Bangladesh, un groupe d’étudiants a menacé hier de reprendre les manifestations dès aujourd’hui, après plusieurs jours de troubles meurtriers, si ses leaders emprisonnés n’étaient pas libérés, rapporte l’AFP.
Le ministre de l’Intérieur, Asaduzzaman Khan, a affirmé de son côté que 147 personnes ont été tuées, donnant ainsi le premier bilan officiel, tandis qu’Etudiants contre la discrimination, l’organisation à l’initiative des protestations, a recensé 266 victimes.
Selon A. Khan, la police du Bangladesh a fait preuve de retenue, mais a été «forcée d’ouvrir le feu» sur des manifestants pour tenter de protéger des bâtiments gouvernementaux. «Malgré le meurtre de leurs collègues, les policiers ont fait preuve d’une patience extrême», a affirmé A. Khan hier devant la presse. «Mais quand ils ont vu que les bâtiments ne pouvaient être protégés, les policiers ont été forcés d’ouvrir le feu», a-t-il ajouté. La police a arrêté des milliers de manifestants, dont plusieurs leaders étudiants après des protestations contre les quotas d’embauche dans la Fonction publique.
Après un moratoire d’une semaine du mouvement face aux violences, les membres d’Etudiants contre la discrimination ont déclaré hier qu’ils reprendraient les manifestations lundi, si leurs dirigeants ne sont pas libérés. Le chef du groupe, Nahid Islam, et d’autres personnes «doivent être libérés et les poursuites engagées contre eux abandonnées», a déclaré Abdul Hannan Masud aux journalistes lors d’une conférence de presse en ligne samedi soir. A. H. Masud, qui n’a pas révélé d’où il s’exprimait, car il se cache des autorités, a également demandé que des «actions visibles» soient prises contre les ministres et les policiers responsables de la mort des manifestants. «Dans le cas contraire, les Etudiants contre la discrimination seront contraints de lancer des manifestations dures à partir de lundi», a-t-il déclaré.Trois dirigeants du groupe étudiant, Asif Mahmud, Nahid Islam et Abu Baker Majumdern, ont été sortis de force vendredi de l’hôpital et emmenés par des policiers en civil.
L’un des pires soulèvements
Le ministre de l’Intérieur a indiqué, vendredi soir, qu’ils ont été transférés pour «leur propre sécurité». La police a affirmé hier que deux autres personnes ont été mises en détention, selon un activiste d’Etudiants contre la discrimination, trois personnes supplémentaires ont été emmenées. La semaine dernière a été marquée par l’incendie de bâtiments gouvernementaux et de postes de police à Dacca, ainsi que par de violents affrontements de rue entre manifestants et police antiémeute ailleurs dans le pays. Le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina a déployé des troupes, instauré une coupure nationale d’internet et un couvre-feu pour rétablir l’ordre. Le couvre-feu restait en vigueur dimanche, mais il a été progressivement assoupli au cours de la semaine, signe que le gouvernement considère que l’ordre a été en grande partie rétabli.
Le ministre des Télécommunications, Zunaid Ahmed Palak, a annoncé dimanche le rétablissement de l’internet mobile dans l’après-midi, après plus d’une semaine de blocage. Les connexions pour l’internet fixe ont été rétablies mardi.
Selon Prothom Alo, le plus grand quotidien du Bangladesh, au moins 9000 personnes ont été arrêtées dans tout le pays depuis le début des troubles.
Il s’agit de l’un des pires soulèvements au Bangladesh depuis que Sheikh Hasina est redevenue, en 2009, Première ministre (après avoir exercé ces fonctions de 1996 à 2001).
La contestation a commencé après la réintroduction en juin d’un régime réservant à certains candidats plus de la moitié des emplois de la Fonction publique, dont près d’un tiers aux descendants d’anciens combattants de la guerre d’indépendance du Bangladesh.
Dans ce pays comptant quelque 18 millions de jeunes sans travail, selon les chiffres officiels, ce système a suscité la colère des diplômés, confrontés à une crise aiguë de l’emploi. Selon ses détracteurs, ces quotas visent à réserver des emplois publics aux proches de la Ligue Awami, le parti de la Première ministre. La Cour suprême a réduit hier le nombre des postes ainsi réservés, mais les manifestants veulent que ce système soit aboli.