Leur nombre est de 244 à travers la wilaya de Boumerdès. Au fil des ans, ils ont pris l’allure de grands quartiers d’habitation qui ne cessent de s’étendre au détriment des terres agricoles.
Connus dans le jargon populaire sous le nom de haouchs, ces cités anarchiques situées au cœur des anciennes fermes coloniales sont devenues un véritable casse-tête pour les autorités et pour les agriculteurs. Un problème inextricable qui aura empêché des centaines de paysans d’obtenir les actes de concession des terres agricoles relevant du domaine privé de l’Etat. Décidée en 2010, l’attribution des actes en question a beaucoup été retardée par ces sites abritant plus de 500 constructions illicites.
La directrice de l’antenne locale de l’office national des terres agricoles fait état de 4044 actes de concession qui ont été attribués depuis le début de l’opération. Mme Adjaz Fella affirme que 502 actes sont en cours d’établissement par les services des Domaines, tandis que 949 dossiers sont en instance. Ces derniers concernent les exploitations agricoles collectives (EAC) ou individuelles (EAI) où se trouvent des haouchs. Ce problème ne justifie pas tout, d’autant que des dizaines d’exploitants, ayant fourni des dossiers complets, attendent encore le fameux document, indispensable pour la moindre opération d’investissement dans les EAC.
Saïd Takali est membre d’une exploitation de 16 ha à Boudouaou El Bahri, une localité à vocation agricole par excellence. Il dispose de 4 poulaillers et une centaine de serres où il cultive la tomate, le piment, la pomme de terre, la courgette, les haricots, etc. «Je travaille ici depuis 1991. J’étais parmi les premiers à avoir déposé le dossier pour obtenir l’acte de concession. J’attends encore à ce jour. Il y a plein d’employés dans nos administrations. Je me demande ce qu’ils font du matin au soir», s’offusque-t-il. Sans l’acte de concession, cet agriculteur ne peut ni contracter un crédit, ni construire, ni creuser un forage. «Là où je vais on me demande l’acte. Si je dispose de ce document je pourrais facilement développer mes activités et la qualifié de la production», poursuit-il.
D’autres agriculteurs soulèvent le problème des litiges entre les membres des EAC et dénoncent l’avancée effrénée du béton au détriment de leurs champs. «On parle du déclassement de plus de 20 ha de terres à haut rendement pour la réalisation d’une école des avocats et de logements AADL. On dirait qu’il n’y a aucun autre endroit où les implanter», s’indigne un paysan. A Boudouaou El Bahri et bien d’autres localités, les haouchs sont légion.
On en trouve surtout à Khemis El Khechna (30), Bordj Menaiel (30), Zemmouri (23), Issers (16), Si Mustapha(14), Larbatache (11), etc. Vu le chevauchement des parcelles des uns et des autres, ces haouchs ont retardé l’élaboration de 949 actes de concession. Une commission de wilaya s’est penchée sur cette problématique. Ses efforts ont permis la réalisation de plans d’arpentage pour 229 parmi les 244 haouchs, précise la directrice de l’ONAT. Toutefois, la direction des domaines n’a pas joué le jeu. Ses services n’ont, à présent, validé que deux dossiers au prétexte que les plans des haouchs ont subi des transformations. Ce qui n’est un secret pour personne.
La direction des Domaines pointée du doigt
La direction des domaines est tenue pour responsables de nombreux blocages dans la wilaya de Boumerdès. Les retards enregistrés pour la délivrance des actes de concession aux agriculteurs en est un exemple parmi tant d’autres. Près de 1400 dossiers y sont en instance d’examen, dont 949 concernent les exploitations où se trouvent les haouchs. Les services des domaines auraient rejeté la quasi-totalité des plans établis par le cadastre au motif qu’ils ne sont pas conformes aux plans initiaux. Même les dossiers (178) validés par la direction des services agricoles et la commission de wilaya ont été rejetés, a-t-on appris. S’agissant des constructions illicites recensées dans les EAC et les EAI, aucune n’a été régularisée, et ce, malgré l’instruction interministérielle n° 654 du 11 septembre 2012. Celle-ci stipule dans son article 2, que les constructions utiles à l’exploitation agricole doivent être régularisées après vérification sur le terrain. Les constructions n’ayant aucun lien avec l’exploitation ou celles édifiées par des tiers exposent, quant à elles, le contrevent au risque de poursuites judiciaires et la perte de son droit de jouissance. A noter enfin que la direction des Domaines vit au rythme des changements successifs de directeurs et de directeurs par intérim, ce qui n’est pas sans impact sur le bon fonctionnement de ses services. Après plus de trois mois sans siège, cette institution a élu domicile la semaine passée au rez-de-chaussée d’un immeuble jouxtant l’agence d’Air Algérie de Boumerdès.