Crise au Soudan : La population privée de son argent

20/05/2023 mis à jour: 00:01
AFP
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Coffres pillés, direction aux abonnés absents et serveurs indisponibles : après plus d’un mois de guerre à Khartoum, le système bancaire est quasi à l’arrêt au Soudan, plongeant de nombreux habitants dans l’incertitude.

Devant une agence de la Bank of Khartoum à Madani, à 200 kilomètres au sud de la capitale, Ibrahim Saïd attend, assis par terre avec des dizaines d’autres déplacés, sous un soleil toujours brûlant en fin d’après-midi. «Je suis là depuis 7h dans l’espoir de sortir l’argent que j’ai sur mon compte», raconte à l’AFP ce père de famille. 
Comme un demi-million de Soudanais, Ibrahim Saïed a fui les combats à Khartoum, pilonnée depuis le 15 avril par l’aviation de l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et l’artillerie des paramilitaires de son rival le général Mohamed Hamdane Daglo. Ichraq al-Rih, elle, vient depuis trois jours à la banque. 

A chaque fois, dit-elle à l’AFP, c’est le même scénario: «Vers 15h, ils ouvrent les portes et ne font rentrer qu’un tout petit nombre de gens.» En raison des combats meurtriers, les transports de fonds ont été interrompus. Les employés de banque ne peuvent donc que remettre de petites sommes à un nombre restreint de clients. «Les malchanceux doivent revenir le lendemain», poursuit Ichraq al-Rih alors qu’autour d’elle des policiers tentent de faire respecter l’ordre de la file d’attente. Ahmed Abdelaziz, lui, avait mis toutes ses économies à la Omdurman National Bank, dont les portes sont fermées aujourd’hui. 
 

«On n’y comprend rien»

«On a de l’argent à la banque mais on ne peut pas y toucher, on n’y comprend plus rien», dit à l’AFP ce fonctionnaire de 45 ans. Mohammed Abdelaziz, expert du secteur bancaire, avance des explications. «Les serveurs qui contrôlent les opérations des banques se trouvent à leurs sièges sociaux à Khartoum», explique-t-il à l’AFP. «Or, avec les combats, aucun employé ne peut s’y rendre pour les faire fonctionner», pas plus que les opérateurs qui validaient les opérations des agences dans les différents Etats du Soudan. Quant aux échanges interbancaires, ils sont interrompus jusqu’à nouvel ordre, raconte un employé de la Sudanese French Bank sous le sceau de l’anonymat. «Les systèmes de versement de banque à banque sont coupés, je ne peux faire aucun virement d’un compte de ma banque vers un compte d’une autre banque», affirme-t-il à l’AFP. Sans parler des problèmes d’électricité et d’internet. 

Après 20 ans d’embargo, le système bancaire était déjà peu développé au Soudan, qui figure sur la liste des «pays pauvres très endettés» des bailleurs internationaux. Il ne permet ni les paiements en carte bancaire ni les virements internationaux entre particuliers. Le pays compte 37 banques, dont quatre publiques qui détiennent 14% des actifs bancaires et sept banques étrangères qui comptent pour 23% des actifs bancaires du pays, selon le Fonds monétaire international (FMI). Fin 2019, l’ensemble de ces actifs représentaient à peine 11 milliards d’euros et déjà, le FMI jugeait le système bancaire «vulnérable avec plusieurs banques sous-capitalisées». Difficile de savoir aujourd’hui ce qu’il reste : chaque jour, de nouvelles images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des banques saccagées et des coffres-forts vidés par des combattants. 

La première semaine de la guerre, l’armée avait accusé les paramilitaires d’avoir «volé des sommes astronomiques» dans une agence de la Banque centrale à Khartoum. Et le général Abdel Fattah Al Burhane, chef de facto du pays depuis le putsch de 2021, a récemment annoncé le gel des comptes bancaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo. Dans un souci d’apaisement, la Fédération des banques du Soudan publie régulièrement des communiqués pour «assurer à ses clients que leurs économies (...) sont entièrement préservées». 

Elle dit aussi «chercher à rétablir les services bancaires dès que les conditions le permettront». En attendant, Ibrahim, Ichraq, Ahmed et les autres devront acheter de la farine deux fois plus chère qu’avant la guerre, ou de l’essence 20 fois plus onéreuse avec les quelques billets qui leur restent. 

 

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