C’est sous ce titre (traduit de l’anglais – Understanding and developingskills for a digital era) que fut organisée, par l’ETF (Europeen Training Fondation) Lab Network, une rencontre de deux jours, les 9 et 10 octobre 2023, à Turin (Italie), à laquelle nous avons eu le privilège d’y participer en tant que membres du réseau des experts de l’ETF.
Cette contribution présente une synthèse des enseignements de ce séminaire. Il ne s’agit pas pour nous ici de reprendre les propos et échanges qui se sont tenus au sein du groupe d’experts autour des objectifs de l’impact de l’intelligence artificielle sur la demande de compétences numériques et ses implications pour la fourniture de ces compétences, l’éthique de l’IA et la construction de systèmes numériques inclusifs. Il est surtout question de montrer comment, en deux jours pleins, fut organisée une rencontre où l’apprentissage était de mise.
Ce séminaire de deux jours a été, en effet, l’occasion de partager et discuter des outils disponibles pour comprendre et développer les besoins en compétences numériques, discuter des avantages et des inconvénients de la révolution des compétences numériques et anticiper les scénarios pour les futures compétences numériques.
Des présentations inspirantes sur de nouveaux sujets liés à l’impact de l’intelligence artificielle, de la réalité étendue des systèmes métavers et d’autres développements numériques, sur la demande de compétences, en référence à l’éthique de l’IA et à la construction de systèmes numériques inclusifs. Les interventions introductives furent suivies d’un riche débat avec les participants et des tables rondes autour de six questionnements :
1. Numérisation et marché du travail : quel est l’impact de la numérisation et de l’IA sur le marché du travail et sur les méthodes de travail ?
2. Compétences numériques : quel est l’impact de la numérisation sur les demandeurs d’emploi et leurs compétences, ainsi que sur les programmes destinés à leur inclusion sur le marché du travail ?
3. L’IA et intelligence des compétences : quel est le potentiel de l’IA dans les activités d’intelligence des compétences et les politiques éducatives ?
4. Numérisation et enseignants : de quelles compétences les enseignants ont-ils besoin pour enseigner efficacement à l’ère numérique ?
5. Digitalisation et secteur public : comment la digitalisation peut-elle aider les services publics à accompagner leurs clients ?
6. Idéathon sur l’Année des compétences et la transition numérique : comment l’éducation et la formation peuvent-elles fournir les compétences numériques nécessaires pour un avenir plus durable et inclusif ?
Au cours de cette rencontre, l’éclairage théorique était quasi exhaustif, des conférences de haute facture, données par des universitaires-experts ès qualité, ont parfaitement circonscrit les enjeux de l’intelligence artificielle, ses avantages et ses risques.
Mais pour voir comment cela se pratique concrètement, on a programmé la visite de quelques sites au choix où on a pu constater comment le système de formation et de recherche fonctionne avec l’appui des entreprises et le soutien des pouvoirs publics. Il s’agissait, en l’occurrence, de :
- Italdesign qui est l’entreprise leader en matière de solutions de mobilité les plus avancées. Cette entreprise fournit un ensemble organique et intégré de méthodes, techniques et outils concernant le développement de nouveaux produits. Elle propose des services pour chaque phase du processus qui mène de l’idée initiale à la production.
- Comau qui est une entreprise leader dans le domaine de l’automatisation industrielle au niveau mondial. A travers son Académie, Comau partage ses connaissances en proposant des masters, des programmes de formation, des séminaires et des publications aux entreprises, aux professionnels et aux jeunes talents.
- Le Centre de compétences CIM 4.0 est un réseau composé du Politecnico et de l’Université de Turin, ainsi que de 22 entreprises partenaires (dont Siemens entre autres).
Avec les compétences internes et les ressources apportées par les partenaires, CIM4.0 met à la disposition des entreprises des atouts et des services : tests avant investissement, développement de preuves de concept, évaluation de la maturité technologique, démonstration et tests, prototypage, formation, conseil et financement de l’innovation.
Les participants ont eu ensuite l’occasion de travailler ensemble sur un exercice de prospective, de construire une vision du développement des compétences numériques. L’exercice de prospective a été une expérience unique, une occasion de formuler des idées et de présenter des propositions concrètes d’action, afin d’élaborer conjointement une vision du développement des compétences numériques.
La recherche et la valorisation de la recherche sont rigoureusement et rationnellement encadrées.
Les universités et les entreprises publiques et privées travaillent et coopèrent en parfaite symbiose et les pouvoirs publics encouragent par tous les moyens la fécondation productive des efforts consentis pour avancer dans la maîtrise des technologies de l’intelligence artificielle. La visibilité est concrète, la diffusion des connaissances et des avancées de maîtrise technologique au sein des structures productives du pays et au sein des institutions, ce qui explique la place de l’Italie dans le concert des nations. Nous avons beaucoup appris en assistant à cet évènement qui nous a permis de mieux entrevoir et circonscrire la problématique de la promotion de l’intelligence artificielle dans le contexte qui est le nôtre, à la lumière de ce qui est réalisé et se réalise sous d’autres cieux, notamment en Europe, en Italie en l’occurrence.
