Convoité de toutes parts, le foncier industriel a traîné plusieurs anciens walis devant les tribunaux. En effet, quelques jours après l’incarcération de Noureddine Bedoui, un autre ancien wali de la République vient de rejoindre la prison d’El Harrach où croupissent des dizaines de dignitaires de l’ancien régime.
Il s’agit de Abderrahmane Madani Fouatih, qui était wali à Boumerdès entre octobre 2016 et avril 2018. Il a été placé récemment sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur près le pôle pénal de Sidi M’hamed, a-t-on appris de source proche du dossier. L’ancien wali est poursuivi dans une affaire liée à l’attribution de foncier dédié à l’investissement dans la zone industrielle de Larbatache, à l’ouest de Boumerdès. Cité dans la même affaire, Nabil Berriche, son chef de cabinet au moment des faits, a été mis sous contrôle judiciaire, a-t-on indiqué.
Un autre prévenu, répondant au nom de Rekhila, qui serait le neveu de l’ex-Premier ministre Noureddine Bedoui, a été placé en détention provisoire pour, semble-t-il, avoir profité de la position de ce dernier pour obtenir un terrain dans la zone industrielle en question. Une zone de 137 ha qui, depuis sa création en 2015, a fait couler beaucoup d’encre, mais peine à ce jour à prendre forme malgré les sommes colossales d’argent englouties pour sa viabilisation. Les 160 lots de terrain qu’elle renferme étaient très convoités. La liste des premiers bénéficiaires contenaient plusieurs noms d’oligarques de l’ancien régime, à l’instar des Haddad, Kouninef, Mazouz, etc. Ces derniers et tant d’autres ont fini par se retrouver entre les mains de la justice, qui les a condamnés à de lourdes peines pour des faits de corruption.
Il faut dire que Abderrahmane Madani Fouatih, énarque à la silhouette imposante, a marqué son passage à la tête de la wilaya de Boumerdès. La population locale garde de lui l’image d’un homme arrogant, autoritaire mais efficace sur le plan de gestion et porteur d’idées innovantes. En témoignent les comités de gestion des grandes villes créés à son époque et les nombreux concours instaurés afin d’améliorer le cadre de vie des citoyens, tels que Top City, Top Village et Top Summer de la meilleure plage.
Tout en lui reprochant sa proximité avec les milieux des affaires, beaucoup reconnaissent ses qualités de leader exigeant et intransigeant avec ses subalternes, notamment les maires, auxquels il avait donné du fil à retordre en les obligeant à présenter leur bilan de gestion à la population avant chaque fin d’année. Après Nouria Yamina Zerhouni et Mohamed Salamani, Abderrahmane Madani Fouatih est le 3e ancien wali de Boumerdès à être rattrapé par la justice pour ses faits de gestion, et plus particulièrement l’octroi du foncier industriel.
Comme lui, une douzaine d’autres walis sont poursuivis en justice pour le même motif. Si le clientélisme et le favoritisme dans l’attribution du foncier étaient une des marques de fabrique du système Bouteflika, d’aucuns auront constaté que le fléau s’est beaucoup aggravé après le 4e mandat. Cela notamment après le gel du Calpiref et l’abrogation de l’ordonnance n°08-04 à la faveur de la loi de finances complémentaire de 2015, autorisant les walis à concéder les terrains relevant du domaine privé de l’Etat par un simple arrêté. Le Calpiref étant alors perçu comme un sérieux obstacle devant les appétits voraces de la caste au pouvoir.