Les vents sont décidément bien favorables à Kamala Harris qui, en quelques jours seulement, a pu faire oublier Joe Biden, sa campagne éphémère de candidat, puis son retrait de la course.
La vice-présidente américaine, que personne n’attendait il y a seulement quelques semaines, accumule les soutiens politiques dans la galaxie démocrate et au-delà, bat des records de levée de fonds pour sa campagne et s’attire les faveurs des sondages au détriment d’un Donald Trump dont le staff semble encore déstabilisé par le changement surprise de casting en face.
Après quelques jours de flottement, le couple Obama a fini, vendredi, par rejoindre le chœur presque parfait des supporters de Kamala Harris dans le parti démocrate, achevant de resserrer des rangs que la candidature du Président sortant, puis son retrait et la problématique de son remplacement ont semblé diviser.
En fin de compte, le scénario du «sacrifice» fait par Joe Biden donne l’air d’avoir plus réanimé les ambitions et les énergies que posé de problèmes à l’appareil politique. Si le camp républicain a pu jouer à fond sur la symbolique de l’attentat avorté contre Donald Trump, le camp démocrate, lui, a investi sur la symbolique de l’abdication d’un Joe Biden s’effaçant devant la primauté des intérêts du pays.
Depuis près d’une semaine, c’est une candidate tout sourire et en pleine forme physique qui passe et repasse sur les grandes chaînes de télé, et c’est toute l’image du parti démocrate qui se rajeunit et se requinque après des mois de précampagne dominée par les sorties mal assurées, et parfois franchement calamiteuses, du Président sortant. Alors que l’entourage la donnait comme pas suffisamment costaude pour affronter les charges agressives qui font la marque de fabrique Donald Trump, notamment contre les femmes, l’ancienne procureure générale de Californie a surpris son monde par une attaque frontale du candidat républicain mardi dernier. Celui-ci est traité d’«escroc» et de «prédateur» ; un peu dans le genre de spécimens, avait-elle déjà lancé la veille, qu’elle a eu à faire condamner durant sa carrière judiciaire.
Donald Trump a répliqué, le lendemain, en attaquant la rivale démocrate sur le terrain du droit à l’avortement, dont elle fait un thème phare de campagne. «Une folle, lance-t-il, qui ne voit pas d’inconvénient à tuer des bébés.» Voilà qui donne un aperçu sur la teneur de la campagne électorale qui s’annonce et qui devrait gagner en intensité et en agressivité après la validation par la convention démocrate de la candidature de la vice-présidente, le mois d'août qui vient.
«Elle n’aime pas les juifs»
Un autre thème vient dessiner une nette ligne de démarcation entre les deux prétendants à la Maison- Blanche, la question palestinienne et la guerre à Ghaza. Ayant reçu en audience le Premier ministre israélien, le 25 juillet dernier, dans le cadre de son déplacement dans la capitale américaine, Kamala Harris a ainsi interpellé Benyamin Netanyahu sur la nécessité de favoriser l’aboutissement rapide des négociations sur un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne. Face à l’homme que le Congrès américain venait, la veille, de gratifier du privilège de s’adresser à son assemblée pour défendre l’option de la guerre, Kamala Harris a fait savoir qu’elle ne «restera pas silencieuse» sur les souffrances des Palestiniens. Devant les journalistes, à l’issue de la rencontre, elle soutient l’impératif de conclure un accord et de mettre fin à cette guerre «désastreuse».
Autant de déclarations dont les médias et les experts ont pris note, en pariant sur un correctif prochain de l’attitude américaine concernant le conflit, si la candidate devenait présidente. Les déclarations ont fait vivement réagir en Israël. Quoi qu’il en soit, les analyses s’accordent sur le fait que la candidate, qui a tenu à ne pas être présente lors de l’allocution de Netanyahu devant le Congrès, cherche manifestement à marquer une différence, de style à tout le moins, par rapport au discours et l'approche du Président sortant, pour affirmer une personnalité et un cachet personnel, mais aussi pour rassurer une jeunesse démocrate qui a eu à manifester, tout au long de ces derniers mois, une franche contestation des positions de la Maison-Blanche.
Ces positions ont surtout poussé Donald Trump à faire part de ses options sur le sujet et de ses intentions de probable futur président des Etats-Unis. D’abord sur la forme en accusant la candidate rivale d’antisémitisme, comme le ferait un bon ministre du gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu. «Elle n’aime pas les juifs, elle n’aime pas Israël, c’est comme ça et ça sera toujours comme ça. Elle ne changera pas», dénonce-t-il devant les médias vendredi, juste après avoir rencontré le Premier ministre israélien. Le clin d’œil est évident à l’adresse de l’électorat juif américain, se recrutant à la fois dans le camp républicain et démocrate.
Sur le fond, le candidat républicain affirme que Kamala Harris a trop de sensibilité pour la «gauche radicale» et pour «les minorités ethniques» pour ne pas menacer les fondamentaux de la politique étrangère américaine, si elle accédait à la Maison-Blanche à la faveur de l’élection de novembre prochain.