Le nettoyage de ces cours d’eaux usées permettra de prévenir les inondations à l’approche des pluies automnales, mais aussi d’éviter d’offrir un écosystème idéal pour la prolifération des moustiques tigre, qui serait impossible à éradiquer si elle venait à s’installer dans les méandres de ces nouveaux marécages.
Habituellement, les habitants de la ville de Béjaïa se plaignent du mauvais état du réseau routier intra-muros. S’il faut reconnaître que des efforts ont été faits ces dernières années et que des améliorations ont été apportées, il n’en demeure pas moins qu’un autre réseau a été complètement négligé et laissé pour compte. Il s’agit du réseau hydrographique très important de la ville.
A sa fondation, il y a un peu plus de deux millénaires, la cité de Béjaïa a été bâtie en hauteur sur le flanc du mont Gouraya, mais avec le temps, son extension s’est faite vers sa plaine marécageuse après son assèchement au siècle dernier.
En raison de sa situation géographique d’amphithéâtre naturel, la ville reçoit les eaux de pluie et de ruissellement qui dévalent des montagnes environnantes qui la traversent du nord au sud et d’ouest en est avant de se déverser dans la mer.
Ainsi, Béjaïa est également connue pour être traversée par plusieurs oueds et cours d’eau. Onze en tout, dont le plus connu et le plus important est l’oued Soummam. Réputée pour son taux d’humidité très élevé, la ville compte également deux plans d’eau de grande importance : le lac Mezzaia situé au centre-ville et le lac Tamelaht, prés de l’aéroport, à l’est de la ville.
L’urbanisation anarchique et la démographie galopante des dernières décennies n’ont fait que ces oueds, qui ont été pour la plupart canalisés, le réceptacle des eaux usées de tous les quartiers de la ville. Outre la prolifération des moustiques été comme hiver, ces cours d’eau et canalisations sont responsables d’une très importante pollution visuelle et surtout olfactive.
Tous les quartiers de la ville sont continuellement plongés dans une atmosphère de mauvaises odeurs qui imprègnent tout. Hélas, la saleté et les mauvaises odeurs sont devenues l’un des marqueurs identitaires de cette cité millénaire jadis renommée pour la grandeur de ses savants et la beauté de ses paysages et de ses sites naturels et historiques.
C’est dans ce contexte qu’il faut relire attentivement l’alerte lancée cette semaine par l’Institut Pasteur Algérie (IPA) concernant le danger représenté par la prolifération du redoutable moustique tigre.
Dans un communiqué publié sur son site Internat, l’IPA a invité la population à s’impliquer dans la lutte de prévention contre cette nouvelle espèce invasive et très dangereuse car susceptible de transmettre le virus du Chikungunya, de la dengue et du Zika.
Il est connu que le moustique tigre qui vit normalement dans les forêts tropicales d’Afrique et d’Asie, a été signalé pour la première fois en Algérie en juin 2010, plus exactement à Larbaa Nath Irathen, à Tizi Ouzou.
L’Institut Pasteur confirme qu’en dix ans, le moustique tigre a conquis un peu plus de 60% des régions du Nord, ce qui place l’Algérie au niveau 1 après le zéro, sur une échelle de 5 avant la pandémie.
Les piqûres de ce moustique de grande taille avec des rayures noires et blanches provoquent des brûlures et des cloques qui, en cas d’infection, paralysent les membres supérieurs et inférieurs. Depuis son apparition dans le pays, l’IPA surveille cet insecte diptère de très près et invite les citoyens à signaler sa présence dans leurs quartiers en fournissant des informations précises.
«Nous invitons les citoyens à signaler la présence du moustique tigre et de nous fournir leurs nom et prénom et aussi leur adresse et commune sur notre messagerie Facebook et sur Instagram», annonce l’IPA dans son communiqué, précisant au passage que le moustique-tigre prolifère en zone urbaine et s’adapte facilement aux différents biotopes et que ses œufs résistent longtemps à la dessiccation, c’est-à-dire au dessèchement.
Ce que l’on sait de cet insecte parasite est qu’il passe pour être le vecteur de nombreux virus pathogènes pour l’être humain comme la dengue, le chikungunya, le zika, la paludisme et la fièvre jaune.
Ainsi, de par sa situation géographique et hydrographique, la ville de Béjaïa est le biotope parfait pour le moustique tigre et il convient que cette alerte de l’IPA doit être prise très au sérieux par les autorités locales qui doivent penser d’ores et déjà à programmer des opérations de démoustications, mais surtout au curage des oueds et canalisations de la ville.
Il est vrai que dans le cadre de la préparation de la saison automnale, l’unité locale de l’Office national de l’assainissement (ONA) a déjà organisé une opération de curage préventif au niveau des quartiers de la ville de Béjaïa avec la participation de tous les centres d’assainissement de l’unité mais cela reste très insuffisant au vu de l’état de la ville et de la menace représentée par le moustique tigre.
Il ne s’agit pas seulement de prévenir les inondations à l’approche des pluies automnales mais d’éviter d’offrir un écosystème idéal pour la prolifération à cette espèce très dangereuse qui serait impossible à éradiquer si elle venait à s’installer dans les méandres de ces nouveaux marécages offerts par ces dizaines de kilomètres d’égouts à ciel ouvert.