Le concours Rabah-Aïssat du village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou organisé chaque année par l’APW a créé une dynamique citoyenne et solidaire inédite dans la région, en s’appuyant sur les fondements et les valeurs de l’organisation sociale traditionnelle comme les comités de village.
Ces structures permettent de continuer les actions de solidarité collective et les orienter surtout vers les questions environnementales qui constituent aujourd’hui un enjeu local, national et même international.
Les inscriptions pour prendre part à la 12e édition (2025) de cette compétition sont ouvertes jusqu’au 3 avril. «Les comités de village, les citoyens et les associations qui souhaitent faire participer leurs villages peuvent déposer une demande d’inscription au niveau de l’APW, bureau de la commission santé, hygiène et protection de l’environnement», souligne un communiqué rendu public par l’APW de Tizi Ouzou.
Cette initiative a réussi à créer un certain effet d’entraînement dans la wilaya de Tizi Ouzou qui a abouti à la mise en place d’un cadre d’animation et d’encouragement des citoyens pour améliorer leur cadre de vie, à travers la réalisation de projets collectifs en ressuscitant une culture ancestrale solidaire basée sur la touiza (volontariat), une vieille tradition toujours pratiquée en Kabylie.
Pour canaliser toute cette dynamique et donner aux villageois une opportunité leur permettant de capitaliser leurs efforts, l’APW a également mis un système d’incitation à travers l’attribution d’une subvention allant jusqu’à 700 millions de centimes pour les lauréats.
Les inscriptions à cette compétition se poursuivent avec le même engouement que les années précédentes, nous a indiqué le président du comité d’évaluation du concours, Hachemi Radjef, qui est également responsable de la commission hygiène et santé à l’APW. «Nous avons actualisé le règlement intérieur et la fiche de notation», nous a-t-il précisé, tout en soulignant l’importance de veiller à la pérennité de cette compétition pour la protection de l’environnement et maintenir les traditions d’antan vouées à la disparition.
L’ambassadeur de la propreté dans la wilaya de Tizi Ouzou est choisi parmi les dizaines de candidats en lice pour y être couronnés. «C’est une compétition qui a intéressé des centaines de villages depuis sa création en 2006. Il y a aussi un travail au sein de l’APW consistant à introduire dans le règlement intérieur du concours des dispositions encourageant les citoyens à préserver les biens communs du village, à valoriser le développement solidaire et l’implication effective de la population.
D’ailleurs, cette dynamique, en plus de l’objectif de la propreté et du tri des déchets, a incité les villageois à mobiliser des financements supplémentaires avec la contribution des émigrés afin de réaliser des infrastructures répondant à leurs besoins et améliorant leur cadre de vie», a fait savoir le même responsable qui cite certaines de ces actions comme l’aménagement des fontaines, des routes, des stades, des stèles des martyrs de la Révolution et même certains projets générateurs de revenus, comme les salles des fêtes.
Le comité d’évaluation entamera ses visites dans les villages en juin
Après la période de dépôt de candidatures, la commission d’évaluation entreprendra ses sorties sur le terrain à la mi-juin pour visiter les villages participant à la 12e édition du concours. «On peut dire que le concours a évolué depuis sa première édition en donnant une orientation du développement des villages. C’est une approche réfléchie au niveau de l’APW», a-t-il déclaré tout en mettant l’accent sur l’aspect académique donné au concours à travers des travaux de recherche réalisés, notamment par des étudiants de l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou.
Par ailleurs, M. Radjef relève que «même en moment de crise économique, le génie populaire, par son civisme et son implication, peut exceller avec sa manière de gérer et de se prendre en charge tel qu’était le cas de l’organisation de tajemaât qui a démontré depuis des lustres la possibilité du vivre-ensemble dans un environnement sain, avec l’implication directe du citoyen dans la gestion des affaires de la cité.
L’exemple le plus concret est la démonstration populaire de pouvoir s’auto-organiser aux côtés de la direction de la santé comme c’était le cas lors de la dernière crise sanitaire de la Covid-19 qui a touché le monde entier, en organisant des journées de sensibilisation, dépistage et parfois même de vaccination».
Cette dynamique citoyenne, a-t-il soutenu, a abouti à l’éradication des décharges sauvages, à la réalisation d’une quarantaine de centres de tri et la création d’une cinquantaine de micro-entreprises dans le recyclage. Le concours a permis également la création d’opportunités d’investissement dans l’économie verte qui a notamment pour objectifs l’encouragement et de la promotion des industries de transformation.
