Audrey Leblanc et Cyril Burte, commissaires de l’exposition Kagan : «Son obsession à photographier les traces du racisme»

22/02/2022 mis à jour: 09:21
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-Quel est pour vous le point commun au fil des années dans le travail d’Elie Kagan ?
 

Le point commun est certainement la photographie comme déambulation dans la vie et la ville, Élie Kagan habitant dans le centre de Paris près de République. Le fonds semble davantage raconter un rapport existentiel à la photographie, une raison d’être là, qui lui permet de passer d’un univers social ou culturel à l’autre. Comme un prétexte pour aller observer les choses du monde. Son appétence pour les personnalités politiques – tous bords confondus – et son intérêt pour les gens dans la rue (en manifestation, au travail, dans la mendicité, ou simplement de simples passants) constituent un autre fil rouge de son fonds, tout comme son obsession à photographier les traces du racisme et de l’antisémitisme dans l’espace public (graffitis).

-Elie Kagan s’est-il retrouvé par hasard au milieu des manifestants s algériens du 17 Octobre 1961 ?
 

Quelques témoignages oraux semblent indiquer que le FLN aurait fait appel à Élie Kagan pour couvrir la manifestation du 17 octobre 1961. Cependant, aucune archive n’a été pour l’instant trouvée corroborant ce récit. Jean-Luc Einaudi dans son ouvrage 17 octobre 1961, coédité par la BDIC en 2001, écrit sans plus de précisions que Kagan «a été prévenu, comme quelques journalistes, que les Algériens vont manifester à l’appel du FLN». Par ailleurs, les photos de Kagan ne correspondent pas à celles d’un photographe qui serait allé couvrir un rassemblement pacifique : aucune image de la foule qui défile, de manifestants, etc. Ses photos du 17 octobre forment plutôt des points de prises de vue ponctuels dans différents lieux où les forces de l’ordre ont déclenché la répression.
 

-Le fonds Elie Kagan a-t-il été exploité complètement ? Réserve-t-il encore des surprises cachées ?
 

Le fonds Kagan est très vaste (plus de 200 000 images). 
Il est loin d’avoir été exploré et exploité complètement, son inventaire n’étant pas achevé. 
L’exposition est consacrée à son parcours de photographe indépendant et dévoile une partie de son travail qui n’a pas été publiée dans la presse de l’époque, mais un fonds d’une telle ampleur est ouvert à d’autres lectures et permet d’autres pistes de recherche. 

Propos recueillis par Walid Mebarek

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