Avec 50 000 nouveaux cas par an de cancer toutes localisations confondues, l’Algérie peine encore à réduire cette incidence qui augmente d’année en année en l’absence d’une stratégie cohérente sur le terrain.
Le plan cancer élaboré pour la période 2015-2020, qui a identifié toutes les insuffisances et les dysfonctionnements dans la prévention et la prise en charge de cette catégorie de malades tout en proposant une série de recommandations liées à tous les axes de la prévention jusque l’accompagnement, est toujours d’actualité. Son évaluation, qui devait être faite à la fin de l’année 2020, a été retardée aux calendes grecques. Le ministère de la Santé avait annoncé alors un second plan, une annonce restée sans suite.
Chaque année, la journée du 4 février, considérée à travers le monde comme un moment fort de sensibilisation, est caractérisée par de nombreuses actions pour rendre visible ce mal qui ronge des centaines de personnes dans le silence. Cette sensibilisation est généralement axée sur la prévention, la détection précoce, la prise en charge et le traitement. Première cause de décès chez l’homme à travers le cancer du poumon et deuxième chez la femme à travers le cancer du sein, les spécialistes affirment que ces pathologies cancéreuses peuvent être soignées avec des chances de guérison lorsque le diagnostic est fait tôt.
C’est justement l’objectif des programmes de dépistage inscrits dans l’un des axes du plan cancer. Malheureusement, ce genre d’action, menée uniquement tant bien que mal par des associations de malades, n’arrive pas à s’inscrire dans la politique des pouvoirs publics et devenir une priorité de santé publique. Combien de campagnes de sensibilisation ou de dépistages de ces cancers ont été réalisées ces dernières années, mis à part le travail associatif ? Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait annoncé, lors d’une de ses rencontres avec la presse nationale, le lancement de deux campagne nationales pour le dépistage des cancers du côlon et de la prostate.
Qu’en est-il au juste actuellement ? Les malades arrivent souvent à des stades avancés de la maladie avec des métastases osseuses nécessitant des moyens thérapeutiques importants, que ce soit pour le cancer de la prostate, le poumon, le sein et le colorectal.
Cinq à six mois pour un rendez-vous
Ce qui complique encore la situation pour ces patients ce sont les retards enregistrés pour l’accès aux soins, notamment pour la radiothérapie, malgré tous les efforts consentis par l’Etat en vue d’améliorer la prise en charge des malades avec l’acquisition des équipements de dernières générations, notamment les accélérateurs de radiothérapie, les IRM et scanners et l’ouverture des centres anticancer à travers le pays. Un parc hospitalier est un investissement loin des objectifs attendus. Des machines sont encore sous emballage dans certains centres du pays pour manque de personnel qualifié, alors que d’autres souffrent de pannes récurrentes pour absence de maintenance, dont des marchés ont été conclus dans des conditions douteuses.
Un rapport détaillé des radiothérapeutes sur la situation de la radiothérapie a été remis au ministère de la Santé à la mi-mars 2021, où il est clairement souligné que le «problème est trop sérieux» et que des mesures doivent être prises en urgence. «Les soins de radiothérapie connaissent une forte perturbation.
Le nombre de malades pris en charge a été considérablement réduit ces trois dernières années. Les programmes ont été amputés de plus de 50% en raison des pannes d’équipements, et des patients sont contraints d’attendre des mois alors que d’autres recourent au privé, dont le prix est souvent inaccessible», a-t-on signalé. Une des solutions proposée par le ministère de la Santé est la mise en place d’une plateforme pour la prise de RDV de radiothérapie, qui a été lancée à partir de Tizi Ouzou en juillet 2021 mais, selon l’association El Amel d’aide aux malades atteints de cancers du CPMC, «aucun RDV n’a été pris pour nos malades puisque les machines des centres portés sur cette plateforme sont en panne, comme Batna, Sétif, Tlemcen, Oran, Adrar, etc.» Elle déplore justement le fait que des patients attendent parfois cinq à six mois pour obtenir un rendez-vous dans des centres qui ont pu maintenir l’activité, tels que Draâ Benkheda, Blida, et Sidi Bel Abbès, qui font déjà face à une forte demande et des malades sur liste d’attente».
Comme elle fait savoir aussi que des ruptures de stock de médicaments essentiels pour la chimiothérapie pénalisent les malades, et certains connaissent des récidives, comme les enfants atteints de leucémie. Il en est de même pour les adultes, relève le Pr Kamel Bouzid, chef de service au Centre Pierre et Marie Curie. «Les ruptures sont toujours là pour des médicaments qui coûtent cher et nous attendons les molécules innovantes enregistrées depuis 2018», indique-t-il, tout en déplorant les retards pour la prise de RDV de radiothérapie, qui constitue «un sérieux problème pour la continuité des soins des patients».
Une situation qui mérite d’être soumise au plus hautes autorités du pays afin de mettre fin à tous ces dysfonctionnements qui réduisent considérablement les chances de guérison pour des milliers de jeunes malades algériens touchés particulièrement par le cancer du sein et de la prostate.