Caprices et dérive climatiques

12/09/2024 mis à jour: 20:46
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S ’il y a encore des climato-sceptiques dans nos contrées, l’exceptionnel épisode météorologique vécu par la région du Sahara, dont l’extrême Sud-Ouest algérien, depuis le début du mois, offre une démonstration aussi spectaculaire que probante sur les mutations accélérées des anciens paradigmes climatiques. 

Durant la semaine dernière, les images de crues exceptionnelles d’oueds presque oubliés, à Béchar, Aïn Sefra ou plus au nord à Naâma ou El Bayadh, ont foisonné sur les réseaux sociaux : des torrents en furie surgis en quelques heures de pluies, occasionnant des dommages aux axes routiers et aux ouvrages publics. Si les interventions des éléments de la Protection civile et des citoyens ont pu sauver in extremis des personnes, voire des familles menacées par les crues, l’irréparable n’a malheureusement pas pu être partout évité.

S’il est vrai que des extrêmes climatiques sont signalés cycliquement à travers plusieurs régions du monde, et que ces exceptions confirment la règle des modèles météorologiques en vigueur, l’épisode de ce début de septembre 2024 pose, quant à lui, de vraies questions aux spécialistes. 

Dans des bulletins d’alerte qui ont circulé dans les milieux initiés la fin août dernier, des météorologues ont carrément parlé d’«aberration météo» et d’événement historique, annonçant des seuils de précipitations dépassant les 500%, dans certains cas les 1000%, des taux enregistrés habituellement sur la période dans la vaste étendue du Sahara. 

Ce qu’il s’est passé depuis le début du mois dans le Sud algérien et dans certaines parties du Maroc a globalement confirmé ces prévisions avec une violence inégale des orages selon les régions. Les mêmes spécialistes notent un mouvement inhabituel de la «zone de convergence intertropicale» des aires géographiques, qu’elle concerne d’ordinaire, situées plus au sud, vers des territoires du Nord. En un mot, plusieurs zones touchées par les dernières intempéries ont simplement vécu des tempêtes tropicales, avec leur lot d’orages violents et de précipitations abondantes et subites. Unanimement, on y diagnostique un effet évident du dérèglement climatique qui va tendre à se répéter sur les décennies à venir.

En Algérie, des résidus de ces foyers orageux exceptionnels sont remontés encore plus au nord pour toucher le M'zab, puis des wilayas de l’Ouest profond, à l’image d’El Bayadh et Tiaret. Cette dernière, frappée durement par un épuisement dangereux des ressources en eau, ayant d’ailleurs fait sortir les gens dans la rue il y a quelques mois et nécessité un plan spécial des autorités publiques, a connu en quelques jours plus de précipitations que durant toute l’année écoulée. C’est sur ce registre qu’à quelque chose le malheur de ces intempéries est bon. 

L’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT) a annoncé avant-hier, non sans satisfaction, des apports «historiques» pour le barrage de Djorf Torba et son remplissage complet à l’issue des dernières précipitations, après avoir frôlé l’assèchement il y a quelques années. Les réserves fossiles, dont l’importance est stratégique dans ces régions arides, doivent pour leur part avoir été généreusement réalimentées à cette veille d’automne, redonnant encore un peu plus de possibilités aux écosystèmes locaux de se régénérer. 

Il faut noter, cependant, que ces retombées positives immédiates restent tributaires de variations climatiques que tous les avis spécialisés annoncent comme aléatoires et chaotiques par rapport aux modèles de prévisions utilisés jusqu’à présent, et s’avouant volontiers déboussolés. 

L’anticipation et l’adaptation ponctuelle des modèles hydriques et agricoles aux cycles de perturbation annoncés, en Afrique du Nord notamment, restent les seules préconisations avancées pour les régions spécifiquement touchées par le réchauffement climatique dans son volet sécheresse et précipitations. 

L’action décisive pour freiner la dérive climatique à travers la planète – combat en voie d’être déjà perdu, selon l’ONU – reste, quant à elle, la responsabilité des plus grandes industries du monde et de ses plus grands consommateurs d’énergie.

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