Actuellement, 3% des investissements énergétiques dans le monde sont réalisés en Afrique. Les pays africains sont également paralysés par la hausse du coût de la dette.
Le chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a exhorté cette semaine les Etats-Unis et la Chine à mettre de côté leurs «tensions» et à faire front commun sur le changement climatique, avertissant lundi dans un entretien à l’AFP que les fractures géopolitiques risquaient de freiner la transition énergétique propre.
S’exprimant en marge du Sommet africain sur le climat à Nairobiw, Fatih Birol a estimé que les divisions internationales, en partie alimentées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, «deviennent de plus en plus prononcées». «J’espère vraiment que lors de la prochaine COP28, les Etats-Unis et la Chine, les deux plus grands émetteurs (de gaz à effet de serre), mettront de côté leurs tensions géopolitiques et économiques», a-t-il dit.
«Quand je regarde l’avenir de l’énergie et du climat, il me semble que le programme le meilleur et le plus optimiste est que (la question de) l’énergie propre soit centrale», a ajouté le président de l’AIE, appelant les deux pays à «se rapprocher» pour faire avancer les questions climatiques. Selon lui, le monde avance trop lentement pour atteindre les objectifs de limitation du réchauffement convenus par la communauté internationale à Paris en 2015.
D’une manière générale, les divisions internationales, alimentées notamment par le conflit en Ukraine, «deviennent de plus en plus prononcées», a-t-il estimé. Ces divisions «jettent un grand doute» sur l’avenir car «la collaboration internationale entre les principaux acteurs deviendra bien plus difficile», a-t-il souligné.
La prochaine conférence de l’ONU sur le climat (COP28), prévue entre fin novembre et début décembre à Dubaï, devrait donner lieu à de vives oppositions sur les questions d’énergie, à la fois géopolitiques et économiques, afin de rechercher des solutions conjointes sur des questions essentielles. Le sommet climatique de novembre dans les Emirats arabes unis, riches en pétrole, sera probablement dominé par des visions divergentes sur l’énergie.
Pour M. Birol, les tensions mondiales freinent «complètement» les progrès de la transition vers les énergies propres. Il a mis en garde contre une «forte réaction» de la part de certains pays et entreprises, sans les nommer. Mais il a ajouté que malgré ce changement, plus de 80 pour cent des centrales électriques construites dans le monde l’année dernière se concentraient sur les énergies renouvelables.
«Injustice»
Selon M. Biro, l’Afrique est prête à jouer un rôle «pivot» dans la transition énergétique, avec un énorme potentiel renouvelable et environ 40% des minéraux essentiels nécessaires aux batteries et aux piles à combustible à hydrogène. Il a ajouté que les pays de la région pourraient avoir besoin de continuer à exploiter leurs ressources gazières pour certaines activités, ce qui, selon lui, n’augmenterait pas de manière significative la minuscule empreinte carbone du continent, soit environ 3% des émissions mondiales.
Le chef de l’AIE a en outre exhorté la communauté internationale, en particulier les pays occidentaux, à éviter les décisions «naïvement dogmatiques» pour le continent, qui pourraient exacerber les divisions. Au lieu de cela, a-t-il estimé, la communauté internationale devrait se concentrer sur l’aide à l’Afrique afin de réaliser son «énorme potentiel».
C’est, a-t-il dit, une «injustice» qu’environ la moitié de la population du continent n’ait pas accès à l’électricité, bien que l’Afrique abrite 60% des meilleures ressources d’énergie solaire au monde, le moyen désormais le moins cher de production d’électricité. Par ailleurs, a ajouté M. Birol, des millions de personnes à travers l’Afrique utilisent des feux à l’air libre ou des fours rudimentaires pour cuisiner, ce qui aggrave les maladies respiratoires, en particulier chez les femmes.
Pour M. Birol, les deux problèmes pourraient être résolus avec une contribution d’environ 25 milliards de dollars, soit le coût approximatif d’un nouveau terminal GNL (Gaz naturel liquéfié).
Insistant sur le fait que les sociétés pétrolières et gazières considèrent que l’accès à l’énergie est une priorité majeure, il a ajouté qu’il en coûterait 4 milliards de dollars, soit environ moins de 0,1% des revenus que les principales sociétés de combustibles fossiles ont accumulés l’année dernière, pour aider des millions de personnes à accéder à des technologies propres de cuisson. «C’est à mon avis un test décisif pour eux, quant à leur sérieux et leur sincérité», a-t-il jugé.
Actuellement, 3% des investissements énergétiques dans le monde sont réalisés en Afrique. Les pays africains sont également paralysés par la hausse du coût de la dette.
La pression monte pour une réorganisation de l’architecture financière internationale afin de mieux l’aligner sur les objectifs climatiques et le développement vert, en particulier alors que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale préparent leurs réunions d’automne en octobre. Les deux institutions ont «raté le test», a-t-il dit, appelant à concrétiser les récentes promesses en stimulant les financements concessionnels et à débloquant les prêts.