Chaleurs : Le cinema algerien n’aime pas l’eau

23/07/2023 mis à jour: 00:39
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Adila Bendimered dans le film « Kindil el bahr » de Damien Ounouri

A part ceux qui vivent dans un congélateur, tout le monde aura remarqué qu’il fait très chaud. Solutions, émigrer au Groenland, s’équiper de climatiseurs très chers ou aller à la plage, ou pour les plus fainéants, regarder des films de plage pour se rafraichir. Mais où sont-ils ? 

En 2019, l’été avant l’élection présidentielle, la 5e édition du «Ciné-plage» était organisée en plein air sur les plages de quatre villes pendant un mois, plus précisément à El Tarf, Béjaïa, Aïn Témouchent et Mostaganem par le Centre national du cinéma et de l’Audiovisuel en partenariat avec l’EPTV et le CADC. Disparue depuis en mer, elle proposait des films sur la plage mais pas de films de plage. 

Pourquoi ? Parce qu’il n’y en a pas ou très peu. On peut citer Tahia ya Didou, qui se passe (un peu) en bord de mer sans y toucher, Fatima et la mer de Malek Laggoune, Rachida de Yamina Bachir Chouikh et ses quelques scènes sur la plage, Loubia hamra de Narimane Maoui qui effleure la mer et surtout Kindil el bahr, de Damien Ounouri avec Adila Bendimered, court métrage qui se passe carrément dans l’eau, et en maillot. C’est peut-être l’exception rafraichissante car la mer est un obstacle à franchir, comme dans Harragas, de Merzak Allouache ou la source de tous les problèmes comme pour d’ailleurs La dernière reine de Damien Ounouri et Adila Bendimered. D’où la question, se baignait-on à  Alger en 1516 ? «Non», répond Damien Ounouri, «la mer était prise par les Espagnols qui avaient mis pied sur le penon d’Alger». D’où le danger de nager, qui reste encore présent. 
 

Le cinéma algérien est-il étanche ?

La mer est donc un vague renvoi narratif comme pour Le marin des montagnes du pourtant algéro-brésilien Karim Aïnouz (2021), film qui se déroule en montagne mais pas dans la mer ni à son bord, ou La mer de Ghouti Bendeddouche (1969) où l’on ne voit la mer qu’à la fin du film à travers un enfant qui joue dedans, tout habillé. Même Lmuja (La vague) de Omar Belkacemi (2015) n’a rien à voir avec la mer, on l’aura compris, les réalisateurs algériens préfèrent le désert, 143 rue du désert, de Hassan Ferhani, Abou Leïla de Amine Sidi Boumediene ou Inland de Tarik Teguia. Ou encore la montagne, la ville et ses décors urbains, la campagne et ses moutons, bref, tout ce qui donne chaud en été. Mais est-ce si compliqué ?

 Oui, en dehors de la guerre des corps sans images, c’est aussi technique pour Damien Ounouri, «difficile de filmer dans l’eau, les boitiers étanches sont lourds et difficilement maniables, et il faut les ressortir et les démonter dès qu’il faut changer de batterie ou de carte mémoire», explique le réalisateur, qui ajoute que «l’autre difficulté est de trouver une plage appropriée, une autre est de refaire les scènes, où les acteurs entrent et sortent dans l’eau jusqu’à devenir tout bleus». En dehors des couleurs, des colonisations (c’est par la mer qu’elles arrivent généralement), des corps dénudés, femmes ou hommes, c’est donc aussi technique comme le fait remarquer le comédien Idir Benaïbouche qui revient d’un tournage à Timimoun (50°C) : «Faire du cinéma sur la plage ? Entre le bikini et le burkini, soit tu es flou, soit tu es hors champ, attendons la basse saison pour travailler». 
 

La mer, un flou d’arrière-plan 

Premier scoop, la récente étude approfondie menée par le ministère de l’Environnement et des Énergies Renouvelables sous l’égide du ministère de la Défense nationale, a révélé que la longueur du littoral algérien s’étend sur 2148 km, soit une augmentation de 526 km par rapport à l’estimation précédente de 1622 km. Et alors ? Alors, c’est plus grand, plus large mais ce n’est toujours pas le lieu idéal pour faire un film, très peu se jouant sur ces 2148 kilomètres. C’est l’occasion du deuxième scoop, le prochain film du réalisateur Merzak Allouache se passera entièrement à la plage. Quand ? On le verra probablement l’été prochain, ou avant. 

Des corps dénudés ? Ce n’est pas le plus important, mais rappelons-nous que dans le célèbre Les vacances de l’inspecteur Tahar de Moussa Haddad (1976), il y a une scène de plage (femmes, maillot), une scène de piscine (femmes, maillot), toutes deux censurées depuis, et le film montre surtout qu’on peut passer des vacances au bord de mer mais pas dans la mer. Ni l’Inspecteur ni son apprenti ne nagent. Oui, il fait très chaud. Mais même avant il faisait très chaud.

 

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