«C'est comme éteindre la voix du peuple», pleure la journaliste de VOD Khan Leakna. Ses larmes remplissent la rédaction vide de Voice of Democracy (VOD), l'un des derniers médias indépendants du Cambodge, qui a fermé lundi 13 février après un article controversé sur le fils du premier ministre.
L'arrêt contesté de ce site internet d'informations a ravivé les inquiétudes à six mois d'élections législatives dans ce petit royaume d'Asie du Sud-Est,tenu d'une main de fer par Hun Sen depuis près de quarante ans. «Ils nous accusent de faire partie de l'opposition. Nous ne parlions que des problèmes du peuple», a-t-elle lancé, réconfortée par une collègue.
Controverse sur le fils du premier ministre
Les autorités ont reproché à ce média en ligne un article erroné, selon elles, sur Hun Manet qui aurait approuvé l'octroi d'une aide financière à la Turquie à la suite du séisme dévastateur d'il y a une semaine.
Valider une telle aide n'entre pas dans les compétences du fils du premier ministre, qui occupe d'importantes fonctions militaires - une manière de se préparer en vue de succéder à son père quand celui-ci décidera de quitter le pouvoir.
Fin de la diffusion sur le champ
Des représentants du ministère de l'Information, accompagnés de policiers, se sont rendus ce lundi au matin dans les locaux de VOD, à Phnom Penh, pour remettre le document notifiant la révocation de la licence de diffusion, a constaté un journaliste de l'AFP sur place.
Le site de VOD, qui a cessé ses activités à 10h00 (03h00 heure de Paris), n'était plus accessible au Cambodge que par un VPN. «Nous espérons que ce n'est pas encore la fin», a déclaré Ith Sothoeuth, le directeur média de l'organisme qui gère VOD.
Manifestation de soutien
Dans la rue, une vingtaine de manifestants ont exprimé leur soutien à ce média en ligne. «Nous demandons aux autorités cambodgiennes de revoir leur décision», a écrit l'ambassade des États-Unis à Phnom Penh, dans un communiqué.
Le scrutin national de juillet devrait renforcer la mainmise de M. Hun Sen, 70 ans, en l'absence de rivaux influents, ceux-ci faisant l'objet d'une intense campagne de répression, dénoncée par les groupes de défense des droits humains.
«S'en prendre à VOD montre bien que les élections ne seront ni libres ni équitables», a réagi Phil Robertson, le directeur adjoint pour l'Asie de l'ONG Human Rights Watch (HRW). «C'est un avertissement clair aux autres voix critiques à quelques mois des élections. (...) Cette fermeture arbitraire (...) va paralyser tous ceux qui osent toujours poser des questions sur les actions du gouvernement cambodgien», a de son côté commenté Amnesty International.