Que tous ceux qui ont contribué à ce séminaire et à l’ensemble des travaux préparatoires soient ici très chaleureusement remerciés. Par leur action, ils ont jeté les premières bases d’une coopération utile et qui devra s’approfondir.
Le monde a déjà subi et continue de subir des transformations radicales avec la généralisation du numérique. Tous les pays, notamment les pays en développement, comme c’est le cas en Algérie, sont mis en demeure de transformer et d’adapter leur système de formation. Si le besoin est parfaitement perçu, du moins dans le discours, le mode d’application, le modèle de mise en œuvre d’une politique de formation adaptée au numérique, au-delà des outils et guides de développement des compétences numériques, exige un cadre dans lequel ceux-ci sont développés afin qu’il y ait un ensemble d’actions complémentaires en place, comme c’est le cas dans les pays de l’UE où il existe une approche multidimensionnelle du développement des compétences numériques. Or, chez nous, en dehors de quelques directives et orientations générales, il n’existe aucune approche rationnellement concertée, planifiée dans le temps. Le gap est énorme. La numérisation bute sur de nombreux obstacles qu’on n’arrive toujours pas à surmonter comme c’est le cas, à titre d’illustration, de la monnaie et des transactions commerciales où on continue à payer et se faire payer avec des liasses de monnaie comme au bon vieux temps
Si l’indispensable volonté politique est, certes, formellement exprimée, seules des études rigoureusement menées peuvent éclairer les décideurs sur les politiques adaptées au contexte et se départir de la nocivité de l’empirisme. Et cela ne peut se faire et s’élaborer que dans le cadre d’un grand ministère de la Planification (indicative) économique ou de prospective.
Pourquoi ne pas faire systématiquement le benchmarking de ce qui se fait le mieux dans le monde ? On emprunte de fausses pistes pour le progrès au lieu de se concentrer sur l’essentiel, une éducation et un enseignement de qualité, une recherche scientifique balisée, encouragée concrètement et évaluée quant à ces retombées sur nos structures productives industrielles et agricoles et de service, grâce à la maîtrise des technologies modernes liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Nonobstant d’autres facteurs permissifs à l’adoption de l’intelligence artificielle dans les institutions et les entreprises, la formation des compétences est donc fondamentale.
Si l’Algérie semble s’engager résolument vers l’adoption de l’IA, comme on peut le remarquer à travers de récentes décisions concernant l’adoption d’une «Stratégie nationale de recherche et d’innovation sur l’intelligence artificielle (IA) 2020-2030» ainsi que l’institution d’un Conseil scientifique national de l’intelligence artificielle (juin 2023) et la création de deux écoles supérieures, une des mathématiques et l’autre en l’intelligence artificielle, on peut s’interroger sur les conditions, les exigences et les dotations en facteurs permissifs au-delà des discours .
Comme le souligne la plaquette introductive du séminaire «SkillsRevolution : understanding and developingskills for a digital era». «Si les avantages de l’IA doivent être réalisés, alors les gens devront posséder les compétences nécessaires à la fois pour créer des solutions numériques et travailler avec les technologies numériques. Il faut également que les enseignants et les formateurs possèdent des compétences numériques à jour et être formés aux pédagogies efficaces nécessaires pour les dispenser… Grâce à l’identification précoce des nouveaux besoins en compétences numériques et au développement de moyens de les délivrer efficacement, les opportunités offertes par la digitalisation seront saisies.»
L’Algérie a toujours, depuis l’indépendance du pays en 1962, beaucoup investi dans l’éducation et la formation de ses jeunes et continue à le faire à ce jour, sans pour autant arriver à atteindre les standards internationaux d’un niveau de compétence indispensable pour le développement industriel et agricole du pays qui s’appuie principalement sur la mobilisation des ressources humaines de qualité.
Les pouvoirs publics reconnaissent, aujourd’hui, que les besoins en compétences au niveau des secteurs demandeurs sont considérables et que l’économie algérienne connaît un déficit d’offre de compétences et de qualifications très important.
La formation des compétences pour la promotion de la numérisation et l’intelligence artificielle nécessite une démarche claire, établie sur la base d’une détermination des besoins de formation, des choix d’objectifs mesurables, de méthodes, de moyens, de délais, de coûts et d’indicateurs d’évaluation. Pour réussir une adoption productive de l’IA en Algérie, il faudrait, par conséquent, relever les défis d’une formation performante, adéquate en quantité et qualité et… retenir les talents en décourageant les sorties et en incitant ceux qui sont partis au retour (un grand défi à relever).
Par Boutaleb Kouider ,
Chercheur Chercheur associé - Labo GPES
Faculté des sciences économiques et de gestion, Université de Tlemcen (Algérie)