Chanson kabyle rythmée : Ali Irsane et ses mélodies planantes

20/07/2024 mis à jour: 18:00
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Avec son style festif, ancré dans le patrimoine local, l’artiste a chanté Ariha laâmbar, El Henni, Avarnousik, Tala Bwamane, Avrid Iâazouguene, Tislith, Avehri Idurar, Tivratin… Des mélodies qui égaient toujours les fêtes en Kabylie et même dans plusieurs autres régions d’Algérie. Après plus de 40 ans au service de la chanson rythmée, Ali Irsane continue à subjuguer ses  fans avec la même verve. 

 

Icône de la chanson kabyle rythmée qui s’est distinguée, notamment avec ses belles mélodies des années 1980 et 1990, Ali Irsane continue à subjuguer ses fans avec la même verve. Originaire d’Oumaden, un village situé à la limite de la commune d’Azeffoun avec celle d’Iflissen, dans la Tizi Ouzou, Ali a commencé à fredonner ses premières mélodies très jeunes.

 Son style le puise des chants traditionnels des urar, la joie du village, le folklore, thivougharine et autres titres dédiés aux cérémonies familiales, un patrimoine immatériel  ancien. Il a, d’ailleurs, depuis le début de sa carrière, œuvré à la préservation de ce style à travers lequel il s’est fait connaître. 

Aujourd'hui, tout juste sexagénaire (60 ans), il égaie toujours  les fêtes de mariage et de circoncision. Ses chansons résonnent encore tant elles prêtent à la danse et au divertissement.  Ali Irsane n’a pas attendu des décennies pour entamer la production artistique. 

D’ailleurs, à 19 ans seulement, en 1983, il signe son premier album, histoire de marquer, avec fracas, son entrée dans l’aventure artistique. Deux années plus tard, il a conquis la scène avec des productions qui ont fait date, notamment lors de son gala à la salle El Mougar,  à Alger, où il avait animé un spectacle envoûtant. Il récidive, en 1986, avec la sortie de sa cassette enregistrée en duo avec Lila, en marquant également son passage à la salle Ibn Khaldoune. 

Un style singulier

Des occasions qui l’ont propulsé au-devant de la scène pour aller de l’avant afin de se mettre au diapason des artistes connus. Ainsi, incontestablement, l’année 1988 était le coup d’éclat pour la carrière artistique d’Ali Irsane. Avec son style singulier, il a gagné  une place spéciale dans le cœur de ses fans. El Henni, Avarnousik et  Tala Bwamane en ont  fait sensation. Parmi les artistes les plus sollicités, notamment Kabylie, figure Ali Irsane. 

Ce dernier assure des moments de bonheur et de joie. Toujours fidèle à sa ligne, la chanson rythmée, il a  fait un  tabac, en 1989, à la sortie de sa cassette Ariha N’Laâmbar, qui a emballé le public et qui continue à s’imposer, à ce jour, dans l’animation par DJ durant les fêtes. Il a aussi toujours mis en avant la promotion du patrimoine avec la chanson Tislit (la mariée) dans une distribution musicale attrayante. 

C’est le retour à la source avec un ornement artistique où Ali a fait référence au rituel du mariage. L’album a bien marché, notamment avec, comme appui, des apparitions de l’artiste sur scène à la rencontre de son public. Outre les fêtes dans les  villages, Ali avait fait salle comble lors d’un spectacle animé à la salle Atlas d’Alger. Un coup d’essai qui s’est avéré un coup de maître. «Sid Ahmed Agoumi qui était directeur de la salle Atlas était vraiment étonné en voyant une masse humaine qui a déferlé sur la salle, il y avait même ceux qui ne pouvaient pas y accéder à l’intérieur, car la salle était archicomble. 

C’était mémorable. Il y avait beaucoup d’artistes, des journalistes et des animateurs de la radio comme la défunte Samira de Chaîne II, paix à son âme», nous a confié Ali Irsane, qui se rappelle, dit-il, bien de ce gala  qui fait partie, ajoute-t-il, de ses belles prestations devant le public. La même année, il s’est produit aussi, avec la même ferveur, au Théâtre régional de Béjaïa où il a agrémenté son public de ses belles mélodies.  Il entame la décennie 90 avec un album consacré beaucoup plus aux chansons d’amour qui a, d’emblée, accroché ses fans.

