Bataille des puces sino-occidentale : L’exportation de machines du groupe hollandais ASML vers la Chine bloquée

03/01/2024 mis à jour: 06:55
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Les Pays-Bas ont imposé des limites à l’exportation concernant les équipements de pointe de fabrication de puces - Photo : D. R.

Les Pays-Bas se sont récemment joints aux Etats-Unis et au Japon pour imposer des limites à l’exportation concernant les équipements de pointe de fabrication de puces, visant à empêcher Pékin d’acquérir les puces les plus avancées, susceptibles d’être utilisées dans des armes et les hautes technologies.

Des machines de fabrication de puces de pointe du géant néerlandais des semi-conducteurs ASML ont été interdites d’exportation vers la Chine, a rapporté la société, dans un contexte de pressions américaines dans ce secteur stratégique.

ASML a déclaré lundi dans un communiqué que le gouvernement néerlandais a récemment révoqué une licence pour l’expédition de certaines de ses machines, «ce qui aurait un impact sur un petit nombre de clients en Chine» d’ASML, acteur-clé dans la construction mondiale de microprocesseurs, a rapporté hier l’AFP.

Utilisées dans de nombreux produits, des armes aux voitures en passant par les réfrigérateurs, les puces électroniques alimentent l’économie mondiale moderne.

Les Pays-Bas se sont récemment joints aux Etats-Unis et au Japon pour imposer des limites à l’exportation concernant les équipements de pointe de fabrication de puces, visant à empêcher Pékin d’acquérir les puces les plus avancées, susceptibles d’être utilisées dans des armes et les hautes technologies.

En octobre, Washington a annoncé des restrictions supplémentaires sur les exportations de puces d’IA de pointe vers la Chine, suscitant la fureur de Pékin.

Citant des sources anonymes, l’agence de presse financière Bloomberg a rapporté que des responsables américains ont contacté le gouvernement néerlandais et ASML à la fin de l’année dernière pour tenter de bloquer des expéditions.

A Pékin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a fustigé hier ce qu’il a qualifié de «comportement d’intimidation» de Washington.

Une telle action «viole gravement les règles du commerce international, porte gravement atteinte à la configuration de l’industrie mondiale des semi-conducteurs et a de graves conséquences sur la sécurité et la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement internationales», a-t-il ajouté.

ASML a déclaré que les restrictions à l’exportation n’auraient pas d’«impact matériel» sur ses perspectives financières. Cependant, les actions de la société ont chuté de 1,6% à l’ouverture de la Bourse d’Amsterdam, alors que l’indice AEX était en hausse.

Dans un contexte de tensions commerciales avec la Chine, il est à craindre que Pékin n’introduise ses propres contrôles à l’exportation de gallium et de germanium, deux métaux rares essentiels à la fabrication de semi-conducteurs.

La Chine a annoncé le mois dernier qu’elle arrêterait l’exportation d’une série de technologies de traitement des métaux des terres rares. Wang Wenbin a averti que les Etats-Unis «subiraient inévitablement les conséquences de leurs propres actions».

Au nom de la «sécurité nationale», Washington a annoncé en octobre 2022 de nouveaux contrôles à l’exportation pour limiter l’achat et la fabrication par Pékin de puces haut de gamme «utilisées dans des applications militaires».

L’argument de la «sécurité nationale»

Pour réduire sa dépendance envers l’Asie, l’Union européenne (UE) a, de son côté, trouvé en avril 2023 un accord sur un plan visant à développer cette industrie sur son propre territoire.

Et après les Etats-Unis et les Pays-Bas, le Japon a annoncé fin mars son intention de restreindre ses exportations d’équipements de fabrication de semi-conducteurs, s’attirant les foudres de la Chine. En 2021, Pékin a importé pour plus de 430 milliards de dollars de semi-conducteurs, plus que ce que le pays dépense pour le pétrole.

Lors de sa visite en juin en Chine, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a déclaré qu’il n’est pas dans l’«intérêt» de son pays «de fournir à la Chine des technologies qui pourraient être utilisées contre nous».

«Alors qu’elle développe de manière très opaque son programme d’armes nucléaires, qu’elle produit des missiles hypersoniques, qu’elle utilise la technologie à des fins répressives, en quoi est-il dans notre intérêt de fournir ces technologies spécifiques à la Chine ?» s’est-il demandé.

A l’occasion de son déplacement en Chine en juillet, la secrétaire américaine au Trésor, Mme Yellen, a affirmé que les Etats-Unis vont continuer de mener «des actions ciblées», motivées par de simples considérations de «sécurité nationale».

«Nous ne les utilisons pas pour obtenir un avantage économique.» Mais le pays de la Cité interdite, qui cherche à devenir autonome dans la conception de semi-conducteurs, estime que les mesures de Washington visent à maintenir la suprématie des Etats-Unis dans ce domaine.

Ainsi, la Chine a annoncé, le 31 mars dernier, l’ouverture d’une enquête contre le groupe américain Micron, fabricant de semi-conducteurs, pour des raisons de sécurité nationale. Pékin a indiqué ne plus vouloir de ses produits chez les opérateurs d’infrastructures dites «sensibles» en Chine.

En mai, Pékin a appelé les entreprises chinoises traitant des données sensibles à arrêter d’acheter des puces mémoires dudit groupe. Basé dans l’Idaho (nord-ouest des Etats-Unis), Micron est le quatrième fabricant mondial de semi-conducteurs avec une part de marché de 20 à 25% de l’industrie des DRAM (puces de mémoire vive).

Environ 10% des 30,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires du groupe en 2022 provenaient de Chine. Mais une grande part des produits Micron vendus en Chine est achetée par des fabricants étrangers.

Dans une déclaration officielle, l’administration chinoise chargée de la cybersécurité a estimé que les produits de Micron «présentent des problèmes potentiels pour la sécurité des réseaux relativement sérieux, ce qui pose un problème majeur à la sécurité des chaînes d’approvisionnement (…) et affecte la sécurité nationale de la Chine».

Aussi, l’Empire du Milieu a imposé depuis le 1er août des restrictions aux exportations de deux métaux indispensables aux semi-conducteurs et dont elle est le principal producteur. Selon une directive du ministère du Commerce, les exportateurs chinois de gallium et de germanium doivent obtenir une licence.

Ils devront fournir des informations sur le destinataire final et en notifier l’utilisation, précise ce document. La décision est perçue comme des représailles aux mesures prises par Washington à l’encontre de son secteur technologique. 

 

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