Notre interlocuteur nous a également confié qu’il y a, au bout de 11 éditions, la participation des représentants de l’ensemble des 67 communes au concours. «L’évaluation se fait par la commission santé, hygiène et protection de l’environnement de l’assemblée populaire de wilaya qui s’est vu dans la nécessité de faire appel à la collaboration des directions de la santé, de l’environnement, de la culture et des arts ainsi que la Conservation des forêts et de l’université», souligne-t-il, estimant que l’impact suscité par cette compétition est éclatant.

La valorisation des déchets, un critère prépondérant dans la notation
«Le concours du village le plus propre Rabah-Aïssat a permis aux différents comités de village la réappropriation de toutes les richesses historiques, touristiques et sociales grâce à la solidarité, la gestion participative et inclusive dans l’union des valeurs ancestrales de tajmaât. Il y a aussi l’introduction du tri sélectif et la valorisation des déchets comme critère de notation (¼ de la note du barème) qui a permis aux villageois de s’organiser et de réfléchir à en tirer profit, en se lançant dans l’économie solidaire et circulaire.
Cela, sans parler de la réhabilitation des maisons kabyles traditionnelles et leur promotion en musée historique et culturel comme, à titre d’exemple, la maison de Cherif Kheddam à Imsouhal, la maison de Fatma n’Soumer à Abi Youcef, la maison d’Abane Ramdane à Larbaâ Nath Irathen et celle de Krim Belkacem à Aït Yahia Moussa», a-t-il rappelé. Pour lui, les comités de village doivent s’orienter vers le tourisme de montagne, la promotion des produits de terroir, la création d’un circuit officiel en partenariat avec la direction de l’artisanat et de la culture sous forme de semaine commerciale. Iguersafene, Tiferdoud, Zoubga, Azemmour Oumeriem, Boumessaoud, Azra, Ighil n’Tekhdivine et Ihesnaouene (Mechtras) sont autant de bourgades qui se sont imposées, par leur propreté, dans cette compétition dans la wilaya de Tizi Ouzou.
Pour revenir à l’intérêt scientifique provoqué par cette compétition environnementale, il est à souligner que plus de 30 mémoires de fin de cycle de licence et de master ainsi que quatre thèses de doctorat ont été réalisés par des étudiants pour couronner leurs cursus d’études supérieures. Pas moins de 18 de ces travaux de recherche ont été soutenus par des étudiants du département d’architecture de l’Université Mouloud- Mammeri de Tizi Ouzou qui ont travaillé sur des thèmes ayant trait au concours Rabah-Aïssat du village le plus propre qu’organise l’APW de Tizi Ouzou.
L’utilisation des énergies renouvelables encouragée
Le concours a fait également l’objet de plusieurs autres travaux de recherche en master en thèses de doctorat à l’institut d’économie de Tizi Ouzou et à l’Université Alger 3 ainsi qu’à Constantine. Cela explique amplement l’intérêt des étudiants et chercheurs à aborder cette compétition environnementale sous plusieurs facettes. D’ailleurs, outre le regard des étudiants en architecture, d’autres ont orienté leurs thématiques sous un angle économique, politique et sociologique.
Le Dr Hessas de Constantine a réalisé un travail portant sur une carte touristique à travers tous les villages lauréats. Enfin, l’attachement de la population à la culture écologique se manifeste continuellement, ces dernières années, dans la wilaya de Tizi Ouzou où les citoyens initient régulièrement des opérations de nettoyage et de désherbage des rues, fontaines, placettes et cimetières, pour préserver l’environnement et, par la même occasion, se prémunir contre d’éventuels feux de forêt.
L’idée du concours Rabah-Aïssat est devenue une action de terrain et a fait son effet dans la société compte tenu de son engouement à travers les quatre coins de Tizi Ouzou qui tend à se hisser en wilaya la plus propre. La mobilisation collective est l’un des leviers indispensables pour le développement durable. Le concours Rabah-Aïssat s’est imposé comme un catalyseur essentiel en faveur de la protection de l’environnement.
Par ailleurs, la même activité est également organisée dans d’autres wilayas, comme à Béjaïa où l’APW a emboîté le pas à celle de Tizi Ouzou pour lancer cette compétition qui a eu un engouement exemplaire chez les villageois. En guise de perspectives, M. Radjef ajoute que la commission chargée du concours Rabah-Aïssat œuvre à introduire dans les écoles des cours sur la protection de l’environnement.
Le concours vise aussi, selon ses organisateurs, à orienter les comités de village vers l’utilisation des énergies renouvelables comme il encourage également des initiatives d’écotourisme.