si elles daignent classer ce bien immobilier, qui fait l’objet des convoitises par «les piranhas» locaux.
L’aménagement sera dédié uniquement aux activités culturelles. Celles-ci seront animées par les artistes peintres, historiens, comédiens, écrivains, y compris les cours de rattrapage pour les élèves, notamment dans les chapitres des arts plastiques, de la littérature, d’un espace pour la lecture et les conférences. La direction de la culture de la wilaya répondra-t-elle à cette énième sollicitation du mouvement associatif culturel de Cherchell, connu pour son sérieux ? La réhabilitation et le classement de Dar Errachidia auront-ils lieu finalement ?