Les officiels nigériens démentent les informations faisant état d’une décision ordonnant aux ambassadeurs d’Allemagne, du Nigeria et des Etats-Unis de quitter le territoire nigérien dans un délai de 48 heures.
L’ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté, est devenu persona non grata dans ce pays où la menace d’une intervention militaire pour rétablir le président Mohamed Bazoum au pouvoir, après le coup d’Etat du 26 juillet, se fait de plus en plus insistante. Les membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), qui ont pris le pouvoir dans le sillage du coup d’Etat, ont réaffirmé hier leur volonté d’expulser l’ambassadeur de France qui, insistent-ils, doit quitter le pays ce soir. L’ultimatum fixé au diplomate français, prenant effet à compter de vendredi dernier, arrivera à échéance dans quelques heures.
Les autorités françaises ont immédiatement réagi à la décision des putschistes de Niamey de retirer leur agrément à Sylvain Itté (64 ans) et de plier bagage. Elles l’ont rejetée en arguant que les «putschistes n’ont pas autorité» pour ce faire, ont rapporté des médias occidentaux. Pour les autorités du Niger, cette décision fait suite au refus de l’ambassadeur de France à Niamey de «répondre à l’invitation» du ministre des Affaires étrangères nigérien pour un entretien sur d’«autres agissements du gouvernement français, contraires aux intérêts du Niger», est-il écrit dans un courrier adressé par les autorités nigériennes au ministère français des Affaires étrangères.
Aussi, les officiels nigériens ont tenu à démentir les informations «distillées» à dessein et faisant état d’une décision ordonnant aux ambassadeurs d’Allemagne, du Nigeria et des Etats-Unis de quitter, eux aussi, le territoire nigérien dans un délai de 48 heures.
Le ministère des Affaires étrangères a, en effet, apporté hier un démenti formel à ces fausses informations véhiculées sur les réseaux sociaux, tout en précisant que «seul l’ambassadeur de France est déclaré persona non grata», lit-on dans un communiqué du ministère. Il a, en outre, rappelé à «ceux qui s’agitent et doutent encore de l’expression de sa volonté souveraine», que le Niger «n’a nullement besoin d’une autorisation ou d’une interprétation de la Convention de Vienne de 1961, pour exercer ses prérogatives et faire quitter Sylvain Itté, après ce délai de 48 heures».
«Droit souverain»
«L’Accord de Vienne est clair sur notre droit souverain d’obliger l’ambassadeur de France à partir», a soutenu hier un membre du CNSP à Al Jazeera. Né à Bamako (Mali), Sylvain Itté a débuté sa carrière en tant qu’administrateur du gouvernement militaire français de Berlin (Allemagne) jusqu’en 1988, selon le site de l’ambassade de France au Niger.
Il a ensuite été nommé chef du bureau des moyens des postes à l’étranger du Quai d’Orsay avant de rejoindre le cabinet du ministre de la Défense en tant que conseiller technique pour les affaires internationales. Il a également occupé les fonctions de secrétaire général de la direction des Français à l’étranger, de directeur général du groupement d’intérêt public «France coopération internationale» et de consul général de France à São Paulo (Brésil).
Il est nommé ambassadeur de France en Uruguay en 2013, puis ambassadeur de France en République d’Angola entre 2016 et 2020. Jusqu’en 2022, il était ambassadeur, envoyé spécial pour la diplomatie publique en Afrique. Alors que le bras de fer diplomatique entre Paris et Niamey se poursuit, en se focalisant sur la question du départ de l’ambassadeur Itté, les élus des collectivités locales au Niger expriment leur soutien aux putschistes et leur refus de toute intervention étrangère, selon Niger Tribune.
Dans une déclaration rendue publique hier, l’Association des municipalités du Niger (AMN) et l’Association des régions du Niger (Areni) ont annoncé avoir pris acte de la proclamation du CNSP ainsi que de sa décision «fort louable» de garder les organes délibérants et exécutifs des collectivités territoriales, c’est-à-dire les communes et régions, a indiqué Actu Niger.
L’AMN et l’Areni ont également apporté «leur ferme soutien» aux actions annoncées par le CNSP pour «une transition réussie» et condamné les sanctions «drastiques, inhumaines et inédites» imposées au Niger par la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a ajouté la même source. Au même moment, le chef d’Etat-major de l’armée nigérienne, Moussa Salaou Barmou, a indiqué que tous les corps de l’armée nigérienne «ont été mis en état d’alerte maximale», a écrit hier le site Sputnik.
«La décision a été prise dans un contexte de menaces d’agression de plus en plus importantes contre le Niger», a déclaré l’officier nigérien. Dans un message transmis à la radio, Moussa Salaou Barmou a ordonné la mise en état d’alerte maximale des forces armées du pays. Il a expliqué, d’après la même source, que la décision a été prise afin d’éviter une surprise générale et d’assurer une riposte adéquate. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées hier à Niamey pour soutenir le CNSP au lendemain de son ultimatum de 48 heures donné à l’ambassadeur de France au Niger pour partir. Des drapeaux nigérien, algérien et russe parsemaient les tribunes.