La salle du Sila a reçu, lundi après-midi, les écrivains Amin Zaoui et Lounis Ben Ali, pour une rencontre, autour de la thématique «Le roman, plaisir d’écriture ou désir éditorial ?».
Modérée par l’universitaire Abdelkrim Ouzeghla, cette rencontre a permis d’aller à la découverte de deux écrivains au profil différent mais avec cette même passion pour l’écriture créative.
Étrennant la rencontre, le célèbre écrivain et romancier algérien Amin Zaoui indique tout de go que le roman sans une histoire n’en n’est pas un et inversement l’histoire n’est pas un roman. Il confie que ce sont les contes du terroir et les histoires fantastiques que lui racontait sa mère qui l’ont poussé à écrire. «Ma mère, cette Berbère à la beauté ineffable, m’abreuvait de beaux contes et de belles histoires. Elle chantait aussi divinement bien. C’est à travers sa narration que je me suis lancée dans l’écriture», dit-il. Il confie qu’en lisant le livre de La chèvre de Monsieur Seguin d’Alphonse Daudet - un prix qu’il avait décroché quand il était jeune - il s’était rendu compte que les histoires de sa mère étaient plus belles que La Chèvre de Monsieur Seguin. Mon enseignant de français m’avait aidé à décortiquer La Chèvre de Monsieur Seguin d’Alphonse Daudet. Il a essayé d’être mieux qu’Alphonse Daudet.
Le déclic de l’écriture se fait avec l’œuvre universelle des Les Mille et une nuits. Amin Zaoui considère qu’il est un écrivain amateur car l’écrivain professionnel devient avec le temps artificiel. Quand un écrivain a un projet d’écriture, il a peur de commencer et de terminer son texte. Toujours, selon l’orateur, si un auteur n’a pas de crainte, il écrit une littérature fabriquée. Amin Zaoui maîtrise aussi élégamment la langue arabe que la langue française.
S’il a édité 14 livres en langue arabe et 16 livres en langues française, en un temps relativement court, il estime que c’est toujours les mêmes sensations d’écriture. Il ajoute que quand on écrit un roman, c’est pour se renouveler.
Double oubli
Le roman a besoin d’un double oubli. En effet, il faut oublier ce qu’on a écrit auparavant. Il poursuit en disant qu’il est un écrivain qui est contre l’hypocrisie sociale, morale, intellectuelle, idéologique et religieuse. Notre romancier n’a aucune aliénation envers la langue arabe et la langue française. Il passe en toute aisance d’une langue à une autre.
Pour notre intervenant, le projet d’écriture est une grande responsabilité qui engendre une fatigue physique et morale à la fois. L’intervenant rappelle qu’il se considère comme un écrivain de projet, menant un combat sur les symbolitiques et les problématiques. «Je travaille sur le carré des interdits et des tabous. Je suis l’écrivain contre l’hypocrisie sociale, morale, intellectuelle, idéologique et religieuse. Je me renouvelle à chaque fois dans mon écriture».
L’auteur de Faim blanche a abordé, ensuite, la question de la relation entre l’écrivain et l’éditeur professionnel. Selon lui, il y a une différence de taille entre les éditeurs français - ou encore libanais - et les éditeurs du monde arabe. Une maison professionnelle offre plusieurs services après l’acceptation du manuscrit.
Ce dernier passe par une commission de lecture, un rédacteur littéraire et un correcteur, couronné par un tirage et un circuit de distribution des plus efficaces contrairement aux éditeurs du monde arabe qui ne se mêlent pas beaucoup du manuscrit. Les chiffres de vente sont inconnus et la question des droits d’auteurs n’est pas abordée. «Les éditeurs du monde arabe laissent planer le suspens», tonne-t-il.
De son côté, l’universitaire et critique de littérature Lounis Benali a évoqué sur son premier et unique roman Isolement des choses en détresse, édité en 2008. Le roman en question a été rédigé à une période cruciale de sa vie : la perte de son défunt père. Il était confronté à deux choix : soit tomber dans la déprime, soit écrire pour guérir. Il a choisi la deuxième option sans savoir qu’il écrivait un texte romanesque. Son écriture était agressive et son personnage principal faisait l’objet d’un crime. Lounis Benali se considère comme un critique littéraire et un lecteur.
Il lui arrive souvent de rentrer dans une librairie pour critiquer ses propres productions. Il ajoute que l’éditeur en Algérie traite l’auteur comme un client. Après la publication, la relation se coupe. Il récuse les ristournes que font certains éditeurs sur ses ouvrages. «Un éditeur ne peut pas se permettre de solder ma tristesse. Ce n’est pas à l’éditeur de solder mes livres. C’est à moi de décider ou non d’une telle initiative», conclut-il.