Contribution - Rappel historique : Un récit de Mouloud Feraoun sur le massacre des Ouadhias du 11 novembre 1956

19/03/2025 mis à jour: 12:57
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Par Jean-Philippe Ould-Aoudia

Jean-Philippe Ould-Aoudia, président de l’association les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, relevant, d’une part, que l’information selon laquelle, pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie (1954-1962), l’armée française se serait rendue coupable d’un «Oradour» a soulevé l’indignation des milieux pro-Algérie française et, d’une part, et d’autre part, que le report par France Télévisions d’un documentaire sur le recours à grande échelle d’armes chimiques par l’armée française interroge sur la volonté officielle de protéger la conduite de l’armée en Algérie, rappelle un fait de crimes contre l’humanité, crime de guerre rapportés en son temps par une personnalité incontestée et incontestable, le grand écrivain Mouloud Ferraoun, dont on a commémoré le 15 mars le 63e anniversaire de son assassinat et celui de ses compagnons, trois Français et trois Algériens, par l’OAS. Il s’agit ici du massacre des Ouadhias.

Le 11 novembre 1956, après l’assassinat par des membres de l’Armée de libération nationale (ALN) du lieutenant Gérard Jacquotte, chef de la section administrative spécialisée (SAS) des Ouadhias, un groupement de villages de la Grande Kabylie, la population civile fut l’objet de représailles décrites par Mouloud Feraoun dans Journal, publié en 1962 et réédité en 2011 à la demande de l’association : «(…) Le douar, écrit-il, a été considéré comme collectivement responsable (…) Le premier village fut complètement vidé de ses habitants.

Dans les autres villages, on a cueilli tous les hommes (…) enfermés tous ensemble pendant quinze jours. On en a tué quatre-vingts, fusillés par petits paquets chaque soir. On faisait préparer les tombes à l’avance. Par ailleurs, après ces quinze jours, on a constaté que plus de cent autres avaient disparu.

On suppose qu’ils ont été enfermés dans des gourbis pleins de paille et brûlés. Aucun gourbi, aucune meule ne subsiste dans les champs. Les femmes sont restées dans les villages, chez elles. Ordre leur fut donné de laisser les portes ouvertes et de séjourner isolément dans les différentes pièces de la maison. Le douar fut donc transformé en un populeux BMC (bordel militaire de campagne) où furent lâchés les compagnies de chasseurs alpins ou autres légionnaires. Cent cinquante jeunes filles ont pu trouver refuge au couvent des sœurs et des pères blancs (…). On ne découvre aucune trace de quelques autres.»

Ces atrocités furent perpétrées sous la responsabilité de l’administrateur civil des Ouadhias, Jacques Achard, un ancien membre des services spéciaux, futur chef du secteur de Bab El Oued, à Alger, pour l’OAS en 1961-1962. C’est lui qui a maintenu le nom de Mouloud Feraoun sur la liste des enseignants à abattre le 15 mars 1962 à Château-Royal.
 

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