Tout début juin 1944. Winston Churchill fulmine. Dans quelques heures, la plus importante opération militaire amphibie de l’histoire doit être lancée en Normandie, pour libérer le continent.
Mais le Premier ministre britannique, exaspéré par les exigences du général Charles de Gaulle, alors dirigeant du Comité français de libération nationale, fraîchement arrivé d’Alger, prend la plume. Cette lettre, découverte juste avant les commémorations du 80e anniversaire du débarquement en France, parmi les documents conservés aux Archives nationales de Kew, met en lumière la relation houleuse des deux chefs de guerre. The guardian revient sur son contenu.
«Je ferai savoir au monde...»
A l’origine de la fureur de Churchill, le refus de de Gaulle de participer à l’enregistrement et la diffusion radiophonique d’un discours avant le débarquement, et le blocage de l’envoi d’officiers de liaison français pour accompagner les troupes alliées en France.
«J’ai essayé à maintes reprises, pendant quatre ans, d’établir une base raisonnable pour une camaraderie amicale avec vous. Mais votre action à ce stade me convainc que cet espoir n’a plus lieu d’être», introduit Churchill, pour dénoncer l’ordre donné aux «120 officiers de liaison français, qui ont été si soigneusement formés à accompagner les armées anglo-américaines en France» d’abandonner «l’effort de libération en cours».
«Quelle que soit l’attitude qu’ils adopteront, elle ne diminue en rien le caractère odieux de votre action, et je me dois de vous dire qu’à la première occasion qui se présentera (…) je ferai savoir au monde que la personnalité du général de Gaulle est le seul et principal obstacle entre les grandes démocraties de l’Ouest et le peuple de France», menace-t-il.
«Je ne vois aucune utilité à ce que vous restiez plus longtemps», conclut le premier ministre. «Un avion sera à votre disposition demain soir, si la météo le permet.»
Finalement, le général de Gaulle cèdera sur les demandes des Alliés. Du moins, en partie : il accepte de prononcer un discours sur le service francophone de la BBC, et permet à 20 officiers de liaison français, parmi les 120, de rejoindre les forces alliées pour prendre d’assaut les plages normandes.
La lettre, annotée au crayon bleu d’un bandeau «NE PAS ENVOYER», ne partira pas. Elle reste malgré tout le témoignage d’une relation orageuse, que Charles de Gaulle entretiendra avec la Grande-Bretagne jusqu’à la fin de sa carrière, même après-guerre.