Les combats entre militaires et paramilitaires qui se disputent le pouvoir au Soudan se sont poursuivis hier au Darfour, au quatrième jour d’un cessez-le-feu désormais «mieux respecté», selon les médiateurs américains et saoudiens, d’après des propos recueillis par l’AFP.
Mais la journée la plus violente depuis le début du conflit a probablement été mercredi, lorsque les paramilitaires ont rapporté avoir abattu un avion de l’armée qui, en réponse, disait avoir frappé des blindés. Ce jour-là, il y a eu «des violations graves de l’accord» entre l’armée dirigée par le général Abdel Fattah Al Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, notent hier les médiateurs saoudiens et américains.
Washington a promis «des sanctions», et l’accord de cessez-le-feu prévoit un «mécanisme de surveillance», mais jusqu’ici aucune annonce n’a été faite à l’encontre d’un camp ou de l’autre. Les médiateurs disent avoir «mis en garde les parties contre de nouvelles violations» et les avoir «exhorté à mieux respecter la trêve (jeudi), ce qu’elles ont fait». Mais ils ont malgré tout constaté «des tirs isolés à Khartoum et des survols d’avions de combat».
Dans ce contexte tendu, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé avoir pu entamer une «distribution d’anesthésiants, d’antibiotiques, de médicaments, de pansements et de perfusions pour traiter des centaines de blessés par arme» à «sept hôpitaux de Khartoum». «Des équipes de maintenance ont aussi pu entamer des travaux pour rétablir les télécommunications à Khartoum et ailleurs», ont indiqué les médiateurs. Mais ces avancées sont minimes compte tenu des pénuries : depuis plus de 40 jours, des quartiers entiers de Khartoum, capitale de plus de cinq millions d’habitants, sont privés d’eau, d’électricité et de réseaux de communication.
Pas de couloir humanitaire sécurisé
Quant aux hôpitaux de Khartoum et du Darfour (ouest), les deux zones les plus touchées par la guerre, ils sont quasiment tous hors d’usage. Ceux qui n’ont pas été bombardés n’ont plus de stocks ou sont occupés par des belligérants.
La situation est particulièrement critique au Darfour, la région de l’ouest frontalière du Tchad, déjà ravagée dans les années 2000 par une guerre particulièrement meurtrière.
La guerre, qui a éclaté le 15 avril, a fait plus de 1800 morts, selon l’ONG Acled. Elle a aussi contraint plus d’un million de Soudanais à se déplacer à l’intérieur de ce pays d’Afrique de l’Est, l’un des plus pauvres au monde, et au moins 300 000 habitants se sont réfugiés dans les pays voisins, eux-mêmes en crise, selon l’ONU. Plus de la moitié de la population soudanaise, soit 25 millions sur un total 45 millions, a désormais besoin d’aide humanitaire pour survivre, selon l’ONU.
Mais au bout de quatre jours de trêve, aucun couloir humanitaire n’a pu être sécurisé, bloquant aussi les civils qui veulent partir. Alors que militaires et paramilitaires s’accusent mutuellement de violer la trêve, le CICR appelle à faire taire les armes car «c’est une question de vie ou de mort».
«Avec seulement 20% des structures médicales de Khartoum encore opérationnelles, nous faisons face à un véritable effondrement du système de santé au moment même où la population en a le plus besoin», rappelle son patron au Soudan, Alfonso Verdu Perez. «Les hôpitaux ont aussi urgemment besoin d’eau et d’électricité, ainsi que de conditions minimales de sécurité pour leurs patients et leurs équipes», ajoute-t-il.
De son côté, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) dit qu’elle pourrait être forcée de suspendre ses activités en raison de stocks pillés ou bientôt à sec. Elle a besoin de nouvelles livraisons et de nouveaux visas pour faire venir des médecins après que nombre de praticiens soudanais ont fui ou ont été attaqués. Et, ajoute l’ONG Islamic relief, «nous sommes dans une course contre la montre» car «il faut amener l’aide avant la saison des pluies en juin», généralement synonymes d’épidémies de paludisme ou d’autres maladies nées des eaux stagnantes.