Le moins que l’on puisse dire est qu’Oran n’a pas laissé indifférents le reste des Algériens en cette saison estivale 2022, tant, aux dires de la vox populi, «les 57 wilayas du pays étaient bien présentes durant le mois de juillet et d’août» apportant à El Bahia un surcroît d’animation.
L’engouement pour la «destination» Oran a certes démarré par le coup d’envoi de la 19e édition des Jeux méditerranéens, ce qui a apporté, in fine, une grande publicité à la ville incitant tout un chacun à y venir faire un saut, le temps d’un week-end ou pour toute une semaine. Chafaa, propriétaire d’un hôtel 3 étoiles ayant ouvert cette année même, et donnant sur la frange maritime de la zone est d’Oran, se dit satisfait par cet été 2022. «Notre établissement a été réquisitionné pour les Jeux méditerranéens.
Ça nous a permis d’abord de tester nos capacités. Est-on prêt à recevoir des touristes étrangers ? Je pense que les hôteliers d’Oran ont su comment relever le défi. Après les JM, les étrangers sont partis satisfaits, et j’en ai même vu certains avec les larmes aux yeux.» Il dira cependant que la fête de l’Aïd El Kebir, survenu au début du mois de juillet, a cassé la dynamique, même s’il a suffi de quelques semaines pour que cela redémarre derechef, cette fois-ci avec les touristes nationaux.
Ce tourisme-là, indique Chafaa, englobe toutes les couches sociales, notamment la classe dite moyenne. Mais qu’importe, car d’après lui, qu’il s’agisse de tourisme des étrangers ou celui des nationaux, l’exigence doit être toujours la même. «Les visiteurs d’Oran, d’où qu’ils viennent, veulent avant tout la sécurité mais aussi la paix et l’organisation», dira-t-il. «Le secteur du tourisme est sensible et il suffit que le visiteur sorte de l’hôtel, et que trois motos, au dehors, fassent du bruit, pour qu’il panique aussitôt !»
C’est au mois d’août, dira-t-il, que le tourisme local a été massif. «Les 57 wilayas étaient bel et bien présentes à Oran. Même nos compatriotes du Sud étaient là en grand nombre, ceux d’Adrar, d’Illizi ou encore de Tindouf», et cela au point, souligne-t-il, que le taux d’occupation de son établissement hôtelier avait atteint jusqu’à 65 à 70%, ce qui est une excellente moyenne, un hôtel, en effet, ne doit jamais être occupé à 100% et que toujours une dizaine de chambres doivent être libres, «en réserve en cas d’incidents survenus dans les chambres occupées». «J’ai remarqué aussi, aux dires de ces mêmes touristes locaux, que la mentalité de l’Oranais a changé positivement. Certes, l’Oranais a toujours été accueillant, mais là, on relève qu’il devient de plus en plus professionnel.»
Cette année, bien que la frontière avec la Tunisie soit de nouveau ouverte, Chafaa assure que nombre de gens de l’Est, notamment ceux de Annaba, ont néanmoins opté pour un séjour à Oran plutôt que pour Nabeul ou Sousse. «A cette allure, Oran fera de la concurrence à la Tunisie. Je souhaite qu’on reste sur cette même lancée, et qu’on améliore davantage le service, le rendre encore plus professionnel. Ce serait d’ailleurs bien que les autorités concernées réfléchissent à de nouvelles filières, gratuites, dédiées entièrement à l’hôtellerie et aux métiers du tourisme à Oran, qui est générateur d’emplois.»
L’Office national de l’artisanat et du tourisme (ONAT) abonde dans ce sens. «Il n’y a pas un jour que Dieu fait sans que les 33 places du bus ‘Oran city tour’ ne soient occupées, lors des deux rotations journalières. Nous organisons des excursions afin que tout un chacun, y compris les Oranais, découvre les sites dont regorge la ville d’Oran.
Certes, nous avons profité des JM mais force est de reconnaître que l’engouement ne s’est en rien altéré au mois d’août», nous dira un cadre de cette institution rencontré hier. Fethi, s’adonnant à ses heures perdues à des visites guidées à travers les dédales du Vieil Oran, nous a confié lui aussi que son activité a été stoppée brutalement suite à la pandémie de Covid en mars 2020.
Il a fallu attendre cette année, plus précisément cette saison estivale, pour qu’on fasse de nouveau appel à ses services. «Ce mois d’août, pratiquement tous les jeudis, vendredis et samedis, un organisme versé dans la promotion du tourisme me confiait un groupe de visiteurs pour leur faire découvrir le patrimoine oranais. C’étaient généralement des nationaux, ou tout au moins, il s’agissait d’expatriés. Il y avait parfois des touristes européens, mais c’était rare», explique-t-il.
Autre fait notable cet été, ces essaims de touristes qu’on voit tous les jours en train de prendre des selfies devant le magasin de Disco Maghreb, et cela au point d’inciter les différents guides à faire une halte devant le fronton de ce magasin et y raconter son histoire. Cet été également a vu Oran se doter d’une nouvelle destination à présent incontournable pour le commun des visiteurs : la maison natale d’Yves Saint Laurent, située à Plateau, et qui attire beaucoup de monde, qui y font des visites groupées après s’être munis d’un ticket au sein de l’hôtel Liberté.
Le point noir cependant, face à cet afflux de touristes à Oran, est le manque de vie culturelle, l’inexistence de festivals (hormis ceux organisés durant la parenthèse des JM). «Il fait tellement chaud en été, le climat est tellement difficile qu’il aurait fallu tout miser sur la nuit, en y organisant de petits festivals musicaux partout, à travers les différentes communes, et qu’on permette de chanter, danser et se défouler», dira une Oranaise, dépitée par «l’ennui» qui prévaut à Oran durant l’été, et qui contraste d’ailleurs avec «l’animation culturelle riche et de bonne qualité qui a cours pendant le reste de l’année». «J’ai remarqué qu’on promeut le tourisme à Oran en poussant les gens au consumérisme aveugle : centres commerciaux, pizzerias, glaces, restaurants, etc. Tout cela est certes bien joli mais loin d’être suffisant». «A cela, ajoute-t-elle, on remarque que le centre-ville d’Oran manque cruellement de terrasses. S’entend par là : terrasses où la mixité est garantie.
Ce sont là des carences dont il est urgent d’y remédier !» Autre point négatif : le transport nocturne qui laisse fortement à désirer. Il est en effet inconcevable, de l’avis de beaucoup, qu’une ville comme Oran, de surcroît en pleine saison estivale, les bus s’arrêtent à 19h. «On devrait assurer au moins un service minimum pour le soir. Il n’est pas normal que les gens se rabattent sur des taxis avec des courses dont le tarif peut augmenter jusqu’à 500 DA alors qu’il est stipulé que les frais de transport, chez un citoyen, ne doivent pas dépasser 4% de son salaire», nous dira-t-on.
Même le tramway, dont la dernière rotation démarre à 21h50, devrait rester fonctionnel jusqu’à 1h du matin. Un carence qui devrait être corrigée vaille que vaille l’été prochain, et cela d’autant que 50% de l’organisation d’une ville est tributaire de la qualité de ses transports.
Il y a aussi un vieil adage qui dit qu’un pays développé «n’est pas celui où le pauvre possède une voiture mais celui où le riche emprunte un moyen de transport». A méditer…