Contribution / Professionnalisme, est-ce le bon démarrage ?

03/06/2024 mis à jour: 14:32
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Alors que le professionnalisme achève sa quatorzième année d’existence, le championnat professionnel version 2024 laisse entrevoir, un tant soit peu, une dynamique de relance du football national, avec ses règles propres, une gestion et un management professionnels dans pas mal de clubs, dans la perspective d’ériger les clubs professionnels en véritable entité économique et, chose importante, sa finalité, tant attendue, qui est de produire du spectacle et de la performance au plus haut niveau de la compétition, ce à quoi nous assistons en ces moments de fête, de joie et de fierté chez les dizaines de milliers de supporters dans toute l’étendue du territoire  national, avec le sentiment qu’ils appartiennent à une communauté nationale plus forte et, par conséquent, d’affirmation de l’identité nationale.


Le football, sport éminemment populaire, est un facteur indéniable de cohésion sociale.

Dans cet esprit, il faut noter que la mise en œuvre de cette approche dans la voie du professionnalisme est due à la réunion de certains facteurs, tels que la volonté des clubs, l’apport indéniable et l’intervention énergique et appropriée des pouvoirs publics de par les infrastructures dédiées au lancement du professionnalisme et le financement nécessaire répondant aux besoins et exigences de ce mode de gestion du football.

Il devient, par conséquent, impératif d’aborder certains éléments d’analyse spécifique du football professionnel, en se donnant pour premier objectif d’identifier les obstacles à la compétitivité  sportive de nos clubs professionnels, nés d’un diagnostic plus ou moins précis, en cherchant à définir les moyens de rendre nos clubs plus performants, notamment, aux plans régional et continental. Aussi, en dépit de ses particularités, le football peut constituer sur quelques points précis une préfiguration du sport professionnel de demain dans notre pays et servir de repères aux autres disciplines éligibles à la professionnalisation, les sports collectifs notamment, en fonction de leurs spécificités et leurs particularités.

Les clubs sont des PME, très souvent sous administrés, au plan de la perception et la gestion du risque par rapport à l’équation recettes/dépenses et objectif sportif, avec pour certains clubs (participation aux compétitions africaines et ou arabe) et qui, souvent, achètent et rétribuent très chèrement des joueurs qui s’avèrent être au rendement insuffisant, et pour d’autres clubs, l’objectif du maintien en Ligues 1 ou 2.
 

Le constat qui ressort des championnats professionnels des Ligues 1 et 2 permet d’établir une typologie des clubs selon l’importance de leur budget, et en fonction de leurs projets stratégiques, de leur financement, de leurs résultats sportifs et de leurs gouvernance. Les grands clubs à dimension africaine avec un risque réduit par leur capacité financière des groupes économiques qui les gèrent, les clubs de dimensions nationales qui aspirent à construire une histoire cohérente et affirmer une marque au niveau national sur la durée et les autres clubs qui doivent pérenniser par des résultats leur présence en Ligue 2 en s’appuyant notamment sur le soutien des collectivités locales. 

Tout en contribuant à l’amélioration de la structure de leur bilan (ratio/dettes-fonds propres), les augmentations de capital devraient permettre aux clubs professionnels de financer l’achat de grands joueurs dont la valeur sportive serait supérieure ou égale à leur valeur économique, ainsi que des  investissements et densification de leurs activités de leurs produits dérivés. Les dirigeants des clubs professionnels de football, par rapport à la situation qui prévaut, devraient inscrire cet objectif au cœur de leur projet d’entreprise dès lors que  l’état des lieux au niveau de bon nombre de clubs professionnels montre que tous les indicateurs de gestion sont au rouge. 

Dans ce sens, l’instance du football devrait imposer, à juste titre, son exigence de  rigueur financière, notamment en vue d’éviter les contentieux  relatifs aux  dettes  CNRL  liées à l’interdiction de recrutement contre des engagements signés par les clubs d’honorer leurs dettes vis-à-vis de leurs créanciers.

 Partant de ce constat principal, il serait bien utile et opportun de s’attacher, d’une part, à instaurer le fair-play financier, comme cela est imposé en Europe depuis 2011 qui vise l’équilibre financier et l’absence des arriérés de paiement et qui impose aux clubs que les dépenses ne doivent pas dépasser les recettes, sous peine de sanctions et, d’autre part, à identifier les principaux enjeux économiques auxquels les clubs professionnels de football sont confrontés, en particulier, au plan de la gouvernance , les niveaux de fonds propres, la nécessaire diversification de leurs recettes, la maîtrise des dépenses salariales et la recherche de nouveaux investisseurs, et ce, dans le but de les amener à viser la performance économique et l’équilibre financier au même titre que le résultat sportif. Il faut noter, également, les disparités entre les clubs où l’on constate, depuis quelques années, une segmentation en deux sous-ensembles, les clubs ayant vocation à jouer chaque saison les premières places et disputer, notamment, les compétitions africaines et ou arabe, et les clubs dont le format est plutôt conçu pour le championnat national. 

Cette segmentation se ressent d’un point de vue strictement budgétaire même si la corrélation des résultats sportifs aux moyens financiers n’est pas toujours évidente. Le statut «professionnel» des clubs exige une gestion rigoureuse et innovante, afin de trouver l’équilibre nécessaire entre les recettes et les dépenses et de  maximiser sans cesse leurs  revenus. C’est un défi permanent afin de maintenir leur compétitivité aussi bien économique que sportive.
 

Par Abdelmadjid DJEBBAB

Ex-D.G des Sports MJS
 

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