Le projet de nouveau gouvernement en Libye divise même le Parlement et le Conseil supérieur de l’Etat, qui sont à l’origine de l’initiative. Abdelhamid Dbeiba ne s’est pas prononcé. La communauté internationale n’y croit pas mais pousse à tout accord en Libye.
Les réactions des belligérants libyens se suivent et ne se ressemblent pas concernant l’appel lancé jeudi 25 juillet dernier par le président du Parlement, Aguila Salah, pour l’ouverture des candidatures au poste de chef de gouvernement. Le communiqué du Parlement dit s’inspirer des résolutions finales de la réunion du Caire, le 20 juillet, réunissant plus de 120 membres des deux Chambres libyennes, ainsi que du sommet triangulaire qui a réuni les présidences des Chambres avec le président du Conseil présidentiel, Mohamed El Menfi. Par ailleurs, le Parlement s’est également référé à la réunion de Tunis des deux Chambres en février dernier ainsi que de l’accord 6+6 de mai 2023 à Bouznika.
«Les références à un accord ne manquent pas entre les belligérants libyens ; c’est plutôt l’application de l’accord qui fait défaut», a confié à El Watan le juge libyen Jamel Bennour. Il ne croit pas que «le dernier accord du Caire apporte du nouveau, tant qu’il n’y a pas de feuille de route applicable». Pour preuve de ses dires, le juge Bennour a remarqué que «Dbeiba n’a même pas pris la peine de riposter au présumé accord du Caire qui met pratiquement fin à son mandat, puisque les deux Chambres n’ont pas mis plus de trois jours pour se quereller sur les démarches à suivre».
En effet, il suffit de voir les réactions des personnalités et des institutions politiques libyennes pour comprendre que les lignes n’ont pas bougé après le dernier accord du Caire et l’annonce du Parlement de Benghazi portant sur l’ouverture des candidatures pour le poste de chef de gouvernement. La principale réaction est venue du Conseil supérieur de l’Etat, censé gérer cette transition avec le Parlement. Son communiqué a considéré cette initiative «nulle et non avenue, puisqu’elle est individuelle et n’a pas cherché à nous associer».
Les deux membres de cette deuxième Chambre, Zohra Yangui et Amina Mahjoub, considèrent que «l’ouverture des candidatures à la présidence du gouvernement n’est pas conforme avec les accords entre les deux Chambres». Seul le rapporteur de la commission constitutionnelle a été plus souple en affirmant que «la nomination du chef du gouvernement incombe au Parlement après concertation avec le Conseil supérieur de l’Etat ; cette consultation pourrait bien se dérouler après la réception des dossiers».
Perspectives
Par ailleurs, 31 partis ont tenu le 28 Juillet une conférence à Tripoli et affirmé que «tout accord politique doit associer les représentants de la société civile et politique comme ce fut le cas pour la conférence de Genève, où les deux Chambres ne disposaient, ensemble, que du tiers des représentants». C’est dire que les Libyens sont loin de l’unanimité autour de ce qui a été convenu au Caire et repris par le Parlement.
La Libye semble loin du bout du tunnel et l’accord du Caire est loin de réunir les Libyens si l’on s’en tient aux réactions des belligérants libyens eux-mêmes. En plus, les deux principaux acteurs, le camp de Abdelhamid Dbeiba et celui de Khalifa Haftar n’ont même pas pris la peine de réagir à cet accord. Ils sont plutôt engloutis dans les négociations avec les délégations étrangères qui ne veulent pas rater l’occasion de participer à la reconstruction de la Libye.
«Ce sont les marchés de reconstruction qui attirent les étrangers, pas la démocratie et les élections», constate le politologue Ezzeddine Aguil, qui regrette que «les Libyens lamda sont les grands perdants de cette situation». Les gouvernements de l’Est et de l’Ouest sont de mèche dans ces pourparlers.
Ezzeddine Aguil trouve «plausible» les propos de l’ancien envoyé spécial de l’ONU en Libye, Abdoulaye Bathily, qualifiant les politiques libyens d’opportunistes puisqu’ils ne pensent qu’à leurs propres intérêts. Aguil associe les puissances étrangères au même groupe d’opportunistes, puisque «ces puissances sont en train de tirer profit de l’actuelle situation en puisant dans les richesses libyennes sans s’intéresser aux intérêts des locaux, tout en laissant des miettes aux structures locales et même à la société civile». Aguil pense que «la solution en Libye n’est pas pour demain».
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami