Le long métrage Avant que les flammes ne s’éteignent, du Français Mehdi Fikri, a été projeté en avant-première algérienne au 4e Festival d’Annaba du film méditerranéen qui s’est déroulé du 24 au 30 avril.
Camélia Jordana et Fianso (Sofiane Zermani), deux artistes français d’origine algérienne, étaient présents au Théâtre régional Azzeddine Medjoubi d’Annaba pour assister à cette projection, la première en Algérie, en présence d’un public nombreux. «C’est la première fois que je viens présenter un film en Algérie.
C’est très émouvant. Le film, qui parle des violences policières en France, est allé dans plusieurs festivals. A chaque présentation, il y a un goût particulier. Ce n’est pas comme les autres films, c’est un sujet singulier, grave et important. Pour chaque présentation, nous ne pouvons pas ne pas penser à toutes les victimes, à leurs familles», a déclaré sur scène Camélia Jordana, fortement applaudie par le public.
Comme Nos frangins, de Rachid Bouchareb pour le cas de Malek Oussekine, étudiant tué en 1986 à Paris, le premier long métrage de Mehdi Fikri aborde le thème sensible des violences policières en France. Des violences qui ont tendance à se répéter ciblant des Français d’origine étrangère, le cas du jeune Nahel, tué en juin 2023, est le dernier en date.
Avant sa sortie en novembre 2023, Avant que les flammes ne s’éteignent a subi des attaques numériques par les milieux racistes en France pour faire baisser sa notation et le banaliser.
«Nous assistons à une offensive résolue, massive et coordonnée de l’extrême-droite sur le terrain culturel, dont le cinéma, art populaire par excellence, est une cible privilégiée (...) Nous dénonçons vivement ces manœuvres d’intimidation car elles cherchent en réalité à pratiquer une censure de fait qui ne dit pas son nom», a dénoncé la Société des réalisateurs de films (SRF), dans un communiqué.
La SRF a accusé la chaîne Cnews, dont la ligne éditoriale épouse clairement les thèses de l’extrême droite, de mener une campagne contre le film. Des internautes ont dénoncé aussi le fait que le film reçoit 900 000 d’euros d’argent public.
D’autres se sont attaqués à Camélia Jordana soulignant un déchaînement étudié et voulu de la «fachosphère». «La fachosphère dont les quelques neurones restants s’agitent à la simple évocation des termes ‘‘violence policière’’.
Cette extrême-droite folle, dure, violente et radicale. Cette même extrême droite, dont les représentants se retrouvent au premier rang d’une manifestation contre l’antisémitisme. Sommes-nous donc à ce point amnésiques pour oublier l’histoire ?», a dénoncé Camélia Jordana sur son compte instagram fin novembre 2023.
Attaques haineuses
L’interview de Camélia Jordana, accordée à France Inter, le même mois, a été suivie d’un flot nauséabond d’insultes et d’attaques contre le film, la comédienne et toute l’équipe de Mehdi Fikri. En 2022, les mêmes attaques haineuses avaient ciblé le film Les Engagés d’Emilie Frèche parce qu’il abordait la thématique de la solidarité avec les migrants.
Mehdi Fikri a écrit et réalisé le film. Grandi à la Seine Saint-Denis (département 93), dans la banlieue nord de Paris, cet ancien journaliste connaît parfaitement la question du rapport entre migrants et policiers. Il a pendant dix ans écrit des articles dans L’Humanité (journal de tendance communiste) sur les problèmes nombreux des quartiers populaires de banlieues.
Il semble avoir été inspiré par La Haine de Mathieu Kassovitz, sorti en 1995. Ce poignant long métrage, qui a enregistré plus de deux millions d’entrées en France, un record peu égalé, a obtenu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes.
C’était le premier long métrage de fiction à aborder frontalement le sujet des violences policières utilisées pour contrer les émeutes des jeunes de banlieues. Le film Bloody Sunday, du Britannique Paul Greengrass, est une autre source d’inspiration pour Mehdi Fikri. Ce long métrage, sorti en 2002, revient sur le massacre commis par l’armée britannique contre les manifestants, le 30 janvier 1972 à Derry en Irlande du Nord.
Un vrai casse-tête
Avant que les flammes ne s’éteignent, qui était dans la sélection officielle du Festival de Toronto, n’a pas la même intensité de La Haine ou de Bloody sunday, mais aborde avec courage la question de l’injustice face aux bavures des policiers. Les médias et la police prétendent que Karim est mort d’une crise d’épilepsie.
La famille ne croit pas à cette version et décide de mener sa propre enquête. «Au moment où les experts confirment les mensonges du parquet, on ne cèdera pas», a déclaré Malika aux journalistes. Le procureur entend faire passer le crime comme «une mort naturelle». Le combat pour imposer la vérité est pénible.
Autre dilemme : faut-il enterrer Karim ou continuer à garder le cadavre à la morgue jusqu’à la fin de l’enquête ? Un vrai casse-tête pour la famille. Le père (Hammou Graïa) veut enterrer son fils dans la dignité contrairement à l’avis des frères et des sœurs décidés à aller jusqu’au bout dans la recherche de la vérité.
La solidarité familiale est mise à rude épreuve. Malika et ses frères comprennent qu’il faut faire «du bruit» pour se faire entendre. Un mouvement est alors lancé dans la cité avec des slogans : «Justice pour Karim», «qui nous protège de la police ?», «Mort pour rien»...
Le spectateur a alors à l’esprit l’affaire Adama Traoré, jeune d’origine étrangère, tué à 24 ans, en juillet 2016, à la gendarmerie de Persan en Val-d’Oise... Malika décide de faire des recherches sur le fonctionnement de la justice, sur les jargons judiciaires et sur les procédures devant les tribunaux.
Le combat de Malika rappelle celui d’Amel Bentounsi, une avocate qui a durement combattu la machine du mensonge et d’indifférence après la mort de son frère. En 2012, Amine Bentounsi a été tué par un policier qui a tiré une balle dans le dos de la victime, à Noisy-le-Sec. Amel Bentounsi a créé le Collectif des familles des victimes tuées par la police. Malika veut aussi obtenir un procès des policiers qui ont provoqué la mort de son frère.
Au centre «de la vie politique française»....
«Le film a été tourné avant l’affaire Nahel, mais après des dizaines d’autres affaires. Mehdi Fikri a voulu offrir un point de vue. Le cinéma peut permettre de nourrir le débat et l’échange. La question n’est pas d’être contre ou pour les violences policières, mais celle-là : que fait-on du mal-être dans notre société aujourd’hui et pas qu’en France d’ailleurs ?
On voit une liste de victimes de violences policières qui s’allonge. Les policiers sont aussi des victimes de ce système», a déclaré Camélia Jordana. Depuis plus de quatre ans, cette actrice, au ton libre, tente de sensibiliser contre les violences policières. «Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie.
Quand j’ai les cheveux frisés, je ne me sens pas en sécurité face à un flic en France. Vraiment», a-t-elle confié en 2020. Attaquée par l’extrême-droite, Camélia Jordana a été soutenue par plusieurs personnalités, dont Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré, qui a lancé le hashtag #MoiAussiJaiPeurDevantLaPolice. «Je crois intimement que la question des violences policières est au centre de la vie politique française.
Une question qui rejoint d’autres, d’où mon choix d’en faire un film», a soutenu, pour sa part, Mehdi Fikri Bien rythmé et riche en dialogues, le film Avant que les flammes ne s’éteignent a rassemblé des stars, certaines montantes, du cinéma et de la télévision français comme Sofian Khammes, Sonia Faidi ou Makita Samba.