Pour beaucoup de parents en Corée du Sud, travailler chez soi pendant la pandémie a été un rare côté positif de cette période. Mais depuis 2017, une petite entreprise du pays était pionnière du télétravail et du respect de la parentalité.
Dans ce pays où la culture d’entreprise est extrême, comme dans le Japon voisin, avec des salariés commençant très tôt et rentrant souvent très tard du travail, Erin Lim, 38 ans, voulait faire les choses différemment. Après la naissance de son premier enfant, cette femme qui se décrit comme une «consommatrice extrêmement exigeante», ne trouvait pas un porte-bébé qui lui convenait.
Alors elle s’est rendue dans le principal marché aux tissus de Séoul et a rapidement mis au point un prototype du porte-bébé de ses rêves. Sans avoir aucune expérience dans l’industrie et l’entrepreneuriat, elle a fondé sa société depuis chez elle. «Je suis quelqu’un qui ne prend rien pour acquis.
Donc, par exemple, quand j’ai lancé mon entreprise, je me suis dit : Pourquoi j’aurais besoin d’un bureau ?», raconte-t-elle à l’AFP. Sa société compte à présent 55 salariés, dont 92% de femmes, et la plupart sont de jeunes parents. Tous travaillent quasi exclusivement depuis chez eux, avec des horaires flexibles et en limitant les réunions physiques au strict minimum.
«La raison, c’est que je voulais voir mes enfants grandir», explique Mme Lim. «Les emmener à l’école tous les matins est vraiment un moment essentiel», estime-t-elle. «Je ne voulais pas avoir une culture d’entreprise qui ne comprend pas cela». Ainsi sa société, Konny, sacralise le droit pour tous ses salariés de déposer leurs enfants à l’école.
La Corée du Sud a l’un des taux d’activité des femmes parmi les plus faibles des pays développés : en 2022, seulement 62% des femmes âgées de 15 à 64 ans étaient sur le marché national du travail, contre 79% des hommes, selon des données recueillies par le Bureau international du travail.
Et beaucoup de femmes dans le pays sont contraintes de renoncer à leurs emplois durement gagnés et bien rémunérés après avoir donné naissance, en raison d’une offre insuffisante de crèches et de garde de jeunes enfants.
Contrairement à ce qu’il s’est passé dans beaucoup d’autres pays, la plupart des grandes entreprises sud-coréennes ont rapidement exigé que leurs employés reviennent travailler au bureau après la pandémie, avec des options de télétravail minimales.
«Une entreprise sud-coréenne classique exige d’un employé de venir tôt à son travail et de terminer tard le soir, parfois même en lui imposant de participer à un dîner entre collègues.
Ce n’est plus possible de continuer comme cela», dénonce Mme Lim. La Corée du Sud a l’un des taux de natalité les plus faibles au monde, et en dépit d’incitations financières du gouvernement, beaucoup de femmes décident de ne pas avoir d’enfant, notamment pour ne pas compromettre leur carrière professionnelle.
Les jeunes ont peur d’avoir des enfants parce qu’ils craignent aussi de sacrifier leur temps libre et leurs économies, pense aussi Mme Lim. «Nous avons besoin d’une culture dans laquelle la société valorise le fait d’élever des enfants», insiste la cheffe d’entreprise.
Pourtant, bien que de moins en moins d’enfants naissent en Corée du Sud, les dépenses dans le secteur des équipements et produits pour bébés progressent et l’activité de la société de Mme Lim est florissante.
A elle seule, Konny détient désormais un tiers environ des parts de marché dans le segment des porte-bébés en Corée du Sud, et ses produits au design sobre gagnent aussi en popularité au Japon et aux Etats-Unis.
Pour Mme Lim, la réussite commerciale de Konny provient aussi du fait que ses employés, en tant que parents, comprennent parfaitement les problèmes auxquels les clients de la société sont confrontés, parce qu’ils les ont parfois eux-mêmes vécus.
«Si le gouvernement s’inspirait des pratiques internes de cette entreprise, il y aurait une solution au faible taux de natalité en Corée du Sud», avait vanté en novembre le journal à grand tirage Chosun Ilbo.