Tout est parti d’une conversation entre amis. Dans les années 1990, à l’université allemande de Kiel, des étudiants en rencontrent un autre originaire de la ville de Bielefeld.
Aucun d’eux n’y étant allé, l’un des membres du groupe blague sur le fait que celle-ci n’existe pas. Le trait d’humour se prolonge jusqu’en 1993, raconte National Geographic. Lors d’un voyage en voiture, les amis passent près de la ville en question. Un projet de reconstruction a lieu dans sa périphérie et le panneau de sortie est couvert à cause des travaux: voilà comment on construit une autre preuve de son inexistence. En 1994, Achim Held, l’un des amis, décide de partager cette blague avec les utilisateurs d’un forum Usenet réservé aux théories du complot. Après avoir lu les arguments contre l’existence de Bielefeld, celles et ceux qui y croyaient encore devaient répondre à trois questions : «Connaissez-vous quelqu’un de Bielefeld?
Connaissez-vous quelqu’un qui est allé à Bielefeld? Êtes-vous déjà allé vous-même à Bielefeld ?»
Cette année, la théorie sur l’inexistence de Bielefeld a 30 ans. Ayant fait le tour du pays, elle est devenue un mème national et un élément incontournable de la culture allemande. En 2012, la chancelière Angela Merkel y a même fait référence alors qu’elle évoquait une visite à Bielefeld.
Une attraction touristique
Loin de s’en offusquer, la ville a saisi l’occasion de faire parler d’elle. En 2019, son équipe marketing a promis 1 million d’euros à quiconque prouverait qu’elle n’existe pas. Après le rejet des plus de 2000 propositions faites à la municipalité, cette dernière en a conclu que Bielefeld existait bel et bien. Dans la foulée, une pierre commémorative a été inaugurée afin de marquer la fin de l’histoire. Pourtant, le succès de la campagne de communication n’a fait qu’amplifier la portée du mythe. En 2023, le nombre de personnes ayant visité Bielefeld a augmenté de 4,7%, une tendance à la hausse depuis 2019. Plus de 600 000 personnes sont restées dormir dans ses hôtels.
À présent, la ville rêve en grand: deux congrès prévus pour 2024 doivent attirer à eux seuls près de 4000 visiteurs à la journée, d’après le service de marketing de la ville. Pour la municipalité, rien ne sert d’enterrer une légende urbaine qui n’a fait que lui rendre service. Au contraire, celle-ci est vue comme un moyen de promouvoir la richesse culturelle d’une ville chargée d’histoire auprès des curieux. À moins que ce soit simplement ce que les forces surnaturelles à l’origine de Bielefeld veulent vous faire croire.