Chine : Pékin enquête sur le groupe PVH pour son «boycott infondé» du coton de Xinjiang

25/09/2024 mis à jour: 08:12
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Calvin Klein flagship aux Champs-Elysées (Paris)

La Chine a annoncé hier qu’elle enquêtait sur le groupe américain PVH, propriétaire des marques Calvin Klein et Tommy  Hilfiger, après son «boycott infondé» du coton du Xinjiang, où, selon l’Occident, seraient commises des violations des droits humains. 

Région du nord-ouest de la Chine, le Xinjiang a longtemps été frappé par des attentats qui ont fait de nombreux morts civils. Il fait l’objet depuis une décennie d’une ferme politique sécuritaire menée au nom de l’antiterrorisme. Des accusations d’ONG et d’études occidentales ont fait état d’internements massifs dans des «camps de rééducation» et de «travail forcé», notamment dans le secteur de la production de coton destiné au secteur de l’habillement.

Ces mesures viseraient notamment les Ouïghours, membres d’un important groupe ethnique musulman. La Chine dément ces accusations. Elle affirme que sa politique sécuritaire a permis d’arrêter les attentats et d’assurer le développement économique de la région. En raison de ces accusations, certains groupes étrangers ont remis en cause leurs liens avec le Xinjiang. 

PVH est soupçonné «de mener un boycott infondé du coton et d’autres produits du Xinjiang» et ainsi de «porter gravement atteinte aux droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises concernées», a annoncé hier le ministère chinois du Commerce dans un communiqué.

Le groupe américain est accusé de «violer les principes commerciaux normaux du marché» et d’avoir «suspendu les transactions normales avec des entreprises chinoises, d’autres organisations ainsi que des particuliers, et d’avoir adopté  des mesures discriminatoires», a-t-il ajouté. Le ministère a annoncé le lancement d’une enquête, durant laquelle PVH a 30 jours pour démontrer qu’il n’a pas pris de mesures discriminatoires à l’encontre de produits liés au Xinjiang au cours des trois dernières années. Si le groupe est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, il pourrait être placé sur une liste des «entités non fiables». 

Le ministère du Commerce n’a pas précisé quelles pouvaient être les répercussions concrètes pour PVH. Mais ce mécanisme permet généralement d’infliger des amendes ainsi que diverses restrictions. Le centre de réflexion australien Aspi, financé par les autorités australiennes mais aussi étrangères (notamment américaines), a publié en 2020 une étude accusant de nombreuses marques mondialement connues de recourir au «travail forcé» dans le Xinjiang.Lundi, l’OMC a accepté de trancher un conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis sur les subventions américaines accordées par le plan vert de l’administration Biden au secteur des véhicules électriques. La décision a été prise lors d’une réunion de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). 

Selon une source proche des discussions, la Chine a fait valoir lors de cette réunion que «les Etats-Unis utilisaient le changement climatique comme prétexte au protectionnisme». «Par cette plainte, la Chine cherche à détourner l’attention sur ses propres politiques et pratiques non marchandes», a déclaré pour sa part une source officielle américaine, lors de cette réunion. «La contestation de la Chine est particulièrement hypocrite à la lumière» des mesures qu’elle a prise pour «cibler les secteurs de l’énergie propre en vue d’une domination mondiale» dans le domaine, a relevé cette même source.

La Chine estime que ces subventions accordées par le plan vert du président Joe Biden (Inflation Reduction Act) au secteur américain des véhicules électriques engendrent une concurrence déloyale. Elle a ouvert le différend auprès de l’OMC en mars, mais devant l’échec de négociations avec Washington, elle a demandé à l’organisation la création d’un groupe d’experts chargé de trancher le litige. La Chine a déjà fait en juillet une demande de jugement à l'OMC à laquelle les Etats-Unis se sont opposés. Mais selon les règles de procédure, il n’est pas possible à un pays de bloquer une demande deux fois de suite.

 Les Etats-Unis ont annoncé en 2022 un programme d’aides massives pour soutenir les entreprises du secteur de la transition énergétique et les voitures électriques fabriquées sur le sol américain. Sous l’impulsion de Joe Biden, Washington a tenté alors de réagir aux subventions de Pékin à son industrie et de lancer sa propre stratégie verte. Cette loi américaine «établit comme condition préalable à l'obtention de subventions que les produits viennent de régions spécifiques, telles que les Etats-Unis» et «exclut les produits venus de Chine», a indiqué en juillet le ministère chinois du Commerce. Les Etats-Unis ont déjà annoncé en mai le quadruplement des droits de douane sur les véhicules électriques chinois importés.


