Elles rédigent les comptes-rendus de consultation, résument un dossier médical, écrivent des lettres de suivi..., les intelligences artificielles prennent pied dans les cabinets médicaux, et ce n’est qu’un début, assurent les acteurs du secteur.
Les outils de résumé automatique de consultation écoutent la conversation avec le médecin, puis, en quelques secondes, en font une synthèse rédigée et structurée, que le praticien n’a plus qu’à valider. Ils peuvent généralement produire d’autres documents, comme des lettres de suivi pour les autres soignants suivant le patient.
Alex Lebrun, patron de Nabla, une start-up française devenue un poids-lourd du compte-rendu de consultation aux Etats-Unis, assure que le marché jusqu’alors embryonnaire en France est en train de décoller. Outre-Atlantique, «on a vécu l’explosion du marché en 2023», et le phénomène commence aujourd’hui en France, indique le patron de la start-up, qui revendique 5000 utilisateurs actifs en France.
La plateforme de réservation Doctolib a donné un coup de fouet au marché en annonçant la sortie de son propre outil en 2024, explique M. Lebrun. Outre Doctolib et Nabla, le marché français compte également Loquii, liée au logiciel de gestion de cabinet médical Medistory, ou PraxySanté, une start-up française qui se développe notamment dans les hôpitaux.
Tous ces outils d’intelligences artificielles génératives utilisent les grands modèles de langage (LLM) type ChatGPT, Claude, Llama ou le français Mistral. Les données sont chiffrées et l’hébergeur du service (Amazon pour Doctolib, Google pour Nabla, OVH Cloud pour PraxySanté) ne peut y avoir accès, indiquent les éditeurs. Le compte-rendu de consultation «est un outil absolument génial qui redonne du temps humain à la consultation», s’enthousiasme le docteur Vincent Misrai, un chirurgien urologue de Toulouse, dans le sud de la France, qui utilise à chaque consultation l’outil de Nabla.
Le praticien, délivré de l’obligation de prendre des notes, n’est plus rivé à son écran et peut écouter son patient en le regardant : «On note une attitude, une main qui tremble, une cicatrice... à la fin de la journée, ça change ladonne». «Sur 20 minutes de consultation, ça fait bien cinq ou six minutes de gagnées. Les médecins qui utilisent ces outils sont bien plus à l’heure...», sourit le docteur Jean-Christophe Nogrette, l’un des responsables du syndicat de généralistes MG France, autre utilisateur convaincu. Mais le résumé de consultation n’est qu’un début.
Vérifier
PraxySanté et Docaposte, filiale numérique de La Poste française, proposent un outil de synthèse de dossier médical, également en cours de développement par Doctolib. Une tête chercheuse capable d’aller plonger dans les dizaines de compte-rendus, courriers ou analyses, pour proposer au praticien une vision synthétique du patient qu’il s’apprête à recevoir.
Psychiatre spécialiste de l’autisme à Lyon, dans le centre-est du pays, le docteur Cécile Ly, qui reçoit souvent des patients au dossier médical déjà bien fourni, est en train de tester l’outil de Praxy Santé.
Elle se dit impressionnée par la qualité des synthèses, mais reste prudente : «Pour moi, c’est avant tout un outil de rédaction, c’est là où je vois le gain de temps», indique-t-elle. Pour l’instant, elle vérifie encore toutes les données clef relevées par l’outil.
De l’avis général, la collaboration entre les médecins et ces IA dites génératives ne fait que commencer, et l’outil va devenir plus complet. «Nous allons intégrer petit à petit les recommandations de sociétés savantes médicales, pour que l’outil soit capable de donner des conseils généraux au praticien et au patient», explique Damien Forest, co-fondateur de PraxySanté. Mais pas question de faire une recommandation très personnalisée, ajoute-t-il.
L’outil serait en effet soumis à la réglementation très stricte des dispositifs médicaux, qui obligerait à des investissements colossaux pour vérifier sa fiabilité. «A plus long terme, nous voulons soutenir les médecins sur des tâches plus médicales comme l’aide à l’anamnèse (aider à poser les bonnes questions), les conseils de prévention, la génération de plans de soins», confirme Nacim Rahal, spécialiste de l’IA chez Doctolib.