Quatre jours de trêve, de suspension du temps et de la tempête de feu et de sang qui s'est abattue durant près de 50 jours sur la Bande de Ghaza ; quatre jours pour mesurer, vraiment, l'ampleur du malheur vécu : vies pulvérisées, familles décimées, foyers détruits...
Pris dans l'ouragan des bombardements aveugles depuis plus de cinq semaines, de jour comme de nuit, les Ghazaouis font face, depuis avant-hier, au silence de leurs villes transformées en cimetières chaotiques et puant la morgue à ciel ouvert, à travers lesquels il leur reste à subir le calvaire de retrouver les corps de proches disparus, sans doute enfouis, décomposés, sous des tonnes de béton. Près de 7000 dépouilles seraient encore prisonnières des effondrements des tours et blocs d’habitation, selon les autorités de la santé dans l'enclave, alors que les agences onusiennes évoquent le chiffre de 3000 disparus.
Les statistiques communiquées par les porte-parole de l'administration à Ghaza font état de la destruction complète de 50 000 habitations, au nord de l'enclave notamment, alors que plus de 60% ont été endommagées sévèrement. La guerre menée par Tel-Aviv ne vise pas seulement à anéantir le Hamas et ses combattants et à assouvir son désir politique de «vengeance» en livrant un «tableau de chasse» à la société israélienne, étoffé de milliers de civils tués, la guerre vise aussi à désintégrer la base infrastructurelle et les ressorts socioéconomiques dans l'enclave pour y compromettre toute possibilité de nouveau départ.
C'est dans ce chaos de béton et de fer que les survivants et les déplacés vont devoir tenter de dégager les corps ou ce qu'il en reste, durant ces quelques jours de répit, pour pouvoir se permettre le luxe de les inhumer plus ou moins dignement et faire enfin leur deuil.
Débordés et sans grands moyens, ou ne pouvant agir en raison de l'intensité des raids aériens, les services de la Défense civile palestinienne à Ghaza, eux-mêmes ciblés par des attaques (une vingtaine d'agents tués lors des opérations de secours), ont dû parer au plus pressé depuis le début de la riposte israélienne : sauver les miraculés en attendant qu'il soit possible de déterrer les morts sous les montagnes de décombres.
«Nous étions incapables de secourir les survivants et les blessés, comment voulez-vous qu'on puisse se consacrer à dégager les morts ?» soulignait Mahmoud Bassam, porte-parole des services de secours, il y a quelques jours à un média.
Les milliers de Ghazaouis qui ont afflué en interminables processions, dès les premiers instants d'entrée en vigueur de la trêve dans ce Nord qu'ils ont quitté sous la contrainte et les menaces, ont dû également traverser de véritables champs de cadavres abandonnés sur les routes. Les images prises rendent compte de l'hécatombe dans ces territoires interdits d'accès pour les caméras des journalistes depuis le début de l'offensive terrestre de l'armée israélienne, le 27 octobre dernier.
Ce «retour à la maison» s'est fait non sans risque, puisque une pluie de tracts, lâchés sadiquement la veille par l'aviation, avertissaient les revenants que «la guerre n'est pas finie».
Ces quatre jours vont également permettre aux ONG et agents onusiens sur place de mieux évaluer le désastre humanitaire et de le documenter, après l'avoir décrit comme «le pire du pire» depuis plusieurs semaines.
Quatre jours après lesquels Israël et son Netanyahu déchaîné menacent de revenir en force sur les lieux du crime pour le perpétuer durant des semaines, voire des mois de cauchemars encore, alors que le monde se ressaisit après avoir laissé tuer et appelle à faire de la trêve la base d'un cessez-le-feu permanent.