 Il signe ainsi Assagui Atezwedj, un texte qui met en exergue la fin d’une histoire par une séparation. Les autres chansons marquent inlassablement le même rythme et la même thématique, celle prisée par la jeunesse.  

Il a animé aussi, se souvient-il,  un grand gala à la maison de la culture de Tizi Ouzou où s’est produit devant une assistance nombreuse. L’artiste n’a pas connu de répit durant toute une demi-décade durant laquelle il s’est produit et  a produit des textes et des musiques qui l’ont propulsé davantage. Il signe ainsi El Ferh Iguelil (La fête du pauvre), Nussad Anechnou, Tendah Tmeghra, El Maryet  (Une voix, un espoir), L’ghourva (Hommage à Aït Meslayen), Mrehva sinevgawen et bien d’autres, presque une cassette  chaque année. 
 

Une voix envoûtante 

Tous les albums de l’artiste ont été confectionnés comme une toile d’araignée de façon à  agrémenter  le public avec sa voix envoûtante et des musiques qui suscitent une ambiance festive. Durant la même période, il a assuré une prestation magistrale au Théâtre de verdure et au Casif de Sidi Fredj avec le groupe Raïna Raï, raconte-t-il avec beaucoup de nostalgie.  

Il faut dire que lorsque les lecteurs vidéo étaient en vogue dans les cafétérias de villages, pendant les  soirées ramadanesques, les clips d’Ali Irsane étaient les plus regardés par les jeunes. Même à l’étranger, Ali a gavé la communauté algérienne établie en France par ses belles mélodies, notamment lors des spectacles animés à Marseille, Lyon et à Paris.  


Puis,  après une éclipse qui aura duré deux à trois années, Ali Irsane reprend son bâton de pèlerin pour  retrouver ses fans avec une production artistique où il a honoré la mémoire de Hamidouche qui venait d’être ravi aux siens après une longue maladie. Il sort, en 2005, un autre album intitulé Un album de paix et de joie , tout en gardant toujours l’âme de son style festif et traditionnel même s’il a confectionné quelques chansons avec la musique chaâbi. Il a chanté aussi la JSK, le prestigieux club qui a, plusieurs fois, honoré l’Algérie à l’échelle continentale en remportant des titres. 


Au début de la décennie écoulée, Ali Irsane marque, de manière tonitruante, son retour au devant de la scène artistique, notamment avec des galas animés à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, dans les localités de la wilaya ainsi que les fêtes de mariages dans les villages. Il a également participé à des tournées dans plusieurs wilayas du pays où il a rencontré ses fans. Entre-temps, il a sorti, en 2014, un CD qui a bien été accueilli par le public qui redécouvre son artiste adulé. 

Cet album a suscité un engouement  tant les sujets abordés ont trait à l’amour, la jeunesse et la vie en général. L’auteur de Thamaghra continue ainsi son bonhomme de chemin avec des prestations aussi bien en Algérie qu’en France. En 2023, il  a fêté, à Paris, ses 40 ans dans la chanson dans une ambiance conviviale. Il a, à l’occasion d’un hommage organisé par Berbère Télévision, marqué ses quatre décennies  dans la production artistique en présence de sa famille, ses amis et de nombreux  chanteurs qui ont tenu à l’honorer en cette occasion qui s’est déroulée de manière grandiose. 

Cet événement  lui a donné du tonus pour produire encore et offrir à son public de belles surprises avec des projets en chantier qui épateront, à coup sûr, ses fans. Il faut souligner enfin que,  durant sa carrière, Ali Irsane a produit des tubes qui restent immortels. Avrid Iâazouguene, Tislith, Avehri Idurar, Tivratine et Serahtas atechdeh sont, entre autres, des chansons qui se taillent la part du lion dans les mariages, surtout en Kabylie, en guise, sans doute, de nostalgie pour les traditions ancestrales, dont certaines sont menacées de disparition. 

En écoutant les textes de ce chanteur, on sent aisément cette teneur poétique et musicale qui garde fièrement un aspect culturel très ancien,  témoignant le dévouement de l’artiste à la préservation du patrimoine artistique local et national.  
 

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