Le Japon a fait un pas vendredi 17 février vers un relèvement de l'âge de la majorité sexuelle dans le pays, particulièrement basse à l'heure actuelle (13 ans), dans le cadre d'une vaste réforme de sa législation contre les agressions sexuelles. Des experts missionnés par le ministère de la Justice ont proposé de relever à 16 ans l'âge minimum du consentement pour des activités sexuelles, ainsi que des réformes pour faciliter les poursuites judiciaires pour viol et criminaliser le voyeurisme.
Ces recommandations interviennent après une série d'acquittements au Japon dans des affaires de viol en 2019, des décisions qui avaient indigné les parties plaignantes et entraîné des manifestations de femmes à travers le pays en signe de solidarité avec les victimes.
Loi de 1907
Des amendements législatifs basés sur ces propositions pourraient être adoptés par le Parlement dans le courant de cette année. L'âge de la majorité sexuelle au Japon est le plus bas parmi les pays membres du G7, et il est aussi plus bas qu'en Chine et Corée du Sud, pays voisins de l'archipel.
Selon la loi japonaise en la matière, qui n'a pas été modifiée jusqu'à présent depuis son introduction en 1907, les mineurs âgés d'au moins 13 ans sont considérés capables de consentir de leur plein gré à des activités sexuelles. Cela rend difficile pour des victimes aussi jeunes au moment des faits de traduire leurs agresseurs en justice, alors qu'un tel acte serait directement passible de sanctions pénales dans beaucoup d'autres pays.
Sanctions légères
Dans la pratique toutefois, des ordonnances départementales interdisant les actes «obscènes» avec des mineurs sont parfois considérées comme portant de fait l'âge du consentement à 18 ans dans de nombreuses parties du Japon. Mais ces ordonnances sont assorties de sanctions bien plus légères que si les accusés étaient poursuivis pour viol, comme elles se contentent de considérer de telles relations sexuelles comme un simple comportement «non éthique», dénonce Kazuna Kanajiri, directrice de PAPS, une association japonaise de défense des victimes de la pornographie et de l'exploitation sexuelle.
Cela donne toute latitude aux agresseurs pour «rejeter le blâme sur leurs victimes, en prétendant qu'elles avaient elles-mêmes initié le rapport sexuel ou y avaient pris du plaisir», ajoute Kazuna Kanajiri, interrogée par l'AFP. Entre deux adolescents de plus de 13 ans, les relations sexuelles resteraient légales s'il y a moins de cinq ans d'écart entre les deux partenaires.
Détracteurs
Le Japon a déjà amendé sa législation contre les violences sexuelles en 2017, une première depuis plus d'un siècle, mais pour beaucoup ces réformes ne sont pas allées assez loin. L'un des points les plus critiqués dans la législation actuelle sur le viol au Japon est le fait que les procureurs doivent prouver que les accusés ont eu recours à «la violence et à l'intimidation». Les détracteurs de ces conditions étriquées font valoir que les victimes se retrouvent ainsi souvent blâmées pour ne pas avoir suffisamment résisté, et soulignent que des personnes agressées peuvent se figer ou se soumettre lors d'un viol de peur de subir des blessures supplémentaires.
Le comité d'experts du ministère de la Justice ne propose pas de supprimer le texte, mais d'inclure d'autres caractéristiques pour définir le viol, comme droguer les victimes, les prendre par surprise ou les manipuler psychologiquement. Cette clarification «n'a pas pour but de faciliter ou compliquer» les condamnations pour viol, mais de rendre les verdicts des tribunaux «plus cohérents», a expliqué Yusuke Asanuma, un responsable du ministère de la Justice.
Cette évolution est un progrès mais «ne correspond toujours pas aux critères internationaux en matière de législation sur le viol», a réagi le groupe de défense Human Rights Now dans un communiqué. Le panel d'experts du ministère propose également d'introduire une nouvelle infraction couvrant l'acte de filmer secrètement quelqu'un à des fins sexuelles, ainsi que l'allongement du délai de prescription pour les violences sexuelles à l'encontre de mineurs, afin de leur donner plus de temps pour porter plainte.