Contribution / La police du genre sportive

10/08/2024 mis à jour: 03:04
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«Les sportives doivent être des dieux du stade tout en gardant une taille de guêpe et en restant des fées du logis». Anaïs Bohuon *

Trump, Meloni et Musk, trois figures emblématiques de la scène internationale, sortent de leur silence : pas pour dénoncer ‘‘un risque de génocide à Ghaza et ordonner au gouvernement d’Israël d’empêcher tout acte ou discours génocidaire”, comme le stipule l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) du 26 janvier dernier ; pas pour signaler l’urgence de la famine aiguë qui a affecté plus de 281 millions de personnes dans le monde, l’année dernière, selon les agences de l’ONU, mais pour s’ériger en… gynéco/endocrinologues dans le monde du sport féminin !  Leur cible ? Une jeune femme de 25 ans, sportive algérienne de haut niveau, Imane Khelif, pour ne pas la nommer !


De quoi s’agit-il ?

Depuis longtemps, le sport se décline pourtant au féminin. Les femmes sont aujourd’hui présentes dans presque toutes les disciplines sportives et ont marqué de leur empreinte l’histoire du sport, arrachant des médailles olympiques et des titres mondiaux. Mais malheureusement, elles n’ont pas acquis définitivement toute la légitimité sociale dans l’espace des pratiques sportives ! Elles sont souvent victimes de discriminations car force et puissance physiques colonisent nos représentations culturelles ‘‘garçons manqués’’. 

L’ordre sportif s’impose alors comme une sorte de police du genre qui influence le public des stades et, plus largement, les téléspectateurs du monde entier. Notre Imane Khelif subit de plein fouet cet acharnement médiatique, elle qui ne souhaitait sans doute pas autant d’attention. Car la boxeuse algérienne de 25 ans n’est en fin de compte que la victime collatérale d’une guerre entre le CIO, organisateur des JO, et la Fédération internationale de boxe amateur, la FIBA, et les conflits de la boxe amateur débordent ainsi sur les rings olympiques. 


En 2022 et 2023, Imane Khelif passe avec succès les tests d’éligibilité et participe à toutes les compétitions de la FIBA. Malheureusement, durant les mondiaux de 2023, la boxeuse algérienne Imane bat Azalia Amineva, une boxeuse russe jusqu’alors invaincue. Quelques jours plus tard, alors que la compétition bat toujours son plein, la boxeuse algérienne ainsi que la Taïwanaise Lin Yu-ting (adversaire malheureuse de Imane en demi-finale des JO de Paris) sont disqualifiées de la compétition. La raison ? Le président de la FIBA, un certain Umar Kremlev, de nationalité russe, qui n’a sans doute pas ‘‘avalé’’ la défaite de sa compatriote, a affirmé qu’«elles possédaient des chromosomes XY», au mépris de tout secret médical, et surtout sans jamais publier le résultat des tests ! 


Pis encore, ce même Umar Kremlev organise, après les victoires retentissantes d’Imane sur ses adversaires et à un pas de l’or olympique, une conférence de presse à Paris pour dénigrer et jouer sur le moral de notre championne. Bien sûr, par manque de courage et de peur d’affronter les nombreux journalistes venus en masse, il est lui-même en visio-conférence à quelques milliers de kilomètres et délègue sur place ses co-légionnaires, un certain Nabil Hilmi, membre de la commission marketing de IBA (Fédération internationale de boxe) membre du bureau exécutif de la Fédération royale marocaine de boxe et une certaine Wissam Zoubida, membre du comité directeur de la Confédération africaine de boxe représentant le Maroc, pour ne citer que ces deux ‘‘animateurs’’ de la pseudo-conférence de presse qui sont venus vociférer, toute honte bue, la «masculinité» d’Imane Khelif. 

Pourtant, le président du Comité olympique, M. Thomas Bach, lors d’un point presse tenu le samedi 3 juillet courant, a évoqué les cas de l’Algérienne Imane Khelif et de la Taïwanaise Lin Yu-ting avec fermeté. «Nous avons deux boxeuses qui sont nées femmes, qui ont été élevées comme des femmes, qui ont des passeports de femmes et qui ont concouru en tant que femmes pendant des années. C’est une définition claire d’une femme», a-t-il lancé, avant de conclure : «Il n’y a jamais eu le moindre doute à ce sujet. Ce que nous constatons maintenant, c’est que certains veulent s’approprier ce qu’est une définition d’une femme. J’invite ces personnes à nous fournir une définition basée sur la science sur ce qu’est être une femme...

 Mais nous ne contribuerons pas à des débats politiques, et les discours inacceptables de haine sur les réseaux sociaux». La messe est dite sachant que les tests de féminité, qui comportaient notamment la recherche de certains gènes, ont été supprimés en 2000 lors des Jeux olympiques de Sydney !


Aujourd’hui, nul n’aurait songé à critiquer Imane si elle n’avait pas battu ses adversaires. En réalisant une telle performance, et à un combat de la médaille d’or, chacun y est allé de son commentaire à la limite de la haine.  Derrière ces agressivités malveillantes, ces fantasmes racistes et insultants, on retrouve des considérations dignes de l’anthropologie raciste du siècle passé, notamment sur les femmes noires.


Malgré toutes ces attaques, notre Imane nationale a persévéré, lutté et a été portée par l’amour de son peuple et de tous les sportifs de la planète. Vendredi 9 août, Imane combattra pour l’or. Une deuxième médaille d’or pour l’Algérie, après le triomphe de Kaylia Nemour, aura une saveur encore plus agréable.  La persévérance, la résilience et l’amour pour la patrie afficheront, j’en suis convaincu, l’épanouissement face aux grands défis.
 

Par  HANIFI SI LARBI

Universitaire, ancien directeur de la coopération et de la réglementation au MJS

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