«Il y aura des faillites bancaires, mais ce ne seront pas les grandes banques, (...) plutôt les petites et moyennes», a averti le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, devant une commission du Sénat. San Francisco, Washington, New York, ... : les bureaux aux Etats-Unis voient passer moitié moins de personnes qu’avant la pandémie. Car de nombreux cols blancs rechignent à refaire leurs longs trajets quotidiens depuis qu’ils se sont habitués à travailler de chez eux pendant la crise du Covid. Le taux de vacance, qui était de 9,5% en 2019, a grimpé à 13,5% en 2023, et pourrait aller jusqu’à 16,6% fin 2025, selon l’agence Fitch.
«Dans de nombreuses villes, le quartier de bureaux du centre-ville est sous-peuplé», avec «des bâtiments vides», et «tous les commerces qui servaient les milliers de personnes qui travaillent dans ces immeubles sont également sous pression», a souligné Jerome Powell.
206 milliards à refinancer
Cette désertion a fait perdre au secteur des bureaux un tiers de sa valeur. Or, 2024 est une année à risque : un quart des prêts souscrits par les propriétaires pour acquérir ces biens immobiliers arrive à échéance, selon les chiffres de l’Association des établissements de crédit immobilier (MBA). Soit 206 milliards de dollars à refinancer. Au moment où les taux sont au plus haut depuis 20 ans.
«Les prêts devront être refinancés dans un environnement caractérisé par des taux d’intérêt plus élevés, des valorisations plus faibles et des taux d’inoccupation en hausse», avait détaillé la secrétaire au Trésor Janet Yellen. Aux Etats-Unis en effet, les emprunts commerciaux doivent être renégociés tous les trois à cinq ans. Le risque : une «réaction en chaîne», puisque les banques «risquent de voir leur emprunteur faire défaut, et de ce fait, se retrouver avec des tensions sur leurs capitaux», a expliqué à l’AFP Gregory Daco, chef économiste pour EY Parthenon.
La principale conseillère économique de Joe Biden, Lael Brainard, anticipe des «tensions», mais pas d’
«implications plus larges pour le système financier», a-t-elle dit récemment à des journalistes. Les «immeubles de bureaux où les taux d’inoccupation sont élevés en raison de changements dans les modes de travail» sont «une catégorie restreinte au sein de l’immobilier commercial», avait-elle ainsi souligné. Néanmoins, si les grands établissements ont les épaules pour absorber ces pertes, «pour des petites banques, c’est énorme», note encore Gregory Daco.
Fonds de retraite ou assurances, entre autres, sont aussi concernés, dès lors qu’ils possèdent des immeubles commerciaux dans leurs portefeuilles. Ils sont même encore plus vulnérables, car non soumis aux mêmes exigences de réglementation que les banques.
Effet domino
Jerome Powell a ainsi précisé que la Fed travaille avec les établissements à risque : «Nous avons identifié les banques qui ont de fortes concentrations dans l’immobilier commercial, en particulier les bureaux et les commerces de détail, (...) et nous dialoguons avec eux.» «Si les propriétés sont vendues à un prix inférieur (...), cela pourrait déclencher un effet domino, obligeant les banques à réévaluer les pertes potentielles auxquelles elles sont exposées», et les provisions «nécessaires pour les couvrir», explique ainsi Ryan Sweet, économiste pour Oxford Economics.
C’est l’une des faiblesses qui a poussé cette semaine la New York Community Bancorp (NYCB) à changer de direction et obtenir plus d’un milliard de dollars de capitaux frais pour repartir d’un bon pied. Les difficultés de cet établissement sont plus larges que sa seule exposition à ces prêts, mais elle avait annoncé en janvier une provision de 185 millions de dollars pour compenser les impayés ou retards de son portefeuille de prêts immobiliers, entre autres pour les immeubles de bureaux.
Et à plus long terme, «si nous ne voyons pas davantage de personnes retourner au bureau, cela deviendra un problème», avait alerté Michelle Bowman, une gouverneure de la Fed.