L’armée soudanaise a affirmé, hier, avoir repris le contrôle d’une capitale régionale clé située au sud de Khartoum, cinq mois après sa prise par les paramilitaires rivaux. Sinja, capitale de l’Etat de Sennar, représente un enjeu stratégique dans ce conflit qui oppose depuis 19 mois l’armée aux Forces de soutien rapide (FSR).
La ville se situe sur une route stratégique reliant les zones contrôlées par l’armée dans l’est et le centre du Soudan. Elle a été «libérée (...) de la milice terroriste», a assuré l’armée, qui a également diffusé sur les réseaux sociaux des images filmées, selon elle, à l’intérieur de la principale base de la ville. «Sinja est revenue dans les bras de la nation», s’est félicité dans un communiqué le ministre de l’Information du gouvernement soutenu par l’armée, Khaled al Aiser. Son bureau a précisé que le chef de l’armée et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al Burhan, s’était rendu hier dans la ville de Sennar, à 60 kilomètres plus au nord, pour «célébrer la libération de Sinja».
Les FSR, dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo, avaient pris les deux villes lors d’une offensive éclair en juin, provoquant la fuite de près de 726 000 civils, selon l’ONU. Des ONG ont rapporté que les habitants restés sur place avaient subi des exactions de la part des paramilitaires. Abdoullah al Hassan, un enseignant de Sinja âgé de 53 ans, a fait part à l’AFP de sa «joie indescriptible» après «des mois de terreur».
Depuis le début de la guerre en avril 2023, les deux camps sont accusés de crimes de guerre.
Les FSR sont également pointées du doigt pour des exécutions sommaires, violences sexuelles et pillages. Ces paramilitaires contrôlent la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour, ainsi que de larges pans du Kordofan, au sud. Ils détiennent également une grande partie de la capitale Khartoum et l’Etat agricole clé d’Al Jazira, au sud. Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et contraint plus de 11 millions de personnes à fuir, selon l’ONU.
Augmentation des opérations du PAM
Par ailleurs, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé une augmentation de ses opérations à travers le Soudan, dans le cadre de ses efforts intensifiés pour atteindre des millions de personnes dans les zones de conflit les plus vulnérables et les plus isolées du pays. C’est ce qu’a déclaré l’agence humanitaire onusienne vendredi dans un communiqué, selon lequel «plus de 700 camions transportant de l’aide alimentaire pour le PAM sont en route vers les communautés à travers le Soudan». Cela comprend 14 endroits que l’agence classe comme «points chauds» en raison de la gravité de l’insécurité alimentaire et du risque de famine dans ces zones.
Au total, les camions transporteront environ 17 500 tonnes d’aide alimentaire, soit suffisamment pour nourrir 1,5 million de personnes pendant un mois. Le premier convoi d’aide alimentaire est arrivé au camp de Zamzam, au Darfour-Nord, où la famine a déjà été confirmée, tandis que d’autres convois sont toujours en route vers d’autres zones difficiles d’accès. «Le PAM a cherché à atteindre toutes les zones de conflit isolées à travers le Soudan. L’équipe au Soudan travaille 24 heures sur 24 pour garantir que les familles disposent de la nourriture vitale dont elles ont besoin pour survivre», précise le communiqué. Le convoi du PAM arrivé à Zamzam, au Darfour-Nord, était le premier convoi à atteindre le camp depuis que la famine a été confirmée en août. Les combats autour d’El Fasher, la capitale du Nord-Darfour, et les routes impraticables causées par la saison des pluies, qui s’étend de juin à septembre, perturbent depuis plusieurs mois l’arrivée des livraisons d’aide alimentaire, a-t-on fait savoir.
Depuis le début de l’année, l’agence onusienne a aidé 7 millions de personnes au Soudan et vise à atteindre plus de 8 millions de personnes parmi les plus affamées d’ici fin 2024. Par ailleurs, la directrice exécutive du Pam, Cindy McCain, s’est récemment rendue à Port-Soudan, où elle a souligné la nécessité d’«un accès durable et sûr» pour empêcher la propagation de la famine et faire face à une urgence qui pourrait devenir l’«une des pires crises alimentaires de l’histoire moderne».