D’autres fronts

Washington et Pékin s’affrontent sur une série de questions commerciales, notamment les droits de douane, les technologies de pointe ou encore le réseau social TikTok. Pour schématiser, début septembre, Washington a proclamé un durcissement du contrôle sur les exportations de technologies de pointe, telles que les composants pour ordinateurs quantiques, en les étendant à l’ensemble du monde, dans une approche qui se veut commune avec ses alliés. 

En effet, le département du Commerce a décidé de contrôler les exportations de ces technologies, qui concernent également par exemple les machines permettant de fabriquer des semi-conducteurs de pointe, et pourra avoir un droit de veto, s’il estime qu’un tel mouvement aurait des conséquences sur la sécurité nationale américaine. Une telle mesure entre dans le cadre d’un durcissement commun dans «plusieurs pays aux vues similaires», qui pourraient être rejoints par d’autres pays, a précisé le ministère américain dans un communiqué. «Il s’agit de nous assurer que nos outils de contrôle s’adaptent à l’évolution rapide de la technologie et qu’ils sont plus efficaces lorsque nous travaillons de concert avec nos partenaires internationaux», a affirmé le sous-secrétaire américain en charge du Bureau de l’industrie et de la sécurité,

Alan Estevez, cité dans le communiqué. «L’approche la plus efficace consiste à coordonner et renforcer nos actions avec nos partenaires aux vues similaires», a de son côté ajouté la secrétaire adjointe en charge des Exportations, Thea Rozman Kendler.

Les nouvelles règles concernent les composants permettant le développement de l’ordinateur quantique et les équipements industriels afin de produire des semi-conducteurs de dernière génération et d’autres types d’équipements industriels ou des technologies liées aux transistors à effet de champ, qui sont utiles pour les super ordinateurs. Elles constituent un pas supplémentaire de Washington pour limiter l’accès aux équipements de technologie de pointe, notamment pour la Chine, l’Iran et la Russie, tous trois d’ores et déjà concernés par des limitations en la matière.

Les nouvelles règles pourraient notamment permettre de mieux contrôler et limiter le risque de contournement de sanctions ou d’interdiction d’exportation, des circuits détournés qui impliquent souvent des entreprises installées dans d’autres pays et faisant l’acquisition d’équipements interdits à l’exportation vers la Chine ou la Russie pour ensuite les revendre dans ces pays.

 Au nom de la «sécurité nationale», les Etats-Unis ont mis en place ces dernières années plusieurs mesures pour restreindre l’accès des entreprises chinoises à certaines technologies américaines ou compliquer leur fabrication de semi-conducteurs de pointe. Lors de sa visite en juin 2023 en Chine, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a indiqué que Washington ne cherche pas à «enrayer» le développement économique chinois. «Nous voulons de la croissance. Nous voulons voir le succès dans toutes les parties du monde, y compris, bien sûr, dans les grandes économies comme la Chine», a-t-il souligné. «Mais en même temps, il n’est pas dans notre intérêt de fournir à la Chine des technologies qui pourraient être utilisées contre nous», a-t-il observé. La Chine ambitionne de fabriquer, d’ici à 2025, l’équivalent de 70% de sa consommation nationale annuelle et, à la fin de la décennie, devenir «le principal centre d’innovation en matière d’intelligence artificielle au monde». Ce qui est loin d’être apprécié des Etats-Unis qui décident d’agir en conséquence. 


En 2018, l’administration Trump a interdit à l’entreprise chinoise de télécommunications ZTE d’acheter des semi-conducteurs conçus aux Etats-Unis. Le 15 mai 2019, l’administration américaine a décidé de placer Huawei sur la liste noire du département du Commerce. 


De ce fait, les entreprises qui ont des relations commerciales avec le géant chinois des télécoms peuvent faire l’objet de sanctions américaines, si bien qu’un grand nombre d’entre elles ont annoncé les unes après les autres, leur intention de geler leurs relations commerciales avec Huawei. 

Cette mesure est motivée par une accusation de pratiquer un espionnage massif. En octobre 2022, le département américain du Commerce a annoncé des contrôles drastiques à l’exportation sur les circuits intégrés informatiques avancés utilisés pour propulser les missiles guidés. 

Comme 31 institutions et sociétés chinoises ont été ajoutées à sa liste d’entités avec lesquelles il est interdit de commercer. 

En réaction, la Chine a, entre autres, imposé en août 2023 des restrictions aux exportations du gallium et du germanium indispensables aux semi-conducteurs. Ainsi, les exportateurs chinois de ces deux métaux doivent obtenir une licence, fournir des informations sur le destinataire final et en notifier l’utilisation. Pékin a justifié ces mesures par la nécessité de «préserver la sécurité et les intérêts nationaux».
 

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