Chahra Guerouabi, la présidente de l’association culturelle El Hachemi Guerouabi, nous éclaire sur la 7e édition du Grand Prix El Hachemi Guerouabi qui s’est tenue du 2 au 5 mars dernier à Alger. Dans cet entretien, elle déplore les lenteurs administratives ayant trait à la création d’une école académique de chaâbi portant le nom de son défunt mari, sans oublier de donner un petit aperçu sur la commémoration du 16e anniversaire de la disparition du maître El Hachemi Guerouabi.
- Quelle a été la caractéristique de la 7e édition du Grand Prix El Hachemi Gueroubi dans sa version 2022 comparativement aux précédentes années ?
Comme chaque année, nous donnons rendez-vous sur la scène artistique à de jeunes talents. Nous avons programmé la 7e édition du Grand prix Hachemi Guerrouabi du 2 au 5 mars dernier au Palais de la Culture Moufdi Zakaria de Kouba à Alger.
Le Prix El Hachemi Guerouabi est un concours national qui vise à découvrir et à promouvoir les jeunes talents. Cette édition s’est déroulée dans des conditions assez difficiles.
Elle a été reportée pas mal de fois à cause de la pandémie, mais nous n’avons pas baissé pour autant les bras. Nous avons été jusqu’au bout. Il faut dire aussi que nous avons enregistré, cette année aussi, plus de candidats que les fois précédentes. En tout, nous avons eu 230 candidats ayant postulé depuis un an.
Après une sélection nationale, nous avons pu retenir uniquement 12 candidats. Ces derniers se sont relayés les 3 et 4 mars sur la scène du Palais de la Culture à Alger avec une clôture le 5 mars. Il ne faut pas omettre de souligner qu’il y a eu aussi une forte participation de jeunes filles et de jeunes femmes. Nous avons eu quatre participantes avec une seule gagnante de 15 ans qui a décroché le deuxième prix.
- Le concours du Grand Prix El Hachemi Guerouabi vise à faire découvrir les trois plus belles voix du chaâbi et de leur assurer par la même l’enregistrement de leur premier album...
Effectivement, l’objectif du concours du Grand Prix El Hachemi Guerouabi a pour objectif principal de découvrir les meilleures voix du chaâbi. Comme chaque année, les trois jeunes gagnants enregistreront un album en plus des chèques symboliques remis. Pour ceux qui sont prêts à enregistrer un album - qui ont un petit répertoire - l’association va les aider à cet enregistrement
- Qu’en est-il de la tournée nationale, prévue en juin prochain ?
Je voudrais signaler que la ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, nous a fait l’honneur d’assister à la soirée de clôture. Nous avons discuté avec elle dans son bureau pour qu’on puisse organiser une tournée nationale à travers les wilayas avec les directions des wilayas afin de promouvoir ces jeunes talents.
Nous l’avons déjà fait lors des précédentes éditions. Comme nous avons eu un accord favorable, je vais essayer de coordonner cette tournée 2022 avec la journée de l’artiste, coïncidant avec le 8 juin.
Il est à noter que l’association El Hachemi Gerouabi assure aussi aux lauréats une tournée en France et en Espagne à travers des festivals. Ce ne sont pas simplement des concerts de chaâbi qui sont donnés, mais nous proposons, également, des expositions sur le patrimoine, des journées d’études ainsi que des ventes-dédicaces. Ces jeunes artistes seront à chaque fois présentés à la communauté algérienne et maghrébine à l’étranger.
- L’association E Hachemi Guerouabi s’assigne plusieurs objectifs dont celui de lutter contre l’oubli...
Il est vrai que l’association El Hachemi Guerouabi s’assigne plusieurs objectifs. En général, notre association œuvre pour la préservation de ce fabuleux patrimoine qu’a laissé le regretté El Hachemi Guerouabi, en particulier, et la musique algérienne, en général. Notre action vise à lutter contre l’oubli de ces grands artistes morts ou qui sont encore en vie. C’est aussi parler d’eux. Je pense que parler d’El Hachemi Guerouabi, c’est aussi parler des grands poètes du Melhoun du 17e et 18e siècles.
