On les croyait anéantis et leur doléance définitivement satisfaite, car personne n’évoque leur cas, et ce, depuis longtemps. Ils habitaient des maisons de fortune datant de l’ère coloniale.
Le problème se pose toujours. Eparpillées dans plusieurs communes de la wilaya de Bouira, les baraques implantées dans ce qui est appelé «les camps de regroupement» font de nouveau l’actualité. Dans la région, on compte 11 sites où vivent encore des familles dans la misère. 61 ans après l’indépendance, on en parle toujours. Ainsi, la vie des mal-logés est mise en danger. Ils ne savent plus à quel saint se vouer ni à qui s’adresser. Les bidonvilles sont dans une dégradation avancée.
Si les récentes précipitations bénéfiques, tant attendues par les populations et surtout les agriculteurs, sont perçues comme une bouffée d’oxygène, elles ne font, en revanche, qu’accentuer le malheur dans lequel vivent plusieurs familles. Les endroits où sont construits ledits «camps» défigurent le paysage des villes comme des abcès enlaidissant un visage humain. «Nous avons pratiquement épuisé tous les recours possibles. Cela fait 65 ans que nos familles vivent dans ces maisons menaçant ruine.
Les conditions de vie sont inhumaines», a déploré Hamouche Bouchelikia, un habitant de la cité de l’ancien camp de regroupement du 1er Novembre, situé au centre-ville de la commune d’El Esnam, une agglomération implantée à 7 km à l’est du chef-lieu de la wilaya de Bouira. «L’assiette sur laquelle sont construites les habitations est d’environ 3 hectares. Les autorités locales avaient partagé le site en deux lots.
Une partie des occupants des bidonvilles avait bénéficié des lots sur lesquels elles ont bâti des habitations», a témoigné notre interlocuteur. «C’est de la hogra ! Une ségrégation ! Pourquoi pas nous ?» s’indigne un autre, nous montrant des égouts à ciel ouvert et des bâtisses en ruine. Leur aspect misérable est comme une cicatrice laide dans le paysage de la ville. La présence d’une trentaine de familles mal-logées pose un véritable problème social et humain. L’éradication en urgence du reste des habitations est une nécessité.
«Certaines maisons non occupées servent de lieu de débauche aux délinquants», a révélé un habitant. Le quartier ne nécessite pas des opérations d’aménagement car aucune commodité n’existe. Ils vivent, et ce, depuis une soixantaine d’années, sans gaz, sans électricité et sans réseau d’assainissement.
C’est une cité aux allures de favela. Les familles souffrent le martyre. Les habitations où vivent les citoyens de cette localité ne sont que des maisons construites en tuiles et argile. C’est dans ces rudes conditions que ces citoyens algériens survivent. «Nous vivons dans des conditions extrêmes.
Nos baraques de fortune menacent ruine à la moindre inondation», s’indigne-t-on. Une partie des familles ayant passé des années dans ces taudis ont construit des maisons après avoir bénéficié de lot de terrains. «Plusieurs bâtisses de fortune sont lézardées et d’importantes infiltrations d’eau ont eu lieu. C’est de notre droit de réclamer un recasement et des lots, au même titre que les familles recensées par l’APC d’El Esnam», a-t-on exigé.
Un terrain à récupérer
Les habitations de fortune, datant des années 1958, menacent ruine à tout instant sous le regard passif des pouvoirs publics. «Ledit camp de regroupement de l’ère coloniale est au cœur d’un imbroglio nécessitant une décision définitive et courageuse. La première opération de recasement avait été réalisée au début des années 2000.
Les services de l’APC ont finalisé toutes les procédures administratives allant du recensement des occupants à la répartition des lots», a déclaré le P/APC, Hellal Ahmed, en rappelant au passage que toutes les procédures ont été respectées par les maires qui ont succédé à la tête de la collectivité. L’élu, qui a accompagné les familles dans leurs démarches administratives, a souligné que l’assiette de terrain sur laquelle sont implantées des maisons de fortune devait initialement abriter deux lotissements.
Cependant, l’opération est bloquée depuis plusieurs années. «Nous ne devons pas rester les bras croisés dès lors que ces maisons non seulement défigurent le paysage urbain mais constituent une menace pour des vies humaines», a-t-il ajouté. «L’idée d’implanter un lotissement est tombée à l’eau», a-t-il déploré.
Les familles vivant dans des conditions déplorables sont toujours en attente de recasement. «Vingt ans après, nous vivons toujours dans des taudis», a-t-on regretté.
Le wali de Bouira, Lamouri Abdelkrim, qui s’est rendu sur place au début de l’année dernière, avait constaté de visu l’état lamentable dans lequel vivotent les résidents. Il avait ordonné sur place à l’édile de la commune de trouver une solution aux problèmes posés, tout en lui signifiant que l’idée de bâtir un lotissement est tout bonnement rejetée.
Malgré les nombreuses démarches et les multiples doléances des citoyens, les années passées par ces familles dans ledit bidonville ne font que se prolonger et l’espoir de bénéficier d’un logement décent s’éloigner. Les autorités peinent à leur offrir les commodités d’une vie décente.
C’est dans des conditions lamentables en toute saison que nous avons trouvé ces familles. Faute d’un réseau d’assainissement, les fosses septiques dégagent une odeur nauséabonde et l’air y est irrespirable. C’est un véritable terreau où se multiplient les épidémies, se propage la délinquance et qui favorise même la criminalité.
Reportage réalisé par Amar Fedjkhi