Dans une favela brésilienne : Un prix d’architecture pour «la maison de l’année»

27/02/2023 mis à jour: 07:01
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L’artiste Kdu dos Anjos sur le balcon de sa maison désignée «maison de l’année» par le site spécialisé Arch Daily, le 24 février 2023 dans la favela Aglomerado da Serra, en périphérie de Belo Horizonte, au Brésil

A première vue, ce n’est qu’une maison comme des dizaines d’autres dans une favela brésilienne. Mais cette modeste demeure de 66m2 aux briques apparentes a remporté cette semaine un prix international d’architecture.

Désignée «maison de l’année» par le site spécialisé de référence Arch Daily, elle appartient à Kdu dos Anjos, 32 ans, artiste et fondateur d’un centre culturel dans sa favela, Aglomerado da Serra, quartier populaire à forte densité bâti à flanc de colline en périphérie de Belo Horizonte, dans le sud-est du Brésil. «Le design de la maison représente le modèle de construction habituel des favelas, avec une attention particulière à la lumière naturelle et la ventilation, ce qui lui donne une grande qualité environnementale», a décrit Arch Daily. «Je suis très fier de voir ma maison gagner ce prix, parce que la plupart des nouvelles sur les favelas parlent de violence ou de maisons détruites par des glissements de terrain. Aujourd’hui, ma maison est sur le toit du monde!», se félicite ce jeune homme aux cheveux ras et aux boucles d’oreilles noires. Il a également un grand nombre de tatouages, dont un fait tout récemment sur son avant-bras, juste après l’annonce du prix : l’image de sa petite maison devenue célèbre dans le monde entier, après l’avoir emporté face à des constructions bien plus imposantes en Inde, au Mexique, au Vietnam et en Allemagne. C’est une maison de deux étages, bien aérée et lumineuse, avec des fenêtres à battant horizontal et un grand balcon, sur une petite parcelle de terrain qu’il avait acquise en 2017. «Ce n’est pas la maison la plus chic du monde, mais c’est une bicoque de favela bien construite», insiste-t-il. Il y vit seul, «avec deux chiens, une chatte et plus de 60 plantes». «Ce que les architectes ont fait ici, c’est magique. On a très peu de surface, 66m2, mais j’ai déjà reçu près de 200 personnes dans des soirées», explique le jeune homme, qui vit dans la maison depuis décembre 2020.

Revanche sur la vie

Les plans ont été dessinés par le collectif Levante, qui réunit des architectes et designers offrant leurs services à titre bénévole ou à prix réduit pour des projets dans des favelas. «Elle ressemble beaucoup aux maisons voisines, mais elle est différente parce qu’on a pensé à des solutions pour qu’elle soit plus solide et plus respectueuse de l’environnement, notamment en termes de ventilation et de lumière naturelle», explique l’architecte Fernando Maculan, qui a conçu le projet. L’une des principales différences avec les autres maisons des favelas: l’utilisation de briques horizontales couchées et superposées avec un léger décalage, et non de parpaings posés debout, ce qui permet une plus grande solidité et une meilleure isolation. La construction a duré huit mois, et n’était pas de tout repos. «Les maçons râlaient parce qu’ils trouvaient ça trop long de poser les briques comme ça. Et on a également eu énormément de mal à faire monter tout le matériel, ça m’a coûté pas mal d’argent», raconte Kdu dos Anjos, dont la maison est située en haut d’une colline aux ruelles étroites et difficilement accessibles en camion. Coût total des travaux : 150 000 réais (environ 27 000 euros).  Un investissement largement amorti: au-delà de la notoriété internationale grâce au prix, cette nouvelle demeure lui donne une sensation de revanche sur la vie. «Quand j’étais petit, je vivais dans un habitat précaire, mal isolé. J’ai même été piqué par un scorpion, ma soeur aussi. C’est une grande victoire pour moi de gagner un prix d’architecture alors que j’ai souffert de problèmes architecturaux dans la maison où j’ai grandi», conclut-il.    

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