C’est aussi de parler, entre autres, des défunts Hadj M’Rizek, Hadj M’Hamed EL Anka et Amar Zahi. Ce concours, c’est aussi une façon d’aider ces jeunes à sortir de l’isolement. Leur donner la parole et la chance de s’exprimer à travers ce patrimoine ancestral. Je voudrais préciser que quand on parle du prix El Hachemi Guerouabi, nous n’exigeons rien.
parfois, le public, pense qu’il va trouver un Guerouabi sur scène. Nous sommes contre l’imitation. Nous ne demandons pas aux postulants de ne chanter que le répertoire de Guerouabi. Ils choisissent plutôt l’école Guerrouabi, car El Hachemi Guerrouabi avait une certaine maîtrise et une certaine façon de chanter propre à lui. A chacun sa voix et son style.
- A la création de l’association El Hachemi Guerouabi en 2012, vous caressiez le rêve de créer une école académique de chaâbi portant le nom de cette icône de la chanson chaâbie. Où en est ce projet ?
Comme je l’ai toujours dit, l’école El Hachemi Guerouabi existe déjà dans la rue, à travers ces jeunes et à travers aussi d’anciens chanteurs tels que, entre autres, Mourad Djaffri et Sid Ali Lekkam. Créer une école académique, c’est un véritable parcours du combattant.
Nous tenons encore à ce qu’il ait cette école avec ses murs, ses portes et ses classes. Mais aujourd’hui, nous n’avons pas réussi à avoir un siège ou un lieu, bureaucratie oblige. Il n’y a pas eu de répondant. Nous allons continuer. Nous n’allons pas baisser les bras. Nous allons taper à toutes les portes pour que cette école voit le jour prochainement.
- Pourquoi ne pas créer aussi un musée à la hauteur de l’homme ?
Oui, mais après il faudrait que ce musée soit riche en exposition. A chaque fois que j’organise des expositions, je présente entre autres les instruments de musique, les affaires personnelles de mon défunt époux ... mais cela reste restreint au niveau de l’association.
Créer un musée oui, où il n’y aurait pas que El Hachemi Guerrouabi, mais tous ces grands noms de la musique algérienne et de la chanson chaâbi... Je détiens beaucoup de choses qui sont chez moi que le public ne connaît pas. A titre d’exemple, il a laissé beaucoup de textes composés par lui-même qui n’ont jamais vu le jour. Cela dit, pourquoi ne pas les mettre à la disposition du grand public et aussi les donner à ces jeunes pour les chanter.
El Hachemi Guerouabi a laissé beaucoup d’affaires personnelles que je voudrais remettre s’il y a un musée, validées par le ministre de la Culture et des Arts ou autres, pourquoi pas ! C’est important. Il ne faut pas que cela disparaisse. El Hachemi Guerouabi est une mémoire nationale. C’est une identité. Je le répète encore une fois, nous, en tant qu’association, c’est un devoir de mémoire que de lutter contre l’oubli.
- A l’occasion de la célébration du 16e anniversaire de la disparition du maître, vous prévoyez une des plus riches programmations...
Nous allons commémorer, comme chaque année, la disparition d’El Hachemi Guerouabi. Il y aura une grande exposition regroupant toutes les affaires ayant appartenu à l’artiste et ce, depuis qu’il a commencé la musique à l’âge de 16 ans jusqu’à sa mort.
Il y aura des projections de tous ses films et ses sketchs. Il faut savoir qu’il a commencé sa carrière en tant que comédien. Nous avons pu avec la télévision algérienne récupérer ces enregistrements.
Il va donc y avoir des projections, des tables rondes pour parler de ce phénomène Guerouabi. Il y aura évidemment d’autres activités en parallèle avec des récitals en soirée pour présenter les jeunes qui ont participé aux deux dernières éditions. Cela va être une semaine culturelle bien pleine. L’année dernière, nous avons organisé un hommage très restreint en raison de la pandémie du Covid 19. La commémoration de cette année, qui se déroulera au Bastion 23, sera placée sous le slogan «Qorsan Yghennem».
El Hachemi Guerouabi a d’ailleurs décroché le premier prix en 1977 en interprétant cette célèbre qacida. Cette dernière parle, justement, du Bastion 23. Ce lieu est assez spécial pour nous, car nous voulons revenir sur les traditions d’antan. Nous voulons donner une certaine âme à cette commémoration. C’est un choix voulu. Sinon, nous avons d’autres projets que nous divulguerons au moment opportun.