Le réseau routier national est en train de devenir le théâtre de tragédies à répétition. De nombreux dispositifs de prévention ont été enclenchés ces dernières années, quasiment en vain.
La courbe de la mortalité ne retombe pas, et les bilans dramatiques se suivent avec un haut risque supplémentaire de banalisation. C’est encore une fois le moment d’engager de nouvelles mesures pour éviter de rejoindre le peloton mortifère des pays enregistrant les plus forts niveaux d’accidents de la circulation et de pertes humaines.
Des enquêtes ont été ouvertes pour déterminer les circonstances des derniers sinistres, dont le plus tragique était celui survenu jeudi en milieu de matinée à Béjaïa et ayant coûté la vie à huit personnes, mortes sur le coup. Elles étaient à bord d’un taxi collectif assurant la desserte entre Jijel et Alger. 13 morts et plus de 200 blessés ont été déplorés entre jeudi et vendredi, dans 191 accidents à travers le territoire national. Ils surviennent de jour comme de nuit, pendant et hors la période du jeûne. Le point commun est l’implication presque systématique d’un camion poids lourd, en circulation ou en stationnement, ce qui n’a pratiquement aucune différence pour une voiture arrivant à vive allure.
La violence des chocs ne laisse planer aucun doute quant à la cause première de l’accident, à savoir la vitesse excessive. L’autre caractéristique devant être relevée est la présence quasi permanente des camions de gros tonnage sur le lieu du drame, tractant des remorques de dimensions diverses, parfois des containers récupérés du port pour perturber dangereusement la circulation sur la route. Les feux de position ou «de gabarit» étaient-ils fonctionnels pour être autorisé à rouler la nuit, et les arrêts intempestifs ont-ils eu lieu sur ou en dehors des bandes d’arrêt d’urgence et ces dernières existent-elles ? Les questionnements sont nombreux pour comprendre pourquoi il est désormais fatal de rouler à grande vitesse sur des tronçons autoroutiers offrant théoriquement un confort de conduite.
Un contrôle technique plus régulier des véhicules poids lourd avait été opportunément préconisé et mis en œuvre il y a deux années, à la suite d’un Conseil des ministres qui avait examiné un exposé sur la sécurité routière. Les sociétés de transport avaient été mises en demeure de respecter un nombre d’exigences dont l’«impérative rotation des conducteurs». La réunion du gouvernement qui avait alors suivi, fin 2022, n’avait pas donné les mêmes signaux forts pour remettre de l’ordre sur les routes, se contentant de la ritournelle des cours dans les établissements scolaires.
Et c’était le département des transports, pourtant non concerné par la pédagogie, qui prônait cette initiative d’enseigner aux enfants «les règles de la circulation routièr». Les précautions à prendre pour traverser la route doivent être inculquées aux élèves mais aussi aux parents qui déboulent en diagonale à l’intérieur des villes et en tournant le dos aux voitures en circulation.
Après le durcissement du contrôle technique des véhicules, et la rénovation du réseau routier, et en attendant l’extension des voies ferrées pour absorber le trafic lié au transport de marchandises, c’est le rôle du chauffeur qu’il faudra examiner. C’est un véritable métier, et à haut risque.
La lecture des plaques de signalisation n’est plus suffisante pour délivrer les permis de conduire et des cours supplémentaires de préparation à ce travail de précision paraissent indispensables. Si l’homme s’avère incapable de réapprendre à conduire, cela encouragerait les concepteurs de voitures autonomes en cours d’expérimentation, pouvant détecter les obstacles mais ouvrant la voie à d’autres risques encore inconnus.