El Gueddafi Junior, Seif El Islam, le candidat à l’élection présidentielle libyenne reportée, ne cesse d’essayer de retrouver une place sur l’échiquier politique.
Le fils du leader libyen, déchu depuis bientôt 11 ans, essaie d’exploiter à son actif la déception populaire de cette révolution qui n’a pas tenu ses promesses. Et comme preuve de sa bonne volonté, il propose de tenir des élections parlementaires permettant de doter la Libye d’une instance fraîchement élue, traduisant l’actuelle volonté populaire.
El Gueddafi Junior conteste la représentativité des instances politiques libyennes actuelles, puisque le parlement est élu depuis juin 2014, alors que le conseil supérieur de l’Etat est élu depuis juillet 2012. Entre-temps, la Libye a changé de visage et le paysage politique devrait suivre.
En effet, du sang a coulé à flots, le dinar libyen a perdu les trois-quarts de sa valeur et la situation du Libyen lambda s’est détériorée, alors qu’une minorité s’est enrichie à ses dépens.
Le plus politique des fils d’El Gueddafi croit fermement pouvoir trouver place dans cette nouvelle situation, puisque c’était avec lui qu’il y avait les tractations en 2006/2007 pour libérer l’espace politique, gracier les Frères musulmans et intégrer certains opposants.
Les islamistes Abdelhakim Belhaj et Ali Sellabi figurent parmi les bénéficiaires de cette amnistie et ils sont leaders de la Révolution de 2011, tout comme Mahmoud Jibril, côté progressiste, qui a coopéré, lui-aussi, avec Seif El Islam dans les centres de recherches et de rénovation. Seif El Islam pense disposer d’une chance et d’un écho parmi la population.
Sa proposition consiste à renouveler les instances représentatives du peuple, Parlement et Conseil supérieur de l’Etat, pour respecter la volonté de 2,5 millions de Libyens cherchant à dire leur mot concernant l’avenir de leur pays. Par ces élections parlementaires, Gueddafi Junior coupe la voie à une nouvelle phase transitoire, et c’est le nouveau Parlement qui décidera concernant les modalités de tenue d’élections présidentielles.
Par ailleurs, il considère que ce Parlement constitue une phase fondamentale pour éviter la scission, sauver ce qui peut être sauvé de la feuille de route de Genève et passer à un pouvoir stable et représentatif de toute la Libye.
Bien que fondamentalement anti-islamiste, Seif El Islam rejoint les islamistes dans cette proposition d’avancer les élections parlementaires.
Commentaires
La proposition des islamistes de commencer par des législatives a été refusée par tous les clans dans les mois précédents les élections présidentielles prévues le 24 décembre 2021 et reportées sine-die. Maintenant, les points de vue ont évolué. Le politologue Ezzeddine Aguil pense que «les sommités tribales sont favorables à pareilles élections, pouvant leur garantir de l’autorité et de la notoriété».
Le clan de Haftar pourrait également pencher vers cette option, pouvant anéantir l’impact des frères musulmans sur le paysage politique, toujours selon le politologue. Les islamistes ont certes insisté, par le passé, sur la tenue d’élections parlementaires. Mais au fond, assure le juge Jamel Bennour, «ils ne veulent pas d’élections du tout. Ils ne veulent pas passer par les urnes». Bennour pense que «les islamistes vont maintenant soutenir la primauté d’un référendum sur le projet de Constitution, qui privilégie l’aspect parlementaire du régime». Les islamistes font juste des manœuvres pour perdurer la situation existante, selon le juge.
Le clan de Seif El Islam El Gueddafi aspire se permettre une percée à travers les élections parlementaires, pouvant leur permettre de créer une véritable représentativité populaire.El Gueddafi bénéficie encore de sympathie parmi plusieurs tribus libyennes, aussi bien à Syrte, son fief historique, Zentane, là où Seif El Islam a été gardé prisonnier pendant sept ans, les tribus de Ouerchefana ou Ouerfella.
L’impact négatif de la révolution sur le vécu des Libyens va peser lourd dans les urnes, surtout si Seif El Islam présente des notables pas très en vue pendant la domination de son père. La Libye pourrait changer suite à ces élections attendues par tous. Or, la communauté internationale veut, semble-t-il, être sure du résultat avant de passer par les urnes.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami