Depuis plus d’une semaine, l’armée israélienne mène des opérations des plus sanglantes et des plus terrifiantes dans les camps de réfugiés de Jabaliya, au nord de Ghaza, tuant des dizaines de Palestiniens, certains brûlés vifs dans leurs tentes et d’autres déchiquetés ou portés disparus.
Pendant que le ministre de la Défense américain, Lloyd Austin, confirmait l’envoi d’une batterie de défense antimissile et de 100 soldats, pour la faire fonctionner en Israël, et renforcer sa sécurité aérienne, l’armée israélienne poursuivait, dans la nuit de dimanche à hier, ses attaques sanglantes à coups de mortiers d’artillerie lourde et de raids aériens contre les camps des déplacés de Jabaliya, au nord de Ghaza, tuant des dizaines de personnes et faisant autant de blessés, principalement des femmes et des enfants.
Des scènes chaotiques ont été filmées et diffusées sur la Toile et les plateformes numériques, montrant des corps calcinés, d’autres transformés en torche humaine et de nombreux blessés qui tentaient vainement d’éteindre les immenses flammes qui s’élevaient au ciel, sous les cris, les pleurs et les sanglots des femmes et des enfants.
Ces insoutenables images se sont répétées durant la journée d’hier, après le bombardement d’un centre de distribution de farine, dans le même camp, tuant une dizaine de personnes et blessant au moins 40 autres, difficilement évacuées vers l'hôpital Al Awda, en raison des tirs d’artillerie et d’armes à feu par les soldats sionistes, qui avaient pour ordre de ne laisser personne quitter les lieux, assiégés depuis plus d’une semaine, au cours de laquelle près de 200 Palestiniens ont été tués.
Dans la même journée, l’armée israélienne a mené d’autres offensives aériennes sur une école au centre de Ghaza tuant 20 personnes, dont de nombreux enfants, alors que des frappes ont ciblé l’hôpital des Martyrs d’Al Aqsa à Deir Al Balah, provoquant un immense incendie durant les premières heures de la matinée d’hier.
A Nuseirat, l’armée sioniste a ciblé un autre camp de réfugiés, qui devait servir aujourd’hui pour le démarrage de la seconde campagne de vaccination des enfants contre la Polio, avec des frappes aériennes, tuant 22 personnes, dont 15 enfants, et blessant des dizaines d’autres. Selon un bilan du ministère de la Santé, rendu public hier matin, 62 personnes ont été tuées en 24 heures par l’armée sioniste, qui a bombardé aussi bien le sud que le centre de Ghaza, mais c’est à Jabaliya que ses frappes ont été les plus meurtrières et les plus incessantes depuis une dizaine de jours, durant lesquels, le camp avec ses 400 000 habitants était assiégé.
La situation s’est gravement détériorée avec les ordres d’évaluation donnés samedi dernier, par l’armée sioniste, aux Palestiniens pour quitter le nord vers le sud de Jabaliya, un sorte de grand carré divisé par les forces d’occupation en plusieurs autres. Dans son message lancé à la population, l’armée sioniste affirme que ses opérations vont durer longtemps et que «la zone, y compris les abris, est considérée comme une zone de combat dangereuse qui doit être évacuée immédiatement vers la zone humanitaire, par la route Salah Eddine».
L’exode vers un sud surpeuplé
Cette route est le principal axe qui relie le nord au sud de Ghaza. Le message des forces ne fait pas mention du retour éventuel de la population chez elle, au nord, une zone en train d’être terrassée par une opération de destruction massive de ses infrastructures de base dans le but de la rendre invivable, comme cela a été le cas au centre de Ghaza.
La seule promesse que l’armée sioniste a faite, est celle de recourir à une force importante et pendant longtemps, ce qui ferme la porte à toute possibilité de retour de la population. Celle-ci a été sommée de rejoindre Al Mawasi, située sur la côte sud de l’enclave, non loin de Rafah, et désignée par l’occupation comme une zone humanitaire, où les conditions de vie humaine sont extrêmement pénibles, raison de sa surpopulation, et ne garantie pas la sécurité, puisqu’elle est souvent la cible de frappes aériennes.
La majorité des habitants de Jabaliya ont refusé catégoriquement de quitter les lieux, et en réponse, l’armée sioniste les a privés d’eau, d’électricité, de carburant pour faire fonctionner l'hôpital, de nourriture, d’aide humanitaire et de médicaments, et ceux qui décident de circuler en dehors du périmètre du camp sont tout simplement la cible de tirs d’arme à feu. Le blocus sur les denrées alimentaires, les médicaments, les équipements médicaux et le carburant a fini par épuiser les médecins, qui sont de plus en plus fatigués, et certains, totalement épuisés, ont fini par quitter la zone.
La feuille de route de l’armée sioniste consiste à vider le nord de Ghaza de sa population et elle est décidée à rester sur place pour s’assurer qu’il y ait un aller sans retour vers Jabaliya, au nord, une région soumise à un embargo sur l’information, où aucun journaliste n’a le droit d’aller, la transformant en zone de non-droit, où les soldats israéliens sont dotés d’un permis de tirer sur tout ce qui bouge. Hier, un journaliste a été tué dans le bombardement du camp à Jabaliya, alors qu’un photographe de presse a été blessé, portant ainsi le nombre de journalistes assassinés par Israël à 177, selon le ministère de la Santé palestinien, faisant de l’enclave la région la plus dangereuse pour les médias.
Certaines familles ont cependant fini par abandonner leurs maisons, notamment celles composées de femmes et d’enfants, après avoir été menacées par les soldats sionistes. Dans des conditions catastrophiques, elles ont pris le risque de traverser des kilomètres à pied, sans eau, sans nourriture et souvent sans chaussures pour rejoindre un lieu sensé être sûr, mais qui ne l’est pas, puisqu’en cours de route, elles ont été la cible de tirs de drone ou d’armes à feu israéliens.
Des témoignages accablants et surtout glaçants ont été rapportés par des médias britanniques, dont la BBC, qui ont écrit, en se basant sur les propos de la responsable de l’ONG Medical Aid for Palestinians, que «les preuves présentées par les civils blessés suggèrent qu’ils ont été pris pour cible».
Aussi bien pour les Palestiniens que pour les experts onusiens, l’Onu et les organisations humanitaires, l’armée israélienne est entrain de «nettoyer le nord de Ghaza», selon le fameux «Plan des généraux», un groupe d’officiers supérieurs retraités, à leur tête un ancien conseiller à la Sécurité nationale, le général de division Giora Eiland. Il consiste à obtenir rapidement et au prix de graves dérives «la victoire», que l’armée israélienne peine à arracher après une année de guerre et des pertes importantes dans ses rangs, à savoir en finir avec le Hamas et récupérer les otages.
Zone militaire
L’idée est d’intensifier les offensives au nord de l’enclave pour pousser les combattants du Hamas et leur chef à se rendre et sa première étape est de forcer la population à quitter la bande de Ghaza par des corridors d’évacuation qui la mèneront à l’oued de Ghaza, au sud, qui traverse l’enclave d’est en ouest, devenu une ligne de démarcation depuis le début de la guerre.
Selon des médias, cette feuille de route, qui vise à «nettoyer le nord de Ghaza», a été exposée au Premier ministre et aux membres de la Knesset (Parlement), par Giora Eiland. «Puisque nous avons déjà encerclé la partie nord de Ghaza au cours des neuf ou dix derniers mois, ce que nous devrions faire, c’est dire aux 300 000 habitants (que l’ONU estime à 400 000) qui vivent encore dans la partie nord de Ghaza qu’ils doivent quitter cette zone et qu’on devrait leur donner 10 jours pour partir en empruntant les couloirs sûrs qu’Israël fournira. Et après ce temps-là, toute cette région deviendra une zone militaire.
Et tous les membres du Hamas, qu’ils soient des combattants ou des civils, auront toujours deux choix : se rendre ou mourir de faim», avait expliqué l’ancien conseiller, selon les médias hébreux, repris par leurs confrères américains et britanniques, au début de cette semaine. L’ancien conseiller a exprimé le souhait de voir «les couloirs d’évacuation fermés» après les délais imposés à la population. «Toute personne qui resterait sur place serait traitée comme un combattant ennemi.
La zone serait assiégée, l’armée empêchant l’approvisionnement en nourriture, en eau et en autres produits de première nécessité. La pression deviendrait insupportable et ceux qui restent du Hamas s’effondrerait rapidement, libérant les otages survivants et offrant à Israël la victoire qu’il désire ardemment», a écrit la BBC.
Les conséquences sur la population sont désastreuses. Israël a déjà fermé les principaux points de passage vers le nord de Ghaza, empêchant ainsi toute aide alimentaire depuis le 1er octobre dernier, selon le premier responsable du Programme mondial de l’alimentation (PAM), qui a affirmé que «les cuisines mobiles et les boulangeries ont dû cesser leur activité en raison des frappes aériennes et seule boulangerie en activité dans le nord, qui bénéficie du soutien du PAM, a pris feu après avoir été touchée par une munition explosive».
Israël, malgré la condamnation de nombreux pays, poursuit sa guerre d’épuration ethnique, avec le soutien militaire des Etats-Unis. Hier, le bombardement de l’école Al Mufti dans le camp de Nuseirat, au centre de Ghaza, et celui des tentes des personnes déplacées, ayant provoqué des incendies qui ont emporté des femmes et des enfants dans leur sommeil, à l’intérieur de l’hôpital des Martyrs d’Al Aqsa à Deir Al Balah, faisant des dizaines de morts et de blessés, ont été condamnés par de nombreux pays, pendant qu’au Nord, dans les camps de Jabaliya, les habitants des camps de réfugiés étaient la cible d’une guerre de «génocide et de nettoyage ethnique» pour le neuvième jour consécutif, d’un siège terrestre, de meurtres, de bombardements de maisons, de déplacements forcés et d’embargo sur le ravitaillement.