La FAO a prévenu à plusieurs reprises que la hausse des prix des denrées alimentaires menaçait la sécurité alimentaire mondiale, en particulier dans les pays pauvres. «Il est important de rester vigilant et de continuer à se concentrer sur l’atténuation de l’insécurité alimentaire mondiale étant donné que les prix alimentaires mondiaux restent à des niveaux élevés, avec de nombreuses denrées de base proches de records, et avec des prix du riz en hausse, et encore de nombreux risques associés aux approvisionnements futurs», a dit Maximo Torero, économiste en chef de la FAO, dans un communiqué de presse. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a indiqué que sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie et des engrais provoquée par le conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine, les prix alimentaires mondiaux ont augmenté de 14,3% en 2022 par rapport à 2021. Les prix des céréales étaient en hausse de 17,9% par rapport à 2021, ceux des huiles végétales de 13,9%, ceux des produits laitiers de 19,6%, ceux de la viande de 10,4% et ceux du sucre de 4,7%. L indice des prix, ajoute la FAO a tellement augmenté au cours des premiers mois de l’année qu’il a conclu l’année 2022 bien au-dessus de la moyenne de 2021. Dès le départ, l’ONU s’est attelée à négocier un accord entre l’Ukraine et la Russie pour l’exportation des céréales ukrainiennes. Il a débouché sur les corridors humanitaires depuis les ports d’Odessa, Yuzni, et Chornomorsk. Depuis le 1er août, date d’entrée en vigueur de cet accord, les trois ports ukrainiens ont exporté 12,3 Mt de céréales, selon les données diffusées par le centre de coordination installé à Istanbul. Ces exportations sont constituées, d’une part, des stocks de la campagne 2021/2022 et, d’autre part, des récoltes de 2022. D’autre part, les dernières estimations publiées par les autorités russes font état d’une récolte de blé de 100 Mt, ce qui laisse un potentiel exportable aux environs de 45 Mt à 50 Mt. Cependant, depuis le début du conflit, Moscou refuse de publier des chiffres sur ces exportations et ses importations de céréales pour éviter toute spéculation sur les marchés. Il est donc devenu difficile de disposer de chiffres sur les volumes expédiés depuis les ports russes depuis le début de la campagne en juillet. La récolte 2022 de céréales en Russie a dépassé tous les records avec plus de 150 Mt, toutes céréales confondues. La mise en place des corridors humanitaires depuis les ports ukrainiens n’a pas empêché la Russie de continuer à exporter ses produits agroalimentaires.
La signature par Moscou de cet accord était d’ailleurs conditionnée à cette contrepartie de ne pas inscrire les céréales russes dans l’embargo décrété par l’Union européenne. Les céréales sont devenues, pour les Russes, une arme qui peut s’avérer bien plus destructrice que tous les moyens conventionnels. Dès que la Russie a menacé de ne plus respecter les corridors humanitaires, fin octobre, les prix des céréales des marchés internationaux se sont envolés. Une hausse qui a désorienté les approvisionnements des pays en voie de développement avec la crainte de voir des émeutes de la faim survenir. Alors, pour éviter des famines, l’arme russe des céréales plane. Et le Kremlin n’hésite pas à accuser Kiev de ne pas respecter les accords pour fermer les corridors humanitaires.
La solution logistique d’exporter les céréales ukrainiennes par voie routière ou fluviale ne pourra pas résoudre les problèmes. Les capacités sont faibles avec environ un million de tonnes par mois. L’Algérie, gros consommateur de céréales est un des plus importants importateurs mondial de ce produit. Pour ce faire , le pays s’est lancé dans une stratégie de développement intensif de l’agriculture. La production a atteint 41 millions de quintaux durant la saison agricole 2021/2022, soit une hausse de 48% par rapport à la saison précédente.
S’agissant des légumineuses, autre denrée stratégique, la production dans la filière a atteint 1,2 million de quintaux, soit une hausse de 20 % par rapport à la précédente saison. Quant à la pomme de terre, ce sont plus de 44,2 millions de quintaux qui ont été récoltés en 2022, soit une hausse de 30% par rapport à 2021. Enfin, la filière des tomates industrielles a vu la production établie à 23 millions de quintaux et celle des huiles (huile de table et autres) augmenter à 9,5 millions de quintaux en 2022, soit une hausse de 34% par rapport à 2021. S’agissant des viandes rouges, les chiffres estimatifs de l’année 2022 font ressortir une hausse de la production à 5,7 millions de quintaux (une hausse de 6% par rapport à l’année dernière), et la production des viandes blanches a augmenté à 4,8 millions de quintaux avec une hausse de 11%. Enfin, la production du lait frais a atteint 3,4 milliards de litres en 2022 avec une hausse de 2%, selon les chiffres exposés par le ministre. Ainsi, la valeur globale de la production agricole durant l’année en cours s’élève à 4500 milliards de dinars environ, selon les statistiques provisoires, contre 3500 milliards de DA en 2021, soit une hausse de 31%. Cette production a permis de couvrir les besoins alimentaires nationaux avec 75%. L’Algérie figure en bonne positon en matière de sécurité alimentaire, selon le classement établi par le Programme onusien de sécurité alimentaire.
Mais elle ne devra pas baisser la garde face à la hausse de la consommation induite par l’essor démographique et devant les aléas nés du bouleversement climatique mondial. La saison agricole 2023 s’annonce difficile en raison de la rareté des précipitations enregistrée depuis le mois de septembre dernier. Elle risque d’être compromise et conduire à recourir à davantage d’importations de produits alimentaires, plus particulièrement les céréales, produit hautement stratégique qui subit le plus de contraintes à l’échelle mondiale en raison de l’enlisement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine et des aléas climatiques n’épargnant aucune région dans le monde . A.B.